Après le projet de construction d’habitats lunaires imprimés en 3D (Olympus) présenté l’année dernière, la NASA se tourne vers une autre idée d’envergure. Dans le cadre du programme Artemis, l’agence spatiale ambitionne de s’appuyer sur une base fongique pour construire des habitats permanents sur la surface lunaire. Par le biais de la « mycotecture », la NASA souhaite ainsi redéfinir les frontières de la construction d’habitats spatiaux, aussi bien sur la Lune que sur Mars.
Jusqu’à présent, l’idée d’ériger des habitations sur le sol lunaire relevait de l’utopie. L’obstacle principal réside dans le coût prohibitif de l’envoi de matériaux de construction vers la Lune, atteignant près d’un million de dollars pour un demi-kilo de matériel. Cette contrainte financière a poussé la NASA à explorer des alternatives audacieuses. Walt Engelund, administrateur associé des programmes à la Direction des missions de technologie spatiale de la NASA, a souligné dans un communiqué : « Nous nous engageons à faire progresser les technologies pour transporter nos astronautes, héberger nos explorateurs et faciliter des recherches précieuses ».
Parmi les solutions novatrices envisagées figure l’impression 3D. En 2022, l’agence a signé un contrat avec ICON pour la construction d’habitats imprimés en 3D sur la Lune, un projet ambitieux baptisé Olympus, qui devrait voir le jour d’ici 2040.
Plus récemment, le projet Mycotecture Off Planet, orchestré par Lynn Rothschild, scientifique au centre de recherche Ames de la NASA, s’inscrit également dans cette dynamique avant-gardiste. Un financement de 2 millions de dollars pour la phase III a été accordé par le NASA Innovative Advanced Concepts (NIAC) pour développer le concept de mycotecture. Cette subvention soutient les recherches de Rothschild et de son équipe pour les deux prochaines années.
Les champignons, piliers de l’architecture lunaire ?
Le concept d’habitats lunaires fongiques dans le cadre du projet Mycotecture Off Planet consiste à utiliser du mycélium de champignons pour ériger des structures légères et pérennes. « On ne peut pas utiliser de planches ou de briques », a confié à Al Jazeera Chris Maurer, fondateur du cabinet d’architecture Redhouse et partenaire de la NASA. Plutôt que d’expédier des matériaux lourds sur la Lune, les astronautes emporteraient des structures imprégnées de champignons en dormance.
Arrivés à destination, ces champignons seraient « réveillés » par simple aspersion d’eau. La NASA projette d’envoyer des moules extensibles dans lesquels ces champignons, une fois activés, se marieront avec le régolithe lunaire (composant le sol) et l’eau pour former une structure habitable, défiant les conditions lunaires extrêmes.
L’équipe de Rothschild a déjà franchi un pas décisif à l’aide d’un financement antérieur du NIAC. Les chercheurs ont élaboré des biocomposites à base de champignons et testé divers prototypes. Ils ont notamment montré que ces biocomposites fongiques, dont ceux à base de champignons noirs mélanisés, assurent une protection satisfaisante contre les radiations. Selon Maurer, les radiations représentent l’un des principaux obstacles aux missions habitées. Il a également précisé que la mycotecture peut bloquer 99 % des radiations avec seulement 8 cm d’épaisseur.
Outre la protection contre les radiations, les structures à base de champignons offrent d’autres avantages, tels que l’isolation thermique et la protection contre les micrométéorites. Sur le plan esthétique, la structure prendrait la forme d’un dôme à trois couches : la première (depuis l’extérieur) filtrerait les radiations tandis que la seconde, composée de cyanobactéries, assurerait la production d’oxygène. La couche intérieure quant à elle, faite de mycélium, constituerait l’espace de vie.
Ce nouveau financement permettra à l’équipe de passer à l’étape suivante, qui consiste à perfectionner les habitats fongiques et à entamer des essais d’ici 2028. Après la Lune, Mars se profile comme la prochaine cible de la NASA pour la potentielle construction de ces habitats avant-gardistes.