Au cours de la semaine du 21 octobre, les auditeurs de la station polonaise Off Radio Kraków ont été témoins d’une innovation audacieuse : des animateurs alimentés par l’intelligence artificielle ont pris les rênes de certaines émissions. Ce projet expérimental, lancé par le média, a rapidement déclenché une vague de critiques, non seulement du public, mais également d’un ancien journaliste de la station, convaincu d’avoir été remplacé par ces entités virtuelles.
L’initiative a vu le jour lorsque Off Radio Kraków a révélé son ambition d’intégrer l’IA dans la création de contenu. Cet essai visait à explorer les répercussions de cette technologie dans les domaines de la culture, des médias, du journalisme et de la société. Trois avatars, incarnant la génération Z, ont été conçus : Emilia, 20 ans, pour discuter de culture populaire ; Alex, 23 ans, pour aborder les questions d’identité et de culture queer ; et Jakub, 22 ans, expert en technologie et musique. Chacun animait une émission quotidienne de deux heures, du lundi au vendredi, et devait également mener des entretiens avec des figures culturelles polonaises et internationales, des scientifiques et des militants.
Contre toute attente, l’expérience a viré au fiasco après que le journaliste Mateusz Demski a dénoncé le licenciement de plusieurs employés de la station, lui compris, peu avant cette annonce. Il a mis au jour le lien évident entre les deux événements, suggérant qu’ils avaient été remplacés par l’IA. Sa dénonciation a provoqué une tempête médiatique, l’affaire ayant été relayée par des médias internationaux.
Une douzaine de personnes licenciées
Le lendemain de l’annonce de la station, Mateusz Demski s’est exprimé sur Facebook, révélant que récemment, une douzaine de journalistes et créateurs de contenu artistique avaient été licenciés. « Le rédacteur en chef n’a jamais mentionné qu’une douzaine de personnes avaient récemment perdu leur emploi », s’indigne-t-il.
En plus de l’accusation de substitution par l’IA, le journaliste a soulevé les risques inhérents à la perte de la dimension humaine, essentielle dans la communication. Selon lui, les animateurs virtuels étaient appelés à discuter de sujets complexes, pourtant bien mieux compris par des êtres humains, tels que la culture, l’art, les enjeux sociaux et les droits civiques.
Dans sa publication, il a vivement critiqué la décision de la radio et a appelé à un soutien public. Il a également publié une lettre ouverte adressée aux autorités de régulation, aux professionnels des médias et de la culture, ainsi qu’au grand public. À ce jour, la pétition lancée par Demski a recueilli plus de 24 100 signatures.
De nouvelles règles pour l’adoption de l’IA
L’affaire a rapidement pris une dimension mondiale, suscitant une avalanche de critiques à l’encontre de la radio. Krzysztof Gawkowski, ministre polonais de la Numérisation, a lui-même réagi. S’il reconnaît l’importance de l’IA, il se dit préoccupé par son utilisation. « Bien que je sois partisan du développement de l’IA, je pense que certaines limites sont de plus en plus franchies », a-t-il écrit sur X en réaction à la publication de Demski. Il a insisté sur la nécessité d’établir de nouvelles règles assurant une meilleure coexistence entre l’IA et l’humain, en légiférant sur l’utilisation de cette technologie. « L’utilisation généralisée de l’IA doit se faire pour les humains, et non contre eux », a-t-il ajouté.
Face à la controverse, la radio Kraków a nié toute intention de remplacer ses journalistes par l’IA. Néanmoins, l’expérience a été interrompue après seulement une semaine, alors qu’elle était prévue pour durer six mois. « Nous avons recueilli tant d’observations, d’opinions et de conclusions que nous avons jugé inutile de poursuivre le projet », peut-on lire dans le communiqué. La radio semble également partager les préoccupations du ministre concernant la nécessité de normes strictes concernant l’utilisation de l’IA.