Première : des coraux plus tolérants à la chaleur marine créés par reproduction sélective

Une tolérance à la chaleur d’environ 1 °C au-dessus de la moyenne en une génération.

coraux reproduction selectif
| James Guest
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Grâce à une technique de reproduction sélective, des chercheurs sont parvenus à produire des coraux capables de mieux résister à la chaleur, renforçant ainsi leur résilience face aux vagues de chaleur marines. Cette méthode peut accroître la tolérance thermique d’environ 1 °C au-dessus de la moyenne par semaine en une seule génération. Cependant, les chercheurs soulignent que cette avancée, bien que prometteuse, reste modeste face au rythme de réchauffement des océans.

Afin de subsister, les coraux doivent s’adapter au réchauffement croissant des océans. Cela nécessite à la fois une importante diversité génétique et la transmission de phénotypes de tolérance à la chaleur. Différentes stratégies ont été proposées afin d’améliorer l’adaptabilité des coraux aux vagues de chaleur, telles que l’évolution assistée.

L’une des approches consiste à pratiquer une reproduction sélective afin de favoriser des traits spécifiques de tolérance à la chaleur. Longtemps utilisée par l’homme dans l’agriculture et l’élevage, cette technique devient aujourd’hui un outil essentiel de conservation de la biodiversité.

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Toutefois, l’application de cette méthode à des populations sauvages pose de nombreux défis. Les phénotypes de tolérance au stress sont souvent complexes, contrôlés par de multiples gènes et multivariés. Par exemple, chez les coraux, la tolérance à la chaleur peut être évaluée par divers indicateurs tels que le changement de couleur et l’efficacité photochimique. De plus, l’héritabilité de la tolérance au stress dépend à la fois de l’intensité et de la durée d’exposition à ce stress.

L’équipe de l’Université de Newcastle a testé la viabilité de cette technique pour améliorer la tolérance à la chaleur d’une population sauvage de coraux, l’Acropora digitifera. L’héritabilité du caractère de tolérance a été évaluée dans des conditions de stress similaires aux vagues de chaleur marines actuelles. Les résultats de l’étude ont été publiés dans la revue Nature Communications.

Une tolérance à la chaleur de 1 °C par semaine en une génération

L’amélioration des traits par reproduction sélective dépend de l’héritabilité du trait cible (notée h2), un paramètre important pour évaluer la persistance du trait sur plusieurs générations jusqu’à l’âge adulte ou reproductif. Bien que des tentatives antérieures aient été faites, cette valeur n’avait pas encore été estimée, probablement en raison du long temps nécessaire à l’élevage des coraux jusqu’à l’âge adulte. Il s’agit d’une lacune majeure, car h2 peut varier selon les stades de développement, et l’impact écologique des épisodes de blanchissement de masse est directement lié à la perte de coraux adultes.

Pour combler cette lacune, les chercheurs ont réalisé des croisements sélectifs entre des coraux à faible et haute tolérance à la chaleur, prélevés en milieu sauvage. Les descendants ont été élevés jusqu’à la maturité reproductive (3-4 ans) puis testés pour leur tolérance au stress thermique, à des niveaux comparables à ceux auxquels les parents ont été exposés.

Les essais ont été menés pour deux caractéristiques distinctes : la tolérance à une exposition courte et intense de 3,5°C au-dessus de la moyenne pendant 10 jours, et la tolérance à une exposition de 2,5°C pendant un mois, comparable aux vagues de chaleur naturelles. « Cela nous a permis d’estimer l’héritabilité de chaque caractère, la réponse à la sélection et de déterminer si les deux caractères partagent une base génétique commune », expliquent les chercheurs dans un article publié dans The Conversation.

reproduction coraux
a) Aperçu du protocole expérimental et exemples de (b) parents d’Acropora digitifera et (c) de leur progéniture. © Coralassist Laboratory

Les colonies issues des coraux tolérant la chaleur ont montré une plus grande résistance au stress thermique à l’âge adulte, tant pour la vague de chaleur de 10 jours que pour celle d’un mois. La valeur h² du trait de tolérance à la chaleur est de 0,2 à 0,3 sur une échelle de 0 à 1, indiquant qu’environ un quart de la variabilité de la tolérance à la chaleur des descendants est attribuable aux gènes parentaux, soulignant une base génétique significative. Les experts ont conclu que la tolérance à la chaleur d’A. digitifera pourrait être améliorée d’environ 1°C par semaine en une génération.

Une tolérance insuffisante face au réchauffement à venir

Cependant, cette amélioration reste modeste et insuffisante pour permettre aux coraux de faire face au réchauffement futur. « Ces travaux démontrent que la sélection génétique est réalisable, mais ne constitue pas une solution miracle. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour maximiser les résultats de la sélection », précise Liam Lachs, co-auteur principal de l’étude, dans un communiqué de l’Université de Newcastle. « Parallèlement, une réduction rapide des émissions mondiales de gaz à effet de serre est indispensable pour atténuer le réchauffement et donner aux coraux la chance de s’adapter », ajoute-t-il.

coraux reproduction
Fragments de coraux durant une vague de chaleur marine simulée à long terme, certains restant sains (en haut) et d’autres blanchissant (en bas) ou mourant (non représentés). © Liam Lachs

En outre, les coraux améliorés sélectivement n’ont pas survécu à un stress thermique prolongé (plus d’un mois). Les chercheurs n’ont pas identifié de corrélation génétique pour ce paramètre, estimant qu’il s’agit d’une caractéristique régie par des groupes de gènes indépendants. En d’autres termes, les coraux tolérants aux vagues de chaleur courtes et intenses ne sont pas nécessairement plus résistants aux vagues de chaleur prolongées.

La prochaine étape de l’étude consistera à explorer davantage cette tolérance au stress thermique prolongé et à effectuer des essais à plus grande échelle dans des environnements naturels. Cela nécessitera un grand nombre de coraux à sélectionner, par exemple en semant directement des larves sur des zones de récifs ou en y transplantant des coraux élevés en pépinière. D’autres questions devront être abordées, notamment le nombre de coraux à implanter pour obtenir les effets souhaités, comment éviter la « dilution » des traits sélectionnés une fois introduits dans la nature, et comment appliquer la technique à d’autres espèces de coraux.

Source : Nature Communications

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