L’ADN d’un squelette de nourrisson de 17 000 ans découvert en Italie révèle qu’il avait les yeux bleus et la peau foncée

Des gènes apparentés aux Villabrunas, un mystérieux groupe de chasseurs-cueilleurs qui a vécu dans l’ouest de l’Europe.

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Photographie du site d'enterrement de l'enfant, avec les traces de son squelette. | Mauro Calattini
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En analysant le squelette d’un nourrisson datant de près de 17 000 ans trouvé dans le sud de l’Italie, des archéologues ont découvert qu’il avait une peau plus foncée que celle des Européens modernes, des cheveux bruns bouclés et des yeux bleu pâle. Il posséderait des gènes apparentés aux Villabrunas, un mystérieux groupe de chasseurs-cueilleurs qui a vécu dans l’ouest de l’Europe il y a 14 000 ans, suggérant que la lignée a émergé dans la péninsule italienne bien avant la fin de la période glaciaire.

Survenu il y a 20 000 ans, le dernier maximum glaciaire correspond à la période la plus froide de la dernière ère glaciaire, au cours de laquelle les glaciers couvraient près d’un quart des terres de la planète. La fin de cette période constitue une grande transition caractérisée par une amélioration généralisée du climat et de nouvelles migrations humaines depuis tout le sud de l’Europe, qui a probablement servi de refuge au cours du maximum glaciaire en raison des températures plus douces. Cependant, on comprend encore mal comment ces refuges ont influencé les cycles biologiques et la trajectoire démographique des communautés du Paléolithique supérieur tardif.

Les restes fossilisés d’enfants du Paléolithique supérieur pourraient apporter de nouvelles informations à cet effet. Cependant, les squelettes découverts aux latitudes des refuges du maximum glaciaire sont généralement trop dégradés pour permettre des analyses génétiques fiables, en raison de la chaleur. Découverts en 1998 dans les Pouilles, dans le sud de l’Italie, les restes exceptionnellement bien conservés de l’enfant de Grotta delle Mura offrent un aperçu inédit de la dynamique démographique de l’époque, d’après les résultats de la nouvelle étude sur le sujet, codirigée par l’Université de Bologne et l’Université de Florence.

Un degré élevé de consanguinité

Les restes de l’enfant ont été soigneusement ensevelis sous des dalles de pierres, mais sans aucun objet funéraire. Sa sépulture était la seule tombe retrouvée dans la Grotta delle Mura, un endroit frais expliquant probablement son excellent état de conservation. Les analyses de son squelette ont montré qu’il avait entre 7,5 et 18 mois au moment de sa mort et ne mesurait qu’environ 75 centimètres. La datation au radiocarbone indique que les restes datent d’entre 16 910 et 17 320 ans.

Grâce à l’état de conservation du squelette, l’équipe a pu récupérer environ 75 % du génome du nourrisson, un exploit pour des restes de cet âge. Cela a permis de tirer des conclusions solides sur son ascendance, ses caractéristiques physiques et certains aspects de sa santé. Le séquençage de son génome indique qu’il s’agissait d’un petit garçon ayant une peau étonnamment plus foncée que celle des Européens modernes, mais toutefois moins que celle des populations des tropiques. Ses boucles foncées et ses yeux bleu pâle correspondent à ceux des Villabrunas, des chasseurs-cueilleurs qui ont vécu en Europe de l’Ouest il y a 14 000 ans.

La présence des gènes de Villabruna il y a 17 000 ans suggère que le groupe peuplait la péninsule italienne avant même la fin de l’ère glaciaire. Le garçon appartenait probablement à une petite communauté qui s’est progressivement étendue pour peupler la Sicile et le sud de l’Italie. Cependant, son génome révèle un degré élevé de consanguinité suggérant que la population était petite et isolée. « L’analyse du génome nucléaire suggère un degré élevé de parenté entre les parents, qui étaient probablement des cousins germains », indiquent les co-auteurs principaux de l’étude Owen Alexander Higgins, archéologue à l’Université de Bologne, et Alessandra Modi, anthropologue à l’Université de Florence, à LiveScience.

Le génome du nourrisson présentait également des mutations au niveau des gènes TNNT2 et MYBPC3, impliqués dans la production de protéines essentielles au muscle cardiaque. Ces mutations entraînent une cardiomyopathie hypertrophique, une maladie génétique provoquant l’épaississement et le raidissement du ventricule gauche, et qui est probablement impliquée dans le décès prématuré de l’enfant.

Des difficultés prénatales et postnatales

Outre les maladies génétiques, les analyses approfondies du squelette et des dents ont montré que l’enfant avait subi des difficultés prénatales et postnatales, très probablement dues à l’environnement rigoureux au sein duquel vivait sa mère. « L’analyse détaillée des dents du nourrisson nous a permis de déduire la santé et le stress subis par l’enfant pendant la petite enfance et/ou sa mère pendant la grossesse — quelque chose que nous avons rarement l’occasion d’explorer avec une telle précision », affirment les deux experts.

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Enregistrement photographique et reconstruction virtuelle des dents analysées. © Higgins et al.

L’équipe a analysé les isotopes présents dans l’émail des dents de l’enfant. Les isotopes provenant de l’eau potable et de l’alimentation se retrouvent souvent au niveau de l’émail d’un enfant en croissance, fournissant des indices sur son environnement. Les résultats ont révélé que la mère est restée à un seul endroit au cours de la dernière période de sa grossesse, probablement en raison d’un mauvais état de santé et d’une malnutrition, qui, à son tour, a dû affecter le fœtus. Une fracture relevée au niveau de la clavicule de l’enfant suggère en outre un accouchement difficile.

« Dans l’ensemble, les restes de l’enfant contribuent à notre meilleure compréhension des premiers stades de la vie et du puzzle génétique dans la péninsule italienne à la fin du dernier maximum glaciaire », concluent les chercheurs dans leur document, publié dans la revue Nature Communications.

Source : Nature Communications

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