Exploiter l’énergie des roches super chaudes situées dans les profondeurs de la croûte terrestre est possible, suggère une étude

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Les combustibles fossiles ont désormais acquis le statut de principaux responsables du réchauffement climatique. Dans cette perspective, la géothermie s’impose comme une solution prometteuse, non seulement pour la production de chaleur, mais surtout pour la génération d’électricité. Dans le cadre d’une étude, des chercheurs de l’EPFL sont parvenus à simuler en laboratoire les conditions présentes dans les profondeurs de la croûte terrestre. Les résultats de leurs expériences ont révélé qu’il est possible d’exploiter pleinement le potentiel énergétique des roches surchauffées, situées à plusieurs kilomètres de profondeur. Jusqu’à présent, cette approche semblait irréalisable en raison de l’état semi-solide de ces roches.

Près de 87 % de la chaleur interne de la Terre provient de la radioactivité naturelle des roches, engendrée par la désintégration du thorium, du potassium et de l’uranium. Ces dernières années, de nombreux espoirs ont été placés dans le potentiel de cette source de chaleur pour générer de l’électricité. Les Philippines, par exemple, produisent 25 % de leur électricité avec la géothermie. L’Italie, elle aussi, mise sur cette ressource avec le site géothermique de Larderello, qui couvre 30 % des besoins énergétiques de la Toscane, avec une capacité énergétique de 800 MW.

Actuellement, l’énergie géothermique est exploitée via des sources d’eaux géothermales à haute température, principalement dans les régions volcaniques d’Asie, d’Amérique du Nord, d’Amérique Centrale, des Caraïbes, d’Afrique de l’Est et des îles du Pacifique. Cependant, une ressource géothermique supercritique qui se trouve presque partout sur Terre, se situe à des profondeurs inaccessibles, près de la frontière entre la croûte terrestre et le manteau. Le puits le plus profond jamais foré, situé sur la péninsule de Kola en Russie, atteint 12 km. Pourtant, Quaise Energy envisage d’aller plus loin avec son projet de plate-forme de forage hybride, visant à creuser des puits jusqu’à des profondeurs où les températures avoisinent les 500 °C.

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Les roches des profondeurs posent un défi majeur, car aucune étude n’a encore déterminé leur nature exacte. Elles jouent un rôle important dans le processus géothermique et doivent être fracturées, à l’instar de la fracturation hydraulique utilisée pour le pétrole et le gaz. Ces fractures sont essentielles pour permettre à l’eau de circuler librement et de transporter une quantité importante d’énergie jusqu’à la surface.

La question qui persiste est de savoir si ces roches peuvent être fracturées ou non. Si tel est le cas, il faudra également déterminer si l’eau, qui atteint un état « supercritique » (similaire à la vapeur) au niveau de la croûte terrestre, peut circuler à travers ces roches ductiles. Gabriel Meyer, postdoctorant au Laboratoire expérimental des roches (LEMR) de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), a étudié de près ces roches et leurs transformations pour répondre à cette question. Dans un communiqué, il a déclaré : « À l’état ductile, la roche n’a plus de failles, mais se déforme de manière homogène, à la manière du caramel mou. Son comportement devient complexe. Les déformations se situent au niveau des structures cristallines du grain ».

Une simulation des conditions extrêmes de la croûte terrestre

Dans le cadre de leurs recherches, Meyer et son équipe ont utilisé une machine conçue par la professeure Marie Violay, responsable du LEMR, et ses collaborateurs. Il a fallu environ six ans à Violay pour mettre au point cette technologie innovante, capable de reproduire les conditions de température et de pression présentes au niveau de la croûte terrestre. Meyer a soumis un échantillon de granite à cette machine, qui a exercé une pression intense sur ce denier. Ensuite, à l’aide d’un piston, l’appareil a déformé l’échantillon de roche. L’équipe a progressivement augmenté la pression et la température.

Illustration des expériences de Meyer
Tomographies à rayons X de la roche à différentes températures montrant qu’il est possible de la fracturer à des fins géothermiques, et ce bien au-delà des profondeurs nécessaires. © EPFL

Lors de la deuxième phase de l’expérience, l’équipe a eu recours à une imagerie synchrotron 3D pour analyser la perméabilité des échantillons. Les résultats, publiés dans la revue Nature Communications, montrent que la roche, soumise à des conditions extrêmes similaires à celles de la croûte terrestre, acquiert une caractéristique malléable, c’est-à-dire qu’elle peut être modelée dans diverses formes. Bien que ductile, elle peut être fracturée, permettant ainsi à l’eau « supercritique » de circuler à travers.

« Longtemps, on a cru que la transition entre les roches fragiles et ductiles marquait une limite pour la circulation de l’eau dans la croûte », a déclaré Meyer. « Nous avons montré que l’eau peut également circuler dans les roches ductiles. C’est une découverte très prometteuse qui ouvre de nouvelles opportunités de recherche dans notre domaine ».

« Nous avons démontré que la transition fragile-ductile ne constitue pas une barrière à la circulation des fluides dans la croûte, ce qui est prometteur pour l’exploitation de réservoirs géothermiques profonds. Les données disponibles sont rares, et ces résultats expérimentaux figurent parmi les premiers à éclairer des conditions aussi extrêmes », conclut Violay.

Source : Nature Communications

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