À la différence de leurs homologues classiques, les ordinateurs quantiques utilisent comme unité d’information de base les qubits (au lieu des bits), leur permettant potentiellement de résoudre des problèmes beaucoup trop complexes pour l’informatique classique. Cependant, la fiabilité des systèmes quantiques constitue encore à ce jour le défi majeur vers des calculs viables. Récemment, Google semble avoir franchi une étape décisive avec sa nouvelle puce Willow. Cette avancée, dévoilée cette semaine, se distingue par une vitesse d’exécution exceptionnelle et une fiabilité accrue par rapport à son prédécesseur (Sycamore). Plus étonnant encore, Google a suggéré que ses performances remarquables pourraient être liées à des interactions avec des univers parallèles.
Le 10 décembre, Google Quantum AI, dirigé par Hartmut Neven, a présenté au grand public sa puce quantique de dernière génération, baptisée Willow. Selon les résultats d’une étude menée pour sa mise au point, Willow aurait réalisé en cinq minutes un calcul nécessitant 10 septillions d’années — soit dix milliards de milliards de milliards d’années — pour un supercalculateur actuel. « Les performances de Willow sur ce test sont impressionnantes. Elle a effectué en moins de cinq minutes un calcul qui prendrait 1025 années à l’un des supercalculateurs les plus rapides d’aujourd’hui », a déclaré Neven dans un article de blog.
Une prouesse entre vitesse et précision
En plus de sa rapidité extraordinaire, Willow se distingue par une réduction significative des erreurs de calcul, un défi central en informatique quantique. Mais c’est une autre déclaration de Neven qui a récemment capté l’attention : selon lui, les résultats obtenus par Willow pourraient apporter un soutien partiel à l’idée que « le calcul quantique s’effectue dans de nombreux univers parallèles ». Cette théorie fait écho au concept du multivers, proposé par le physicien David Deutsch dans les années 1990.
Le concept du multivers, souvent exploré dans des études antérieures, repose sur l’hypothèse de l’existence de multiples univers dotés chacun de lois physiques distinctes. Dans son ouvrage « The Fabric of Reality » publié en 1997, Deutsch avait avancé que les calculs réalisés par les ordinateurs quantiques pourraient avoir lieu dans ces univers parallèles.
Selon cette hypothèse, chaque événement régi par la mécanique quantique créerait une bifurcation, donnant lieu à un univers distinct pour chaque résultat possible. En d’autres termes, le multivers suggère que la réalité que nous expérimentons ne serait qu’une parmi une infinité d’autres. Pour Neven, les performances de Willow pourraient apporter un soutien partiel à cette hypothèse. « Les résultats étaient si rapides qu’ils laissent envisager l’hypothèse d’une implication des univers parallèles dans le calcul », a-t-il avancé. Bien que spéculative, cette théorie suscite l’intérêt pour ses implications sur les capacités des ordinateurs quantiques.
Une controverse scientifique
Les propos de Neven ont cependant été accueillis avec scepticisme par une partie de la communauté scientifique. Sabine Hossenfelder, physicienne allemande renommée, a exprimé ses doutes sur X (anciennement Twitter). « Le calcul en question consiste à produire une distribution aléatoire. Le résultat n’a aucune utilité pratique », a-t-elle critiqué. Elle a également pointé un possible biais dans l’évaluation des performances de Willow, effectuée au sein des laboratoires de Google. « Ils utilisent ce problème particulier parce qu’il a été formellement prouvé qu’il est difficile à résoudre avec un ordinateur conventionnel », a-t-elle ajouté.
Hossenfelder a rappelé que Google avait déjà proclamé en 2019 avoir atteint la « suprématie quantique », une annonce vivement contestée par IBM. À l’époque, IBM avait démontré qu’un supercalculateur classique pouvait exécuter la même tâche dans des conditions légèrement différentes.
Malgré ces critiques, la puce Willow pourrait entamer la transformation de nombreux domaines si ses promesses en matière de rapidité et de fiabilité sont tenues. Parmi les applications potentielles de ce type de technologie figure la modélisation climatique, l’intelligence artificielle ou encore l’optimisation de systèmes complexes. Ce qui est certain, c’est que Willow marque une nouvelle étape dans la course à l’informatique quantique, ravivant au passage le débat autour de la frontière entre science et spéculation.