Explosion de cas de mpox au Sierra Leone : vers une nouvelle crise sanitaire mondiale ?

Plus de 3 000 infections et 15 victimes sont signalées et les chiffres pourraient rapidement augmenter.

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Une recrudescence préoccupante de variole du singe sévit actuellement en Sierra Leone, causant déjà 15 décès et plus de 3 000 infections. D’après les épidémiologistes, il s’agirait de la même souche virale qui a provoqué une épidémie mondiale en 2022, mais sa propagation semble aujourd’hui beaucoup plus rapide et touche à la fois les hommes et les femmes. Les systèmes de santé de cette petite nation d’Afrique de l’Ouest sont submergés, et les autorités redoutent une extension de la maladie vers les pays voisins, voire à d’autres continents.

La variole du singe est une maladie virale zoonotique causée par le virus mpox. Elle se manifeste par de violentes et douloureuses éruptions cutanées, accompagnées de fièvre, et peut, dans les cas les plus graves, entraîner la mort. La transmission inter-espèce se fait principalement par l’intermédiaire de rongeurs sauvages, tandis que la transmission entre humains survient majoritairement lors de relations sexuelles.

Détectée pour la première fois chez l’humain dans les années 1970 en République démocratique du Congo (RDC) et dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, la maladie est associée à deux clades viraux distincts sur les plans clinique et géographique : le clade I, endémique des régions forestières d’Afrique centrale, et le clade II, propre à l’Afrique de l’Ouest. La flambée mondiale de 2022, qui avait engendré plus de 91 000 infections dans des pays jusqu’alors non endémiques, était liée à la souche IIb.

Cette épidémie mondiale se poursuit à un rythme plus lent, touchant majoritairement les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Les autorités locales restent toutefois en alerte, en raison de l’apparition de cas dans des régions auparavant épargnées.

Mais depuis la fin de l’année dernière — en décembre 2024, selon les premières données — les services de santé du Sierra Leone ont observé une diffusion exponentielle du virus. Une dynamique qui préoccupe particulièrement les virologues en raison de sa rapidité. « La situation est désastreuse : le nombre de cas ne cesse d’augmenter rapidement », alerte Jia Kangbai, épidémiologiste spécialiste des maladies infectieuses à l’Université Njala de Freetown, dans un article publié dans la revue Nature. « La situation devient très difficile », ajoute-t-elle.

Une propagation plus rapide et plus virulente

En décembre 2024, un jeune homme a quitté Freetown, la capitale densément peuplée, pour se rendre à Lungi, petite ville côtière. Il y a eu des relations sexuelles avec une travailleuse du sexe. Peu après, il a développé de la fièvre, des céphalées, puis une éruption cutanée généralisée, relate Jia Kangbai dans la revue Science. Les premiers médecins consultés ont suspecté un paludisme, mais un test a confirmé une infection au mpox à son retour à Freetown.

Il s’agit là du premier cas identifié dans le cadre d’une épidémie d’ampleur touchant le Sierra Leone. Le pays compte actuellement plus de 3 000 cas, ce qui représente près des trois quarts de tous les nouveaux cas de mpox enregistrés sur le continent africain. Pour l’instant, la flambée reste concentrée à Freetown et serait alimentée par la souche IIb — la même que celle responsable de l’épidémie mondiale de 2022 — selon un rapport publié sur la plateforme virological.org.

Une étude en prépublication sur le serveur medRxiv suggère que la transmission reste majoritairement sexuelle, notamment en raison du nombre de travailleurs du sexe contaminés et de la présence fréquente de lésions génitales. Toutefois, le variant semble évoluer différemment en Sierra Leone. Sa transmission s’avère nettement plus rapide et se répartit de manière relativement égale entre hommes et femmes. Ce changement suggère une possible mutation du virus facilitant sa propagation, y compris en dehors de tout contact sexuel.

Des observations similaires avaient déjà été effectuées en RDC et au Burundi, où des cas équitablement répartis entre les sexes avaient été associés à la souche Ib. « Nous sommes encore un peu perplexes face à la situation », reconnaît Yap Boum, chef adjoint d’une équipe conjointe de l’OMS et du CDC Afrique pour la gestion des épidémies de mpox, dans les colonnes de Science. « La situation [au Sierra Leone], bien qu’elle soit due au clade IIb, ressemble à celle du clade Ib en termes de mode de transmission et de caractéristiques cliniques », ajoute-t-il.

Ces données pourraient suggérer que les différences entre les deux souches sont moins marquées qu’on ne le pensait. Par ailleurs, le fait que plus de patients semblent présenter des lésions sur tout le corps que lors d’autres épidémies du clade IIb pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs : la gravité de la maladie avant le diagnostic, ou encore la présence de co-infections comme le VIH ou la syphilis.

Des systèmes sanitaires submergés

Cette nouvelle flambée intervient alors que d’autres pays africains peinent toujours à contenir leurs propres foyers de mpox. En Sierra Leone, les infrastructures médicales sont déjà débordées : le pays ne disposerait que de 60 lits dans l’ensemble de ses centres de traitement spécialisés, destinés à l’isolement et à la prise en charge des patients infectés. En outre, au dernières nouvelles, il n’a reçu que 61 000 des 1,3 million de doses de vaccin mpox expédiées à 11 pays africains depuis la fin de l’année dernière. « Nous avons besoin de davantage de vaccins pour maîtriser cette épidémie », alerte Yap Boum.

Ce déficit criant dans le système de santé laisse présager une possible aggravation de la situation. Par ailleurs, la région entre dans la saison des pluies, ce qui signifie que davantage de personnes se rassembleront à l’intérieur, augmentant ainsi les risques d’infection. Si la propagation du virus n’est pas rapidement contenue, les experts estiment qu’elle pourrait s’étendre à d’autres pays, voire continents, d’ici cinq à dix ans.

Source : medRxiv
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