Dans leurs recherches précédentes, des scientifiques américains avaient dévoilé des traces chimiques de zinc sur des fragments de météorites, soulignant leur rôle fondamental dans l’émergence de la vie terrestre. Récemment, une équipe interdisciplinaire a franchi un nouveau cap en détectant, pour la première fois dans l’espace, la présence de cyanopyrène, une molécule carbonée de grande envergure. Cette découverte pourrait fournir des indices précieux sur la formation de notre système solaire et l’origine de la vie sur Terre.
Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), épaulés par des spécialistes en physico-chimie et en astronomie des États-Unis et du Canada, ont identifié du 1-cyanopyrène dans le nuage moléculaire du Taureau. Ce composé, dérivé du pyrène et constitué de quatre anneaux planaires de carbone, appartient à la catégorie des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).
Découverts pour la première fois dans les années 1960 au sein des météorites carbonées, les HAP ont toujours été soupçonnés de résider dans les nuages interstellaires. Toutefois, les observations antérieures se limitaient à des caractéristiques vibratoires, détectées par des télescopes infrarouges, sans permettre d’identifier précisément les HAP présents.
« Depuis le développement de l’hypothèse des HAP dans les années 1980, leur existence dans l’espace est largement acceptée, ayant été décelée dans des météorites, des comètes et des échantillons d’astéroïdes », explique Gabi Wenzel, chercheuse postdoctorale au MIT et auteure principale de l’étude, dans un communiqué du MIT. Elle précise que l’utilisation de la spectroscopie infrarouge ne permet pas d’identifier sans ambiguïté les HAP individuels dans l’espace. Cependant, leur présence dans les astéroïdes et les comètes suggère qu’ils ont contribué de manière significative au carbone qui a façonné le système solaire.
Une étude japonaise menée en 2023 a corroboré cette hypothèse. Dans ce cadre, les scientifiques avaient analysé des échantillons de l’astéroïde Ryugu, formé lors de la naissance du Soleil et de ses planètes, et avaient détecté la présence abondante de pyrène. Sur la base de cette découverte, Wenzel et ses collègues ont envisagé l’existence de cette molécule dans l’espace interstellaire.
Des laboratoires aux confins de l’espace
Dans une étude récemment publiée dans la revue Science, les chercheurs décrivent avoir synthétisé le cyanopyrène en laboratoire avant de le transformer en gaz pour faciliter sa détection par radiotélescope. « Ce projet n’aurait pas été possible sans la collaboration avec un chimiste organique capable de créer cette molécule, qui n’est pas disponible dans le commerce », souligne Ilsa Cooke, professeure adjointe à l’Université de Colombie-Britannique et co-auteure de l’étude. L’équipe a comparé la signature moléculaire obtenue en laboratoire avec celle trouvée dans l’espace, constatant une correspondance parfaite.
Lors de la seconde phase de l’étude, les chercheurs ont utilisé le radiotélescope de l’observatoire de Green Bank, le plus grand du monde, pour scruter le nuage moléculaire du Taureau, situé à 430 années-lumière de la Terre. Ils ont ainsi décelé des signatures du cyanopyrène. Brett McGuire, chimiste au MIT, a noté que cette molécule représente 0,1 % du carbone détecté, ajoutant que « bien que cela puisse sembler modeste, la majorité du carbone est encapsulée dans le monoxyde de carbone, la deuxième molécule la plus abondante après l’hydrogène moléculaire ». Il conclut : « C’est une abondance notable, un puits de carbone interstellaire d’une stabilité remarquable. Nous avons désormais une vision de la chimie actuelle de notre système solaire et un aperçu de ce qu’elle pourrait avoir été avant sa formation ».