En développant une technique d’informatique quantique permettant d’exécuter des algorithmes d’apprentissage automatique basés sur le noyau, des chercheurs ont démontré un gain d’efficacité et de rapidité significatif par rapport aux meilleurs supercalculateurs classiques. La technique repose sur un circuit photonique quantique combiné à un algorithme d’apprentissage automatique sur mesure, permettant des gains de performance notables.
Ces dernières décennies ont été marquées par des avancées significatives dans les technologies fondées sur la mécanique quantique, ouvrant la voie à un large éventail d’applications. Parmi celles-ci figurent, par exemple, les réseaux de communication quantique ou l’internet quantique et l’informatique quantique. En particulier, le développement d’algorithmes de pointe, tel que l’algorithme de recherche de Grover, a permis de démontrer le potentiel de l’informatique quantique à surpasser son homologue classique.
Dans l’ensemble, les experts s’accordent à dire que l’informatique quantique a le potentiel de surpasser largement son homologue classique et pourrait transformer de nombreux domaines. Cependant, les avantages concrets de l’informatique quantique ont été démontrés de manière empirique seulement récemment et dans des secteurs qui ont généralement peu ou pas d’applications pratiques claires.
Dans cette perspective, des études croissantes explorent la manière dont les avancées en informatique quantique pourraient être appliquées à l’apprentissage automatique, un autre domaine en passe de transformer en profondeur l’informatique classique. Plus précisément, les chercheurs s’interrogent sur la capacité du calcul quantique à améliorer l’efficacité des processus d’apprentissage au point de dépasser effectivement les performances des méthodes classiques.
Vers une convergence du quantique et de l’apprentissage automatique
Pour explorer cette question, une équipe de l’Université de Vienne a mis au point une technique d’informatique quantique capable d’exécuter des algorithmes d’apprentissage automatique basés sur le noyau. « Notre objectif est d’étudier les tâches dans lesquelles l’informatique quantique peut améliorer le fonctionnement des ordinateurs classiques pour des problèmes concrets », expliquent les chercheurs dans leur étude récemment publiée dans la revue Nature Photonics.
« De plus, la question est de savoir si cela peut être réalisé pour des problèmes désormais à la portée des technologies de pointe, où seuls des ordinateurs quantiques bruyants à échelle intermédiaire sont disponibles », ajoutent-ils.
Par ailleurs, les besoins en puissance de calcul et en énergie pour l’apprentissage automatique augmentent de manière exponentielle à mesure que les tâches se complexifient. « Le calcul quantique pourrait réduire ces exigences, bien que les améliorations possibles avec les technologies actuelles ne soient pas encore clairement établies », suggère l’équipe.
Les méthodes basées sur le noyau constituent une technique largement utilisée en apprentissage automatique. Elles consistent à transformer des ensembles de données difficiles à séparer dans leur espace d’origine en les projetant de manière non linéaire dans un espace de caractéristiques où ils deviennent plus facilement identifiables. Si les réseaux de neurones profonds constituent actuellement les architectures les plus utilisées, les systèmes basés sur le noyau ont connu un regain d’intérêt ces dernières années en raison de leur relative simplicité.
Photonique quantique : une approche sans portes intriquées
Contrairement aux approches existantes qui reposent sur des techniques hybrides combinant calcul quantique et classique, la méthode proposée par les chercheurs viennois ne nécessite pas de portes quantiques intriquées. Elle repose sur l’injection de photons.
Pour ce faire, l’équipe a utilisé un laser femtoseconde — un dispositif capable d’émettre des impulsions extrêmement brèves, de l’ordre de la femtoseconde. Ce laser a permis de graver un circuit quantique dans un matériau en verre borosilicaté, destiné à encoder ou à transformer les données d’apprentissage automatique de façon à réaliser la tâche de classification. Les photons ont ensuite été injectés selon six configurations distinctes, contrôlées par un système hybride quantique-binaire, combinant des composants quantiques pour la manipulation des états de la lumière et des circuits classiques pour piloter les paramètres expérimentaux.
Les chercheurs ont mesuré le temps nécessaire aux photons pour traverser le circuit quantique avant de comparer les résultats aux calculs classiques. « Nous démontrons ici une méthode à noyau sur un processeur photonique intégré pour effectuer une tâche de classification binaire », précisent-ils. Cette comparaison a permis d’identifier des cas où le traitement quantique se révélait plus avantageux que le classique.
Des performances supérieures, un potentiel d’évolution
Résultat : les algorithmes exécutés sur le circuit quantique photonique se sont montrés plus rapides, plus précis et plus économes en énergie que leurs équivalents classiques. « Nous démontrons que notre protocole surpasse les méthodes à noyau de pointe, telles que les noyaux gaussiens et les noyaux tangents neuronaux (neural tangent kernels), en exploitant l’interférence quantique, et qu’il améliore encore la précision grâce à la cohérence à photon unique », soulignent les auteurs.
Selon eux, il s’agirait de l’une des premières démonstrations concrètes de l’utilisation de l’apprentissage automatique quantique. Cette technique pourrait mener à des algorithmes plus performants pour des applications telles que le traitement du langage naturel. Son architecture permettrait en outre une implémentation sur des systèmes quantiques à un seul qubit.
Par ailleurs, les chercheurs affirment que leur méthode est évolutive : ses performances pourraient encore s’améliorer à mesure que le nombre de photons ou de qubits augmente. « Ce résultat ouvre la voie à des algorithmes plus efficaces et à la formulation de tâches où les effets quantiques améliorent les méthodes standard », concluent-ils.