Une étude révèle que les grands singes suivent visuellement les événements de manière analogue aux humains, suggérant une capacité à distinguer « l’agent » et le « patient » de l’action. Ce mécanisme cognitif pourrait constituer une des bases essentielles à l’évolution du langage humain, et ces observations laissent penser qu’il a évolué plus tôt que prévu dans notre lignée. Ces résultats soulèvent des questions sur les raisons pour lesquelles le langage a évolué différemment chez les grands singes.
À l’instar de nombreux animaux, les grands singes communiquent entre eux, par exemple, au moyen de diverses vocalisations, de signes ou de mouvements. Cependant, malgré notre lignée commune, le langage complexe est considéré comme exclusif aux humains – une différence qui a suscité de nombreuses interrogations quant à son évolution. La plupart des recherches se concentrent sur l’identification des mécanismes cognitifs sur lesquels le langage pourrait s’appuyer et sur la reconstitution de leur histoire évolutive chez les humains et d’autres animaux.
Parmi ces mécanismes figure la capacité à décomposer les événements et à distinguer les « agents », ou les entités effectuant l’action, des « patients », ou les entités sur lesquelles cette action est effectuée. Par exemple, dans une course-poursuite entre un chat et une souris, le chat serait l’agent tandis que la souris serait le patient, une distinction que notre cerveau effectue instinctivement en observant la scène. Cette capacité de distinction serait à la base de la structuration de notre langage, permettant notamment de hiérarchiser l’agencement des mots dans nos phrases. La relation agent-patient est d’ailleurs similaire à la relation sujet-objet dans notre syntaxe.
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Dans le cadre de la nouvelle étude, récemment publiée dans la revue PLOS Biology, les chercheurs de l’Université de Zürich se sont penchés sur la question de savoir si notre capacité à parler un langage complexe repose sur notre aptitude à décomposer les événements ou l’inverse – une énigme qui rappelle le célèbre « paradoxe de l’œuf et de la poule ». Alors qu’on pensait auparavant que la capacité à décomposer les événements était spécifique aux humains, leurs résultats suggèrent que les grands singes en sont également capables, répondant ainsi potentiellement à la question concernant l’ordre d’apparition du langage chez les humains.
Une réaction visuelle similaire à celle des humains
Afin de déterminer si les grands singes pouvaient décomposer les événements, les chercheurs ont montré 84 courtes vidéos impliquant des relations agent-patient à 14 humains, 5 chimpanzés, deux gorilles et deux orangs-outans, pour comparer leurs réponses visuelles. Les animaux étaient tous élevés en captivité. Les séquences ont également été montrées à 29 nourrissons humains de 6 mois.
L’équipe a constaté que les singes et les humains adultes accordaient davantage d’attention aux agents et aux patients qu’aux autres informations des vidéos et alternaient généralement leur attention entre ces deux éléments. Leur attention se focalisait davantage sur l’agent lorsque les images diffusées impliquaient de la nourriture. En revanche, les nourrissons de 6 mois ne semblaient prêter attention ni aux agents, ni aux patients, mais se concentraient davantage sur les scènes en arrière-plan.
Ces résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle la capacité de décomposition des événements n’est pas spécifique aux humains. Sa présence chez les grands singes suggère qu’elle est apparue chez les humains avant le langage et pourrait ainsi constituer une base cognitive pour celui-ci. Cependant, alors que le langage a évolué vers une forme plus complexe chez les humains, pourquoi cela n’a-t-il pas été le cas chez les singes, s’ils disposent de la même base cognitive ?
« Une hypothèse est que notre cognition sociale a joué un rôle [dans le développement du langage humain] et que notre besoin de coopération sociale a conduit à cette externalisation de la façon dont nous percevons et donnons un sens au monde », suggère Vanessa AD Wilson de l’Université de Zurich, l’auteur principal de l’étude, à Popular Science. Des études antérieures ont suggéré que la taille supérieure de notre cerveau par rapport à celui des grands singes est la clé de la complexité de nos interactions sociales, dont le langage est un élément essentiel.
Cependant, cela soulève une autre question : avons-nous développé un plus gros cerveau pour faciliter l’utilisation du langage ou bien avons-nous développé un langage plus complexe grâce à un cerveau de plus grande taille ? « Une théorie de l’évolution de la syntaxe propose qu’une augmentation de notre capacité de calcul a conduit à notre capacité à former des expressions complexes, que nous avons extériorisées par la parole. Il y a donc certainement un argument en faveur de l’idée que la taille du cerveau joue un rôle », suggère Wilson.
Toutefois, « je doute que nous ne puissions jamais dire que l’un a conduit à l’autre », précise l’experte. En effet, si un cerveau de plus grande taille a conduit à l’émergence du langage, il y a probablement eu une pression de sélection qui a continué à influencer cette taille et la complexité des communications au fil de l’évolution, formant ainsi une boucle de rétroaction.
Un manque de ressources nécessaires à l’évolution du langage ?
L’étude suggère également que la raison pour laquelle le langage a évolué différemment chez les grands singes est qu’ils n’avaient peut-être pas la motivation ou les ressources nécessaires à cet effet. Cependant, qu’auraient pu être la forme ou les facteurs de cette motivation expliquant pourquoi le langage est devenu plus complexe chez les humains ? D’autres questions restent en suspens, dont le moment où le langage simple a évolué vers une forme plus complexe.
« Les recherches continues sur la communication animale enrichissent notre compréhension et interrogent les limites de l’unicité humaine », indique Wilson. Les observations de l’équipe de Wilson semblent suggérer que la différence entre la communication humaine et celle des autres primates est davantage une question de degré que de nature.