Elle avait Alzheimer, mais aucun symptôme : le cas fascinant d’une femme trisomique intrigue la science

Alzheimer sans symptôme de démence le cas fascinant d’une femme trisomique intrigue les scientifiques
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En 2018, 454 enfants sont nés avec la trisomie 21 en France. Ce syndrome génétique résulte d’une anomalie chromosomique : au lieu de deux copies du chromosome 21, les personnes atteintes en possèdent trois. Avec l’âge, un déclin cognitif est fréquemment observé chez ces dernières. Si les mécanismes précis restent encore à élucider, la présence d’un chromosome supplémentaire semble accélérer la neurodégénérescence et accroître considérablement le risque de développer la maladie d’Alzheimer.

Une récente découverte vient pourtant bousculer ce postulat. En analysant le cerveau d’une femme trisomique ayant fait don de son corps à la science, des chercheurs ont constaté qu’elle présentait toutes les lésions caractéristiques d’Alzheimer… sans en avoir manifesté les symptômes de démence. Ce cas exceptionnel ouvre de nouvelles voies de recherche sur les mécanismes de protection du cerveau contre cette maladie.

Le syndrome de Down, causé par la présence d’un troisième exemplaire du chromosome 21, est généralement associé à un vieillissement cérébral accéléré et à une probabilité élevée de développer Alzheimer. Selon une étude publiée dans The Lancet Neurology en 2021, plus de 90 % des personnes atteintes de trisomie 21 développeraient cette pathologie neurodégénérative au cours de leur vie.

Ce lien s’explique en grande partie par la surexpression d’un gène situé sur le chromosome 21, impliqué dans la production de la protéine bêta-amyloïde. Celle-ci tend à s’accumuler sous forme de plaques dans le cerveau, perturbant la communication entre les neurones et provoquant leur mort progressive. Chez les personnes trisomiques, cette production excessive entraîne l’apparition précoce des marqueurs pathologiques d’Alzheimer.

Or, la femme étudiée a déjoué ce schéma. Si son cerveau présentait bien des dépôts amyloïdes et des enchevêtrements de protéines Tau – caractéristiques de la maladie, elle n’a jamais souffert de déclin cognitif au cours de sa vie, demeurant stable jusqu’à son décès à 60 ans. Un paradoxe qui intrigue la communauté scientifique.

Un cas unique, révélateur de potentiels mécanismes de protection

Cette femme faisait partie du Consortium des biomarqueurs Alzheimer-Syndrome de Down, un programme de recherche lancé en 2015 visant à mieux comprendre les interactions entre la trisomie 21 et la neurodégénérescence.

Pendant près d’une décennie, elle a participé à plusieurs études longitudinales sur Alzheimer. Après son décès, son cerveau a été étudié par des chercheurs de l’Université de Californie à Irvine et du centre de recherche en bio-ingénierie de l’Université de Pittsburgh. L’analyse post-mortem a confirmé la présence des lésions caractéristiques de la maladie, mais les évaluations cliniques menées de son vivant n’avaient révélé aucun signe de déclin cognitif.

Comparaison des cerveaux de deux personnes atteintes du syndrome de Down
Comparaison des cerveaux de deux personnes atteintes du syndrome de Down. À gauche, un cerveau présentant une forme intermédiaire d’Alzheimer, avec une cognition stable. © Université de Pittsburgh

Ces résultats suggèrent l’existence de facteurs protecteurs, d’origine génétique ou liés au mode de vie, capables d’empêcher l’apparition des symptômes de la maladie malgré la présence des lésions cérébrales. « Bien que son cerveau présente les signes pathologiques d’Alzheimer, sa stabilité cognitive pourrait être due à un niveau d’éducation élevé ou à des facteurs génétiques sous-jacents », avance le Dr Jr-Jiun Liou, chercheur postdoctoral en bio-ingénierie à l’Université de Pittsburgh, dans un communiqué.

Vers de nouvelles perspectives de recherche

Elizabeth Head, professeure en pathologie à l’Université de Californie à Irvine, estime que l’analyse de cas similaires permettrait d’identifier des mécanismes de résilience face à la maladie. « Si nous parvenons à cerner les facteurs génétiques ou environnementaux qui ont permis à son cerveau de fonctionner normalement malgré la pathologie, nous pourrions découvrir de nouvelles stratégies de prévention », explique-t-elle.

Les chercheurs comptent désormais explorer plusieurs hypothèses : une prédisposition génétique, des facteurs environnementaux spécifiques ou encore un mode de vie particulier qui aurait exercé un effet protecteur. Cette étude soulève également des questions sur les critères actuels des essais cliniques contre Alzheimer, qui excluent généralement les personnes atteintes de trisomie 21.

Ces travaux pourraient apporter des bénéfices bien au-delà des personnes trisomiques. Comprendre pourquoi certains individus échappent à la démence malgré la présence des lésions cérébrales ouvrirait la voie à de nouvelles approches thérapeutiques pour l’ensemble de la population. « Ce cas illustre comment la participation d’un seul individu à la recherche peut déboucher sur des découvertes majeures », conclut Elizabeth Head.

Source : Alzheimer’s & Dementia

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