L’intelligence artificielle s’impose aujourd’hui comme un levier dans de nombreux secteurs, et la recherche scientifique ne fait pas exception. En janvier, une équipe de chercheurs a dévoilé un modèle d’IA multimodale, baptisé ESM3, capable de créer une protéine qui aurait mis 500 millions d’années à émerger de la nature. Dans le domaine médical, l’IA a également prouvé son utilité notamment en montrant un taux de réussite de presque 100 % pour diagnostiquer l’autisme en analysant la rétine. Plus récemment, la technologie a une fois de plus ébloui la communauté scientifique en résolvant en seulement 48 heures un problème complexe lié aux superbactéries – ces microbes résistants aux antibiotiques, qui échappait aux chercheurs depuis une décennie. Surnommé Co-Scientist, l’IA a non seulement permis de confirmer l’hypothèse formulée initialement par l’équipe, mais a également proposé quatre scénarios supplémentaires, unanimement jugés plausibles par les experts.
La résistance aux antibiotiques représente une menace grandissante pour la santé publique, risquant de transformer des infections autrefois bénignes en danger potentiellement mortel. Face à des traitements de plus en plus inefficaces, certaines bactéries ont développé de véritables « stratégies de résistance » leur permettant de survivre aux antibiotiques.
Parmi les résistances les plus répandues figurent celles observées avec les antibiotiques à large spectre. Ces médicaments, tels que les céphalosporines et les pénicillines, ont été conçus pour combattre un vaste éventail de bactéries, mais des souches telles qu’Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa ont su contourner ces défenses.
Le second type de résistance, encore plus préoccupant, concerne les superbactéries. Prenons l’exemple du Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (MRSA) : ces bactéries se dérobent à une multitude d’antibiotiques usuellement employés. Ce phénomène, déjà source d’inquiétude, représente un défi de taille pour la médecine moderne, menaçant potentiellement la vie de millions de personnes. La compréhension des mécanismes à l’origine de ces résistances est donc devenue fondamentale pour élaborer des traitements plus efficaces.
De nombreux chercheurs se sont penchés sur cette problématique, dont une équipe de microbiologistes de l’Imperial College de Londres. Pendant dix ans, ces spécialistes ont exploré les raisons pour lesquelles certaines superbactéries parviennent à échapper aux traitements antibiotiques.
Sous la direction du professeur José R Penadés, l’équipe a émis l’hypothèse que ces bactéries pouvaient se transmettre d’une espèce à l’autre via la formation d’une structure en forme de queue constituée de plusieurs virus. Le professeur Penadés a comparé ce mécanisme à une sorte de « clé » permettant aux superbactéries de franchir diverses barrières entre les hôtes. Cette hypothèse, propre à leur groupe de recherche, n’avait jusqu’alors jamais été publiée ni partagée.
Une IA qui a largement dépassé les attentes
Dans un contexte où la lutte contre la résistance antimicrobienne constitue un véritable enjeu pour le corps médical et où l’évolution fulgurante de l’intelligence artificielle repousse sans cesse les limites de la science, Penadés a décidé d’expérimenter un nouvel outil d’IA dans le cadre de ses recherches. Baptisé Co-Scientist, cet outil a été conçu par Google en s’appuyant sur le modèle Gemini 2.0.
Selon Penadés, en à peine 48 heures, Co-Scientist – qui n’avait pourtant pas accès aux données préalablement collectées par les scientifiques – a abouti à une conclusion étonnamment proche de celle de l’équipe en seulement 48 heures, après avoir analysé des milliers d’études scientifiques. « J’ai écrit à Google en leur demandant : ‘Vous avez accès à mon ordinateur, c’est bien ça ?’ », a confié le professeur à BBC. Néanmoins, le géant technologique a confirmé qu’il n’en était rien.
Co-Scientist n’a pas seulement reproduit les résultats escomptés ; l’IA a également généré quatre hypothèses supplémentaires, chacune ayant trouvé un écho favorable auprès des chercheurs. « Ce n’est pas seulement que l’hypothèse principale était juste », a expliqué Penadés. « C’est que l’IA en a fourni quatre autres, et toutes étaient cohérentes », a-t-il ajouté, certaines d’entre elles ouvrant même des voies de recherche inédites. Concluant avec assurance, Penadés a déclaré : « Je suis convaincu que cela va transformer la science ».