La fluctuation de la performance cognitive au fil de la journée est un phénomène bien connu, souvent lié à la variabilité des niveaux de noradrénaline, un neurotransmetteur. En effet, lorsque la concentration de noradrénaline atteint son niveau optimal, le cerveau devient plus apte à traiter les informations, ce qui améliore considérablement notre capacité de concentration.
Le cerveau, complexe et intrigant, abrite plusieurs structures essentielles à la régulation de l’éveil et de la vigilance. Parmi celles-ci, le locus coeruleus (LC), un petit noyau situé dans le tronc cérébral, joue un rôle prépondérant. Découvert à la fin du XVIIIe siècle, ce « point bleu », ainsi surnommé en raison de sa teinte distincte, est constitué de milliers de neurones. Sa fonction principale réside dans la production de noradrénaline, indispensable à l’éveil et à la vigilance.
Depuis longtemps, le locus coeruleus suscite l’intérêt des chercheurs du monde entier, désireux de percer ses mystères, certains que nombre de ses mécanismes sont encore très peu compris. Des recherches récentes le comparent à une boîte de vitesses, modulant sa réponse en fonction de la charge cognitive imposée au cerveau.
Les quatre régimes d’activité du locus coeruleus
Les études montrent que le LC fonctionne selon quatre régimes distincts. Le premier, souvent appelé « vitesse 0 », correspond à une phase de quasi-inactivité durant le sommeil. Toutefois, même dans cet état, le LC peut jouer un rôle dans la consolidation des souvenirs à long terme. Le deuxième régime, la « vitesse 1 », se manifeste au réveil, lorsque l’organisme est dans un état de faible éveil. À ce stade, la production de neurotransmetteurs est modérée, permettant au cerveau d’accéder à la conscience sans atteindre une concentration optimale.
Avec une intensification de la production de noradrénaline, le LC entre en « vitesse 2 ». Ce mode favorise la communication entre les neurones du cortex préfrontal et améliore la connectivité entre différentes régions cérébrales, facilitant ainsi le traitement de l’information. Enfin, une augmentation continue de la noradrénaline propulse le LC en « vitesse 3 », activant les récepteurs liés à la gestion des émotions. Ce niveau met le cerveau en état d’alerte maximale, préparant l’organisme à une réaction de fuite ou de combat.
Une optimisation cognitive à la vitesse 2
De nombreuses études convergent pour montrer que la « vitesse 2 » du LC, caractérisée par une production modérée de noradrénaline, est synonyme de performance cognitive optimale. Par exemple, une étude néerlandaise démontre que cet état coïncide souvent avec « l’état de flow », lorsque la concentration atteint son apogée au cours d’une activité.
À l’opposé, la vitesse 3, souvent déclenchée par le stress et l’anxiété, peut nuire à la réflexion. Une étude récente parue dans la revue APA Psycnet, dirigée par le neurologue David Beversdorf de l’Université du Missouri, révèle que l’excès de noradrénaline peut embrouiller les pensées. D’autres rapports soulignent que cet état nuit également à la créativité, rendant la pression exercée pour accroître la productivité paradoxalement contre-productive.
S’adapter aux variations du locus coeruleus
Mithu Storoni, éminente scientifique et auteure, recommande dans ses ouvrages de planifier ses activités en fonction des fluctuations de production de noradrénaline. Elle préconise de réserver les tâches créatives au début de la journée, période où le LC passe de la vitesse 1 à la vitesse 2. Les activités demandant une concentration intense devraient être programmées plus tard dans la matinée, lorsque le LC est pleinement en vitesse 2.
Storoni souligne également que face à des tâches monotones, le LC peut régresser à la vitesse 1. Pour éviter cela, elle conseille de pratiquer le multitâches, afin de maintenir une charge mentale suffisante pour une production modérée de noradrénaline.