IA vs Journalisme : la double menace qui inquiète les éditeurs

L'IA vs le journalisme une menace double pour les éditeurs
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L’intelligence artificielle est aujourd’hui en train d’apporter des changements radicaux sur le marché du travail et à un rythme effréné. D’après un rapport du Forum économique mondial (FEM), si cette révolution technologique devrait engendrer la disparition de millions d’emplois d’ici 2030, elle pourrait également en créer dans des secteurs émergents. Toutefois, l’impact de cette transformation varie en fonction des domaines et des compétences requises.

Parmi les plus vulnérables, le journalisme subit de plein fouet l’essor des chatbots d’IA développés par des géants comme OpenAI et Google. Non seulement ces outils peuvent lire, écrire et traiter des informations textuelles, mais ils privent aussi les sites d’actualités du trafic essentiel à leur survie, menaçant le modèle économique des éditeurs.

Le récent rapport du Forum économique mondial estime que 92 millions d’emplois pourraient disparaître à l’horizon 2030, touchant en priorité les métiers à tâches répétitives, comme les caissiers, les opérateurs de saisie ou encore les assistants administratifs. Cependant, l’IA ne se contente pas d’automatiser les postes les plus standards : elle s’infiltre également dans les secteurs créatifs et intellectuels.

En 2024, lors d’un débat sur l’IA à la Dartmouth University, Mira Murati, ex-directrice technique d’OpenAI, a déclaré que si l’IA venait à éliminer des emplois dans l’industrie créative, c’était parce que ces métiers « n’auraient jamais dû exister ».

De nombreuses industries voient également les effets concrets de cette automatisation. Début 2025, Mark Zuckerberg, PDG de Meta, a annoncé que les ingénieurs de niveau intermédiaire pourraient bientôt être remplacés par des systèmes d’IA.

Une menace directe pour les médias

Le journalisme n’échappe pas à cette vague d’automatisation. Les chatbots comme ChatGPT ou Gemini sont désormais capables de générer des articles complets et sourcés, de résumer des événements et d’analyser des données complexes. Selon l’économiste Paul Krugman, ChatGPT rédige déjà « plus efficacement que les humains ». Pour les éditeurs, la menace est double : non seulement ces outils concurrencent directement les journalistes, mais ils détournent également le trafic essentiel à la monétisation des contenus en ligne.

Des données récentes de TollBit, relayées par Forbes, révèlent que les chatbots envoient 96 % de trafic en moins aux sites d’actualités par rapport aux moteurs de recherche traditionnels. Ces outils d’IA extraient massivement du contenu depuis les sites d’information, sans générer de revenus publicitaires en retour.

En effectuant une analyse de 160 éditeurs et blogs, TollBit a constaté que les chatbots des entreprises d’IA avaient scruté ces sites environ deux millions de fois au cours du dernier trimestre 2024, avec une moyenne de sept consultations par page. Ce « vol de clics » prive les médias de ressources financières essentielles.

« Nous constatons un afflux de robots qui ciblent ces sites à chaque fois qu’un utilisateur pose une question », a expliqué dans une interview Toshit Panigrahi, PDG de TollBit. « La demande pour le contenu des éditeurs n’est pas négligeable », a-t-il ajouté.

Des actions en justice pour contrer l’IA

L’impact de ces pratiques commence à susciter des réactions. Des entreprises de médias n’hésitent plus à attaquer en justice les géants technologiques qui exploitent leur contenu sans contrepartie. Chegg, une plateforme éducative, a ainsi intenté un procès contre Google, accusant son chatbot de détourner son trafic et de causer des pertes financières massives.

Son PDG, Nathan Schultz, a confié lors d’une conférence téléphonique que ces pratiques menaçaient la viabilité de l’entreprise, la poussant à envisager de devenir privée ou d’être rachetée. Pour lutter contre ces dérives, Chegg a fait appel à la banque d’investissement Goldman Sachs pour évaluer sa situation financière et a engagé le cabinet juridique Susman Godfrey.

Son associé Ian Crosby a dénoncé les agissements de Google comme une « menace pour Internet », mettant en lumière un problème plus large : la réutilisation de contenus sans bénéfice pour les éditeurs. Alors que l’IA transforme irrémédiablement l’économie et le journalisme, la question de sa régulation prend de l’ampleur.

Certains experts plaident pour une meilleure redistribution des revenus générés par ces technologies, tandis que d’autres estiment que les éditeurs devraient être indemnisés pour l’utilisation de leur contenu. Quoi qu’il en soit, les médias sont désormais contraints de chercher des stratégies d’adaptation face à cette nouvelle réalité, sous peine d’être relégués à l’arrière-plan d’un paysage numérique où l’IA domine, voire de disparaître pour donner encore plus de place aux grands groupes de média — au détriment de la diversité et de la neutralité de l’information.

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