Une idée fausse refait surface sur l’autisme : les chercheurs sonnent l’alerte

Les scientifiques dénoncent une désinformation grandissante et rappellent que l’autisme a des causes multiples, surtout génétiques.

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Robert F. Kennedy Jr. (RFK Jr.), actuellement à la tête du Département américain de la Santé et des Services sociaux, a tenu des propos pour le moins controversés sur l’autisme lors d’une récente conférence de presse. Selon lui, la hausse des diagnostics serait principalement imputable à des facteurs environnementaux potentiellement nocifs apparus au cours des dernières décennies – une thèse que réfutent fermement les spécialistes. Le responsable politique entend néanmoins lancer une enquête sur les origines du trouble, en faisant abstraction des données scientifiques déjà disponibles.

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental caractérisé par des difficultés de communication et d’interaction sociale, des comportements répétitifs ou stéréotypés, ainsi qu’un intérêt marqué pour des activités spécifiques. De nature hétérogène, le TSA peut se manifester différemment selon les individus. L’American Academy of Pediatrics recommande un dépistage systématique entre 18 et 24 mois, tout en préconisant des évaluations supplémentaires en cas de signes cliniques.

Si la recherche scientifique n’a pas encore identifié de cause unique au TSA, plusieurs facteurs potentiels ont été mis en évidence, notamment des éléments d’ordre génétique, des infections survenues in utero, ou encore certaines expositions environnementales. « Le problème, du point de vue de la communication scientifique, c’est que les causes sont complexes », souligne Annette Estes, directrice du Centre de l’autisme de l’Université de Washington, dans une interview accordée au Scientific American.

« Contrairement à la trisomie 21, pour laquelle une anomalie génétique clairement identifiée permet un diagnostic clairement défini, l’autisme ne se laisse pas appréhender aussi simplement, malgré des avancées remarquables en la matière », ajoute-t-elle.

Malgré ces réserves, RFK Jr. persiste à attribuer l’origine de l’autisme à des causes essentiellement environnementales – des affirmations que la communauté scientifique juge infondées. Cette déclaration fait écho à une récente étude des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), selon laquelle un enfant sur 31 né en 2014 aux États-Unis est aujourd’hui diagnostiqué comme autiste. Le responsable a qualifié ce phénomène de « un phénomène préoccupant pour de nombreuses familles », allant jusqu’à parler « d’épidémie », et a affirmé que les spécialistes sont débordés, évoquant une supposée « régression » observée chez certains enfants vers l’âge de deux ans.

Une augmentation liée à l’amélioration des diagnostics

Les chercheurs réfutent les assertions de RFK Jr. S’ils reconnaissent que certains facteurs environnementaux peuvent être associés au TSA, ils soulignent que 60 à 90 % des cas présentent une origine héréditaire. Par ailleurs, des mutations génétiques spécifiques sont identifiables dans 40 % des cas. Selon eux, l’amélioration des critères et des outils de diagnostic constituent une explication bien plus plausible de la hausse des cas recensés — un facteur que l’homme politique semble négliger.

L’étude du CDC repose sur des données collectées depuis les années 2000. Cette année-là, un enfant de huit ans sur 150 était diagnostiqué autiste. Depuis, cette proportion n’a cessé de croître. RFK Jr. fait également référence aux données des années 1970 et 1980, période durant laquelle le diagnostic d’autisme concernait seulement 1 à 3 personnes sur 10 000. Or, ces chiffres anciens ne peuvent être directement comparés aux données actuelles, tant les critères diagnostiques et les méthodes de dépistage ont évolué au fil des décennies.

Cette période se distingue en effet par des modifications substantielles des critères de diagnostic du TSA. Jusqu’en 1980, le manuel américain de référence en psychiatrie qualifiait encore l’autisme de « réaction schizophrénique infantile ». Ce n’est qu’à partir de cette date que le terme « autisme infantile » a été adopté.

Les critères d’évaluation se focalisaient alors principalement sur des symptômes extérieurs comme les retards de langage ou l’attachement à des objets. En 1987, ceux-ci furent élargis pour englober trois dimensions : l’interaction sociale, la communication et la restriction des activités. Le diagnostic du syndrome d’Asperger, amorcé en 1994, n’a été intégré aux critères du TSA qu’en 2013.

C’est également en 2013 qu’il est devenu possible de diagnostiquer simultanément un TSA et un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), alors que jusque-là, un diagnostic de TDAH excluait celui de TSA. Aujourd’hui, il est estimé que plus de la moitié des enfants autistes présentent également un TDAH.

Ces évolutions expliquent en partie l’augmentation observée. Une étude de 2015 portant sur les enfants américains scolarisés dans des programmes spécialisés entre 2000 et 2010 révèle que le nombre d’enfants diagnostiqués autistes a quadruplé, passant de 93 624 à 419 647. Sur la même période, le nombre d’élèves identifiés comme souffrant de déficience intellectuelle a diminué de 637 270 à 457 478.

La diversité des taux de prévalence selon les États américains corrobore cette évolution. La Californie enregistre le taux le plus élevé, tandis que le Texas affiche le plus bas (53,1 pour 1 000 enfants contre 9,1 pour 1 000). Selon le CDC, cette disparité s’expliquerait par la politique californienne en matière de dépistage et de déstigmatisation du trouble.

Une méthodologie d’enquête controversée

Malgré les nombreuses objections du monde scientifique, RFK Jr. persiste. Il promet de présenter, d’ici septembre, ses hypothèses sur les causes de l’autisme. Pour ce faire, il envisage une « approche personnelle qui s’écarte largement du consensus scientifique », au risque d’induire en erreur sur des sujets hautement sensibles. Parmi les hypothèses qu’il souhaite explorer figure notamment l’impact des échographies pendant la grossesse. Or, les études disponibles n’ont établi aucun lien de causalité entre échographies et autisme.

Par ailleurs, bien que la thèse d’un lien entre le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) et le TSA ait été définitivement réfutée, RFK Jr. a annoncé son intention de lancer une enquête sur cette question, relançant une polémique éteinte de longue date. Fervent opposant à la vaccination, il a confié cette étude à un autre sceptique notoire, radié de l’ordre des médecins pour exercice illégal.

Source : CDC

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