Vers une biométrie respiratoire ? Une étude révèle une « empreinte respiratoire » unique chez chaque individu

En plus de permettre de nous identifier comme les empreintes digitales, elle pourrait aussi fournir des informations sur notre santé physique et mentale.

empreinte respiratoire unique
| Pixabay
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Une étude suggère qu’il serait possible d’identifier un individu à l’aide de sa respiration nasale, avec une précision de 96,8 %. Chaque personne posséderait une « empreinte respiratoire » propre, comparable aux empreintes digitales. Celle-ci offrirait également des indications sur la santé physique et mentale, ouvrant potentiellement la voie à de nouvelles stratégies de diagnostic et de traitement.

Si la respiration peut sembler a priori être un processus élémentaire qui échappe à notre attention, elle est en réalité régie par un réseau cérébral d’une remarquable complexité. Ce système supervise en permanence à la fois les schémas respiratoires autonomes, garants de l’homéostasie physiologique, et les modulations volontaires en réponse aux exigences comportementales.

Des hypothèses ont été avancées selon lesquelles ce réseau, à la fois structurel et fonctionnel, pourrait permettre une caractérisation fine des dynamiques respiratoires. Chaque cerveau étant unique, il est plausible que les schémas respiratoires à long terme le soient également. Autrement dit, chaque être humain pourrait posséder une signature respiratoire propre, susceptible de renseigner sur l’état cérébral.

Cette hypothèse, cependant, n’avait jusqu’ici pas été explorée de manière empirique. Les examens respiratoires actuels, le plus souvent limités à des séquences de quelques minutes — entre une et vingt —, offrent un aperçu trop fragmentaire pour révéler les schémas les plus subtils.

Des chercheurs de l’Institut Weizmann des sciences, en Israël, ont poussé l’investigation plus loin en développant une méthode capable de mesurer la respiration nasale sur de longues périodes. « On pourrait croire que la respiration a été mesurée et analysée sous toutes ses formes », remarque Noam Sobel, co-auteur principal de l’étude, dans un communiqué. « Pourtant, nous avons découvert une toute nouvelle façon d’appréhender ce processus. Nous le considérons comme une lecture du cerveau », ajoute-t-il.

Des individus identifiés avec une précision de 96,8 %

Pour mettre leur hypothèse à l’épreuve, Sobel et ses collègues ont mis au point un dispositif portable, léger, capable de mesurer en continu et avec précision le flux d’air nasal, au moyen de tubes souples placés sous les narines et reliés à un détecteur placé sous la nuque. Les mesures ont été réalisées durant vingt-quatre heures sur cent jeunes adultes en bonne santé. Les analyses se sont appuyées sur un protocole appelé Breath Metrics, qui intègre 24 paramètres distincts de la respiration nasale. Les participants ont également rempli des questionnaires relatifs à leurs activités quotidiennes et à leur santé mentale.

Les chercheurs ont ainsi pu identifier chaque sujet uniquement à partir de ses données respiratoires. Après une heure d’enregistrement, le taux de précision atteignait déjà 43 %. Ce chiffre s’élevait à 96,8 % au bout de vingt-quatre heures. Ce niveau de fiabilité est resté stable lors de tests répétés sur une période de deux ans, atteignant un degré de précision comparable à celui de certaines technologies de reconnaissance vocale.

« Je pensais qu’il serait très difficile d’identifier quelqu’un, car chacun a des activités différentes, comme courir, étudier ou se reposer », confie Timna Soroka, autrice principale de l’étude, publiée dans la revue Current Biology. « Mais il s’avère que leurs rythmes respiratoires étaient remarquablement distincts », poursuit-elle.

empreinte respiration resume
Résumé graphique de l’étude. © Soroka et al.

Un indicateur de santé physique et mentale

En examinant les rythmes respiratoires, les chercheurs ont constaté que l’empreinte propre à chaque individu offrait des indications sur son état physique et mental. Elle se révélait notamment corrélée à l’indice de masse corporelle, au cycle veille-sommeil, aux niveaux d’anxiété et de dépression, ainsi qu’à certaines caractéristiques comportementales.

dispositif empreinte respiratoire
Le dispositif d’enregistrement fixé à la nuque. © Soroka et al.

Par exemple, les personnes ayant obtenu des scores élevés aux questionnaires sur l’anxiété présentaient des inspirations plus courtes que la moyenne, ainsi que des fluctuations plus marquées dans les pauses entre deux respirations durant le sommeil. Aucun des participants ne remplissait toutefois les critères standards de diagnostic clinique de troubles mentaux ou comportementaux ; les données suggèrent néanmoins qu’un suivi à long terme de la respiration pourrait offrir un outil d’évaluation plus fin.

« Nous supposons intuitivement que le degré de dépression ou d’anxiété influence notre respiration », explique Sobel. « Mais peut-être est-ce l’inverse. Peut-être que votre respiration vous rend anxieux ou déprimé. Si c’est le cas, il serait envisageable de la modifier pour atténuer ces états », avance-t-il.

Le dispositif, bien que léger, présente encore certaines limites. Les tubes placés sous les narines, souvent associés à une assistance respiratoire hospitalière, pourraient freiner l’adhésion du grand public. Par ailleurs, l’appareil ne prend pas en compte la respiration buccale et peut se déplacer durant le sommeil.

L’équipe travaille désormais à concevoir une version plus discrète et confortable pour un usage quotidien. Elle s’intéresse également à l’identification de schémas respiratoires considérés comme sains, dans l’optique de les adapter à des personnes souffrant de troubles mentaux ou émotionnels. « Nous souhaitons absolument aller au-delà du diagnostic et proposer des traitements, et nous sommes prudemment optimistes », conclut Sobel.

Source : Current Biology
Laisser un commentaire

Vous voulez éliminer les publicités tout en continuant de nous soutenir ?


Il suffit de s'abonner !


JE M'ABONNE