La « tension de Hubble » confirmée par James Webb ! Le modèle cosmologique standard doit-il donc être repensé ?

La tension de Hubble ne proviendrait pas de biais dans les mesures effectuées par le télescope éponyme.

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La galaxie NGC 4258, utilisée comme point de référence pour les mesures de distance cosmique de Hubble. | NASA/JPL
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De nouvelles données du télescope spatial James Webb (JWST) ont confirmé que l’écart observé dans les mesures de la vitesse d’expansion de l’Univers ne provient pas de biais dans les mesures précédemment effectuées par le télescope Hubble. Autrement dit, les nouvelles observations confirment la présence de la fameuse « tension de Hubble », suggérant ainsi une sérieuse lacune dans notre compréhension de l’Univers. Les chercheurs suggèrent ainsi qu’un nouveau composant dans nos modèles théoriques pourrait être nécessaire pour combler cette lacune.

La vitesse d’expansion de l’Univers est mesurée par la constante de Hubble. Bien qu’elle n’ait presque pas d’effet à l’échelle locale (notre système solaire et la Voie lactée), elle constitue un indicateur clé de l’évolution de l’Univers à grande échelle et depuis le Big Bang, en révélant notamment la manière dont les galaxies s’éloignent les unes des autres. Pour l’analogie, en prenant l’exemple de la préparation de pain aux raisins secs, cela serait comparable aux raisins s’éloignant les uns des autres lorsque la pâte gonfle.

La tension de Hubble désigne l’écart important entre les valeurs prédites et mesurées de la constante éponyme. Les valeurs obtenues par le biais d’observations cosmiques sont plus élevées que celles calculées à partir du modèle standard de la cosmologie, également appelé modèle Lambda Cold Dark Matter (Lambda-CDM) – un cadre largement accepté pour expliquer le fonctionnement de l’Univers. Si les observations indiquent une valeur de la constante de Hubble comprise entre 70 et 76 kilomètres par seconde par mégaparsec (km/s/Mpc), les prédictions théoriques indiquent une valeur de 67 à 68 km/s/Mpc, révélant un écart de 5 à 6 km/s/Mpc.

Il a été suggéré que cet écart pourrait provenir de biais dans les mesures des télescopes. Cependant, de nombreux astronomes, dont l’équipe de l’Université Johns Hopkins, estiment que cet écart est trop important pour s’expliquer uniquement par des incertitudes de mesure. En effet, un seul mégaparsec équivaut à 3,26 millions d’années-lumière, indiquant que la tension de Hubble constitue une incohérence notable dans notre compréhension de l’Univers.

La nouvelle étude, de l’Université Johns Hopkins, corrobore cette hypothèse en confirmant les mesures de Hubble par celles à haute résolution du JWST. « L’écart entre le taux d’expansion observé de l’Univers et les prédictions du modèle standard suggèrent que notre compréhension de l’Univers est peut-être incomplète », explique dans un article de blog de l’université Adam Riess, auteur principal de l’étude. Riess a remporté le prix Nobel de physique en 2011 pour ses travaux sur l’énergie noire, la force hypothétique responsable de l’expansion de l’Univers.

Des valeurs similaires pour la constante de Hubble (mesurée avec deux télescopes distincts)

Pour effectuer leur enquête – détaillée dans Astrophysical Journal —, l’équipe de Riess s’est appuyée sur le plus grand échantillon de données collectées par JWST au cours de ses deux premières années de service. Les données proviennent de deux groupes de travail indépendants ayant pour objectif d’affiner la constante de Hubble. Les données combinées ont permis d’obtenir les mesures de distance cosmique les plus précises à ce jour, obtenues à partir des variables Céphéides (des étoiles dont la luminosité varie selon une période bien définie et utilisées comme balises de référence pour les mesures de distance cosmique).

Plus précisément, 3 méthodes différentes ont été utilisées pour mesurer la distance entre les galaxies abritant des supernovas (d’excellents indicateurs d’âge et de distance) et la vitesse à laquelle elles s’éloignent les unes des autres : les variables Céphéides, les étoiles riches en carbone et les géantes rouges les plus brillantes des mêmes galaxies. « Les données Webb permettent de voir l’univers en haute définition pour la première fois et améliorent le rapport signal/bruit des mesures », explique Siyang Li, le coauteur de l’étude.

Ces données ont ensuite été comparées avec un tiers de l’échantillon des galaxies observées par le télescope spatial Hubble, en utilisant comme point de référence la distance par rapport à la galaxie NGC 4258 — située à 23 millions d’années-lumière dans la constellation des Chiens de chasse. Le croisement des données a non seulement permis d’obtenir les mesures locales de distance cosmique les plus précises à ce jour, mais également de vérifier l’exactitude de celles de Hubble.

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Ancres et hôtes de supernovas sélectionnés pour vérifier les distances mesurées par Hubble et JWST. © Adam G. Riess et al.

Les observations (et mesures issues) des deux télescopes sont quasiment similaires, ce qui exclurait ainsi l’hypothèse selon laquelle la tension de Hubble pourrait s’expliquer par des biais dans les mesures du télescope du même nom. Les données de JWST ont notamment indiqué une constante de 72,6 km/s/Mpc, tandis que celles de Hubble indiquent une valeur de 72,8 km/s/Mpc pour les mêmes galaxies.

« Alors que deux télescopes phares de la NASA confirment désormais leurs découvertes respectives, nous devons prendre ce problème [de la tension de Hubble] très au sérieux : c’est un défi, mais aussi une opportunité inouïe d’en apprendre davantage sur notre univers », estime Riess.

Les chercheurs estiment que la tension de Hubble pourrait provenir d’une composante encore inconnue qui devrait être ajoutée dans notre modèle théorique standard afin de la résoudre. La résolution de cette tension pourrait ainsi potentiellement combler d’autres lacunes du modèle Lambda-CDM, telles que la nature de l’énergie et de la matière noires.

« Une explication possible de la tension de Hubble serait qu’il manque quelque chose à notre compréhension de l’univers primitif, comme un nouveau composant de la matière – l’énergie noire primitive – qui a donné à l’Univers un coup de fouet inattendu après le Big Bang », suggère Marc Kamionkowski, un cosmologiste de Johns Hopkins qui n’a pas participé à la nouvelle étude. Ce dernier évoque également d’autres possibilités, telles que des particules exotiques, la masse changeante des électrons, les champs magnétiques primordiaux, etc.

Source : The Astrophysical Journal

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