La NASA et IBM dévoilent Surya, un nouveau modèle d’apprentissage automatique open source destiné à la prédiction des conditions météorologiques spatiales. Formé à l’aide de neuf années de données d’observations, il permettrait de prédire jusqu’à deux heures à l’avance les éruptions solaires susceptibles d’affecter la Terre et les satellites en orbite géostationnaire. L’outil représente une étape supplémentaire dans les efforts de la NASA pour déployer des technologies scientifiques fondées sur l’intelligence artificielle.
Les éruptions solaires peuvent, selon leur intensité et leur orientation par rapport à la Terre, provoquer des tempêtes géomagnétiques en projetant dans l’atmosphère terrestre des nuages de particules ionisées et hautement énergétiques. Ces phénomènes constituent une menace pour une société de plus en plus dépendante de ses infrastructures technologiques, en perturbant notamment les signaux de communication et les réseaux électriques.
Les perturbations géomagnétiques peuvent, par exemple, surcharger les transformateurs et entraîner des pannes d’électricité généralisées. Les tempêtes solaires peuvent également induire des erreurs dans la navigation GPS ou perturber les communications satellitaires. Une tempête solaire intense peut perturber la trajectoire des satellites, augmentant ainsi le risque de défaillance ou de sortie de leur orbite prévue. Pour l’aviation commerciale, elles sont susceptibles de brouiller les communications radio et d’exposer les appareils à des niveaux accrus de radiation. Les vols spatiaux habités, eux, sont confrontés à des dangers encore plus importants, tant pour les engins que pour les astronautes.
Si les astronomes parviennent à identifier les signes précurseurs des éruptions à partir d’images du Soleil, déterminer avec précision leur intensité et le moment exact de leur déclenchement reste un défi. En collaboration avec IBM et plusieurs universités, la NASA propose désormais un outil d’intelligence artificielle qui pourrait améliorer la fiabilité de ces prévisions.
« Notre société repose sur des technologies très sensibles à la météo spatiale », souligne dans un billet de blog de la NASA Joseph Westlake, directeur de la division d’héliophysique au siège de l’agence. « Appliquer l’IA aux données de nos missions d’héliophysique est une étape essentielle pour renforcer notre protection contre la météo spatiale, afin de préserver les astronautes et les engins spatiaux, les réseaux électriques, le GPS et de nombreux autres systèmes qui structurent notre monde moderne », poursuit-il.
Un modèle entraîné sur neuf ans d’observations solaires
Surya est formé à partir de la vaste base de données de l’Observatoire de la dynamique solaire (SDO) de la NASA, couvrant presque l’intégralité d’un cycle solaire. Lancé en 2010, cet observatoire fournit un enregistrement continu d’images du Soleil, capturées en haute résolution et dans plusieurs longueurs d’onde toutes les douze secondes. Il délivre également des mesures précises du champ magnétique solaire. Au total, le modèle a été entraîné sur plus de 250 téraoctets de données.
Contrairement aux modèles standards d’intelligence artificielle, Surya adopte une architecture de modèle de base, capable d’apprendre directement à partir de données brutes. Là où les approches traditionnelles nécessitent un étiquetage minutieux des données, Surya peut s’adapter rapidement à de nouvelles tâches en fonction des informations traitées.
Le modèle est en mesure de suivre divers comportements solaires : évolution des régions actives, prévision des éruptions et estimation de la vitesse du vent solaire. Il peut également intégrer les données issues d’autres observatoires, tels que le Solar and Heliospheric Observatory de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de la NASA, ou encore la sonde Parker.
« Nous faisons progresser la science fondée sur les données en intégrant l’expertise scientifique de la NASA à des modèles d’IA de pointe », explique Kevin Murphy, responsable des données scientifiques à la NASA. « En développant un modèle fondamental basé sur les données héliophysiques de l’agence, nous rendons possible l’analyse des complexités du comportement solaire avec une rapidité et une précision inédites », ajoute-t-il.



Des prévisions plus précises que celles des modèles actuels
Les premiers résultats indiquent que Surya peut générer des prévisions visuelles des éruptions solaires avec deux heures d’avance. Bien que ce délai puisse sembler limité, il représenterait une amélioration de 16 % par rapport aux systèmes actuellement en usage, selon les chercheurs. « Il peut prédire la forme de l’éruption, sa position sur le Soleil et son intensité », détaille Juan Bernabe-Moreno, chercheur en intelligence artificielle chez IBM et responsable du projet Surya, cité par le MIT Technology Review.
Conçu à l’origine pour l’étude du comportement solaire, le modèle dispose toutefois d’une architecture adaptable qui pourrait trouver des applications dans d’autres domaines, notamment l’observation de la Terre. Dans cette vision, il est accessible gratuitement aux chercheurs, enseignants et étudiants via des plateformes comme HuggingFace et GitHub (pour le code).