Plus de 62 000 décès en Europe au cours de l’été 2024, attribués aux températures extrêmes

Un nouveau système d’alerte précoce permet de prédire une semaine à l’avance les urgences sanitaires liées à la chaleur.

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De nouvelles estimations indiquent que plus de 62 000 personnes seraient décédées suite aux températures estivales record de 2024 en Europe. L’année dernière a notamment été la plus chaude jamais enregistrée, l’Europe se réchauffant deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Pour tenter d’atténuer les pertes, les enquêteurs proposent un nouveau système d’alerte précoce permettant de prédire une semaine à l’avance les urgences sanitaires liées à la chaleur.

2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis des relevés météorologiques et la première à dépasser le seuil de 1,5 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle (établi par l’Accord de Paris). Ce réchauffement fait suite à une décennie de records de températures à l’échelle mondiale, certaines régions, comme l’Asie du Sud Est, atteignant des températures estivales dépassant les 45 °C.

Les données climatiques indiquent que l’Europe se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne, devenant ainsi le continent qui se réchauffe le plus rapidement. Au cours de l’été 2024, le continent a connu les températures saisonnières les plus élevées jamais enregistrées, dépassant de 0,20 °C la moyenne de 2022, le précédent record. On estime que les températures estivales de 2022 ont été associées à plus de 61 000 décès, tandis que celles de 2023 ont été liées à plus de 43 000 décès.

Mais alors que les impacts de la chaleur sur la santé et la mortalité constituent une préoccupation croissante en Europe, les estimations s’appuyaient jusqu’à présent sur des modèles épidémiologiques basés sur des relevés hebdomadaires de températures et de mortalité. Ces modèles ne peuvent estimer avec précision les taux réels de mortalité pouvant survenir quotidiennement à l’échelle de dizaines de pays. D’autre part, mis à part le manque de précision des précédents modèles, la mortalité due à la chaleur en Europe en 2024 reste non quantifiée.

L’équipe de l’Université Masaryk, en République Tchèque, a comblé les lacunes dans les estimations en analysant les données quotidiennes de mortalité dans 32 pays européens. Les résultats — publiés aujourd’hui dans la revue Nature Medicine — ont permis de mettre au point un nouveau système d’alerte précoce qui permettrait de prédire de manière fiable les urgences sanitaires liées à la chaleur.

« Nous avons quantifié la mortalité liée à la chaleur pendant les étés 2022-2024 et évalué la capacité de prévision d’une nouvelle génération de systèmes d’alerte précoce continentaux, basés sur l’impact, en cas d’urgence sanitaire », expliquent les chercheurs dans leur document.

Un nombre de décès 24% supérieur à celui de l’été 2023

Les dossiers médicaux quotidiens constituent le meilleur moyen d’effectuer des évaluations épidémiologiques. Il est cependant difficile, voire impossible, d’obtenir des registres complets pour de nombreux pays et, lorsqu’ils sont disponibles, les demandes d’accès nécessitent des procédures administratives complexes pouvant prendre plusieurs années. Des initiatives ont récemment été instaurées en Europe pour faciliter l’accès à ces données dans le cadre d’études épidémiologiques.

D’autre part, des programmes, tels que EARLY-ADAPT, ont permis de compiler de longs enregistrements pluridécennaux de données sanitaires quotidiennes à l’échelle continentale. « Ces deux avancées permettent une estimation plus précise du risque et de la charge des facteurs environnementaux grâce à des sources de données jusqu’alors inexplorées, en Europe et dans le monde », expliquent les chercheurs.

Pour effectuer l’analyse, l’équipe a adapté des modèles épidémiologiques à la base de données de mortalité quotidienne du projet EARLY-ADAPT. L’analyse couvre 654 régions de 32 pays européens, ce qui représente 539 millions de personnes. Les chercheurs ont estimé la mortalité liée à la chaleur au cours de l’été 2024 en la mettant en perspective avec celles des étés 2022 et 2023. Plus précisément, les estimations précédentes pour les étés 2022 et 2023 ont été affinées en adaptant les modèles épidémiologiques à la nouvelle base de données du projet EARLY-ADAPT.

Les résultats ont révélé que 62 775 décès liés à la chaleur sont survenus entre le 1er juin et le 30 septembre 2024 en Europe. Ce nombre serait 24% supérieur à celui de l’été 2023, mais 8,1% inférieur à celui de 2022.

Un système prédisant les urgences sanitaires liées à la chaleur une semaine à l’avance

Le système d’alerte précoce de l’équipe est basé sur le système Forecaster.health, qui combine les prévisions météorologiques avec les évaluations sanitaires et sociales de la vulnérabilité et des inégalités environnementales. D’après les chercheurs, ce système utilise une méthodologie unifiée pour toutes les régions et tous les groupes sociodémographiques européens.

Pour tester le système, les experts ont analysé les données de mortalité due à la chaleur en Europe au cours des étés 2022-2024. L’équipe a évalué la capacité de Forecaster.health à anticiper la mortalité liée à la chaleur estivale, selon le sexe et l’âge, ainsi que l’impact des épisodes de mortalité quotidienne. Cette approche permettrait de démontrer la faisabilité des stratégies d’adaptation visant à atténuer les impacts de la chaleur sur la santé dans un contexte de températures estivales exceptionnellement élevées, expliquent les chercheurs.

L’équipe a démontré que les urgences sanitaires pouvaient être anticipées avec une fiabilité élevée au moins sept jours à l’avance dans l’ensemble du continent, même pour les régions et les sous-groupes de population particulièrement vulnérables. Toutefois, les performances du système d’alerte varient selon les régions au-delà d’une semaine, les meilleures performances étant enregistrées dans le sud de l’Europe.

Néanmoins, « ces résultats ont des implications pour les agences de santé publique et les utilisateurs finaux, car l’adoption du système permettrait de diffuser des alertes fiables en cas d’urgence sanitaire liée à la chaleur dans le délai nécessaire pour permettre aux parties prenantes de prendre des mesures efficaces afin de réduire les décès évitables », conclut l’équipe.

Source : Nature Medicine
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