Rumination sociale : notre « cerveau reptilien » serait en partie responsable de notre tendance à nous inquiéter de ce que pensent les autres

« Ai-je été ridicule en lui disant ça devant tout le monde ? Ai-je répondu convenablement à cette personne ? Ai-je... »

cerveau reptilien pense autres
| Pixabay
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Une étude révèle que notre « cerveau social » est connecté en permanence à notre « cerveau reptilien » (l’amygdale), la partie responsable de la détection des menaces et du traitement de la peur. Cette connexion entre ces deux parties du cerveau expliquerait notre tendance à nous préoccuper constamment (et parfois excessivement) de ce que les autres pourraient penser de nous. Ces résultats pourraient avoir des implications pour le traitement de troubles psychiatriques tels que l’anxiété et la dépression.

En tant qu’espèce sociale, nous passons beaucoup de temps à nous poser des questions sur les réactions et les intentions des autres. Par exemple, en sortant d’une fête ou d’une rencontre de groupe, il nous arrive de nous demander si l’on a suffisamment fait bonne impression, si on a pu dire quelque chose d’ennuyeux ou qui aurait pu contrarier quelqu’un, etc.

Ces pensées intrusives sont régies par le cerveau social, ou réseau cognitif social. Des études ont montré que le réseau cognitif social s’est développé de manière démesurée dans la lignée des hominidés. Cela suggère que le cerveau des primates s’est développé de cette manière en réponse à des pressions évolutives liées aux dynamiques de groupe complexes.

« Les parties du cerveau qui nous permettent de faire cela se trouvent dans des régions du cerveau humain qui se sont récemment développées au cours de notre évolution, ce qui implique qu’il s’agit d’un processus récemment développé », explique dans un communiqué, Rodrigo Braga, de l’Université Northwestern. « Essentiellement, vous vous mettez dans l’esprit de quelqu’un d’autre et faites des déductions sur ce que pense cette personne alors que vous ne pouvez pas vraiment le savoir », ajoute-t-il.

Cependant, cela n’expliquerait pas entièrement notre façon parfois disproportionnée d’analyser les pensées et les intentions des autres. De précédentes recherches suggèrent que d’autres régions du cerveau pourraient être impliquées dans cette interaction sociale complexe, notamment des structures apparues plus tôt dans notre évolution telles que l’amygdale et les circuits du lobe temporal médian. Ces derniers constituent également des centres de contrôle clé des comportements sociaux.

La nouvelle étude de Braga et ses collègues montre que l’amygdale est connectée en permanence avec le réseau cognitif social, ce qui pourrait expliquer notre capacité à analyser en profondeur les intentions d’autrui. « Des études antérieures ont montré une co-activation de l’amygdale et du réseau cognitif social, mais notre étude est nouvelle, car elle montre que la communication a toujours lieu », explique l’expert. Les résultats de la recherche sont détaillés dans la revue Science Advances.

Une connexion permanente entre le « cerveau social » et l’amygdale

L’amygdale est généralement associée au traitement de la peur et à la détection des menaces. Elle est par exemple responsable de réactions telles que l’emballement du cœur et la moiteur des paumes en présence de quelque chose d’effrayant. Elle est également impliquée dans d’autres comportements sociaux, tels que l’instinct de parentalité, le désir d’accouplement, l’agressivité et la notion de hiérarchie sociale.

Pour examiner ses interactions avec le cerveau social, l’équipe de recherche a invité 6 personnes à effectuer une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) de leur cerveau, une technique non invasive permettant de mesurer l’activité cérébrale en détectant les variations des niveaux d’oxygène dans le sang. Cette technique à haute résolution a permis d’examiner des détails du réseau cognitif social jusqu’à présent non observés.

« L’un des aspects les plus passionnants de notre étude est que nous avons pu identifier des régions du réseau que nous n’avions pas pu voir auparavant », explique Donnisa Edmonds, le coauteur de l’étude. « C’était un aspect qui avait été sous-estimé avant notre étude, et nous avons pu y parvenir grâce à des données à très haute résolution ». Les chercheurs ont même pu reproduire les résultats jusqu’à deux fois pour chaque participant.

cerveau social reptilien
Extrait d’IRMf analysé dans le cadre de l’étude. © Université Northwestern

Les analyses IRMf ont montré que le cerveau social est connecté en permanence à l’amygdale au niveau d’une région spécifique appelée « noyau médian », essentielle au traitement des interactions sociales. Il s’agirait de la première étude à démontrer la connexion constante entre le noyau médian et les régions impliquées dans la réflexion sur les autres. Ce lien contribuerait à moduler les fonctions du cerveau social, en lui donnant notamment accès à la capacité de l’amygdale à traiter les stimuli émotionnellement importants.

Une implication potentielle dans le traitement de la dépression et de l’anxiété

Étant donné que l’hyperactivité de l’amygdale est impliquée dans l’anxiété et la dépression, ces nouveaux résultats pourraient avoir d’importantes implications dans le traitement de ces troubles. La suractivation de cette région du cerveau engendre notamment une régulation émotionnelle altérée et des réponses émotionnelles excessives.

La stimulation magnétique cérébrale (TMS) constitue par exemple une alternative potentiellement prometteuse pour traiter la dépression résistante aux traitements standards. Cependant, l’amygdale étant située profondément dans le cerveau (directement derrière les yeux), cela impliquerait une intervention chirurgicale invasive. Les observations de la nouvelle étude suggèrent que ce type de procédures pourrait être moins invasif en appliquant les stimulations au niveau des régions étroitement connectées à l’amygdale.

« Grâce à cette connaissance que l’amygdale est connectée à d’autres régions du cerveau – potentiellement certaines qui sont plus proches du crâne, qui est une région plus facile à cibler – on pourrait atteindre l’amygdale des personnes effectuant une TMS en ciblant ces autres régions », conclut Edmonds.

Vidéo de présentation de l’étude :

Source : Science Advances

Laisser un commentaire