En analysant les données de neuroimagerie de plus de 11 000 enfants, des chercheurs ont décelé des différences significatives dans la densité neuronale au niveau de certaines régions cérébrales chez les enfants autistes. Les principales différences ont été observées au niveau du cortex cérébral et de l’amygdale, deux régions essentielles à l’apprentissage et à la régulation émotionnelle respectivement. Ces nouvelles mesures pourraient contribuer au développement d’interventions thérapeutiques plus ciblées.
Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) sont des troubles neurodéveloppementaux généralement caractérisés par des capacités sociales altérées et des schémas comportementaux répétitifs. Ces symptômes sont corrélés à d’importantes différences de structure cérébrale. Les enfants autistes âgés de 2 à 4 ans possèdent par exemple un plus grand volume cérébral que les neurotypiques. Or, le taux de croissance du cerveau est similaire chez tous les enfants de cet âge, qu’ils soient autistes ou non. La différence de volume serait donc due à une augmentation du nombre ou de la taille des circonvolutions corticales (les plis et les sillons caractérisant la surface du cerveau) avant l’âge de 2 ans.
Cependant, ces différences structurelles ne sont généralement pas détectables après l’âge de 4 ans. En conséquence, le diagnostic chez les enfants de plus de 4 ans s’appuie principalement sur l’identification des phénotypes comportementaux caractérisant la maladie. Toutefois, des difficultés subsistent en raison de l’hétérogénéité des symptômes du TSA. Ces symptômes peuvent en outre se chevaucher avec ceux d’autres troubles, tels que le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Il a été suggéré que des mesures localisées et en haute résolution au niveau de régions cérébrales spécifiques pourraient améliorer la précision des diagnostics de TSA. Cependant, ce type d’analyse est généralement difficile à réaliser sur des patients vivants et les données disponibles provenaient jusqu’à présent principalement d’analyses post-mortem. L’équipe de l’Université de Rochester a utilisé une nouvelle technique de neuroimagerie afin de combler les lacunes et caractériser avec précision les différences structurelles au niveau des cerveaux des enfants autistes.
« Nous avons passé de nombreuses années à décrire les caractéristiques générales des régions cérébrales, telles que l’épaisseur, le volume et la courbure », explique dans un article de blog de l’Université de Rochester, Zachary Christensen, auteur principal de la nouvelle étude — publiée dans la revue Autism Research. « Les nouvelles techniques dans le domaine de la neuroimagerie pour caractériser les cellules à l’aide de l’IRM révèlent de nouveaux niveaux de complexité tout au long du développement », indique-t-il.
Des différences observées au niveau du cortex et de l’amygdale
L’équipe a utilisé les données d’imageries pondérées par diffusion par résonance magnétique (DWI) du projet Adolescent Brain Cognitive Development aux États-Unis — l’une des plus grandes études à long terme sur le développement du cerveau et la santé de l’enfant — afin d’identifier les changements cytoarchitecturaux spécifiques aux enfants autistes. La technique DWI permet notamment d’obtenir des estimations précises de la densité totale de neurites (les projections du corps cellulaire des neurones) pour des régions cérébrales spécifiques.
11 873 participants âgés de 9 à 10 ans (au début de l’étude) ont été sélectionnés, dont 142 présentant un TSA. Les mesures cérébrales obtenues auprès des enfants autistes ont été comparées à celles des enfants neurotypiques, ainsi qu’à celles provenant d’un sous-groupe d’enfants présentant d’autres troubles tels que le TDAH et l’anxiété. Cela a permis d’isoler les résultats spécifiques au TSA.
Les chercheurs ont constaté une densité neuronale plus faible au niveau de certaines régions du cortex cérébral chez les enfants autistes par rapport aux neurotypiques. Ces régions sont impliquées dans la mémorisation, l’apprentissage, le raisonnement et la résolution des problèmes. En revanche, la densité neuronale au niveau de l’amygdale — la région responsable du traitement émotionnel — était plus élevée chez les enfants TSA. Ces différences n’ont pas été détectées chez les enfants souffrant de TDAH et d’anxiété, suggérant ainsi qu’elles sont spécifiques à l’autisme.
Toutefois, l’étude n’indique pas quelles pourraient être les implications exactes de ces différences dans les symptômes du TSA. Néanmoins, « ces résultats signifient que nous disposons désormais d’un nouvel ensemble de mesures qui se sont révélées particulièrement prometteuses pour caractériser les personnes atteintes d’autisme », suggère Christensen. « Si la caractérisation des déviations spécifiques de la structure neuronale chez les personnes atteintes d’autisme peut être effectuée de manière fiable et relativement facile, cela ouvre de nombreuses possibilités pour caractériser le développement de l’autisme », ajoute-t-il. Ces mesures pourraient ensuite être utilisées pour identifier les patients nécessitant des stratégies thérapeutiques plus spécifiques.
Vidéo de présentation de l’étude :