Des chercheurs ont démontré que la lumière intriquée permet de réduire considérablement le nombre de mesures nécessaires à l’apprentissage ou à la caractérisation d’un système quantique bruyant. Au cours de leurs expériences, le dispositif photonique a appris le comportement du système quantique photonique en seulement 15 minutes, une opération qui, selon les chercheurs, prendrait environ 20 millions d’années avec une approche classique.
Les technologies quantiques ont connu des avancées notables au cours des dernières années. Ces avancées ont permis de démontrer qu’elles peuvent, tel qu’initialement supposé, surpasser les systèmes classiques dans des tâches spécifiques – un concept connu sous le nom d’« avantage quantique ». Cependant, ces démonstrations se sont surtout concentrées sur l’accélération des calculs. Autrement dit, l’avantage quantique concret s’appliquant à tout système classique reste pour le moment difficile à atteindre.
Parmi les domaines dans lesquels l’avantage quantique est difficile à obtenir figure la caractérisation ou l’apprentissage d’un système physique – un défi qui se pose fréquemment en sciences et en ingénierie. Cette caractérisation est généralement effectuée par le biais de mesures répétées sur la base desquelles l’on peut quantifier les bruits d’un système.
Cependant, la procédure est beaucoup plus complexe pour les dispositifs quantiques, principalement parce que les bruits font partie des mesures. D’autre part, le nombre de mesures nécessaires pour les systèmes complexes augmente considérablement avec la taille du système quantique. Cela rend rapidement l’approche de caractérisation classique peu pratique, voire impossible à appliquer.
Des chercheurs de l’Université technique du Danemark (DTU) proposent une nouvelle technique de caractérisation des systèmes quantiques en utilisant la lumière intriquée. « Nous avons mis au point un processus contrôlable et posé une question simple : l’intrication réduit-elle le nombre de mesures nécessaires à l’apprentissage d’un tel système ? Et la réponse est oui, et de beaucoup », explique dans un communiqué, Ulrik Lund Andersen, professeur à la faculté de physique de la DTU et auteur correspondant de l’étude récemment publiée dans la revue Science.
Un gain de mesure provenant de la méthode
L’intrication est un concept clé de la mécanique quantique au cours de laquelle les photons sont si étroitement liés que la mesure de l’un renseigne instantanément sur l’autre, quelle que soit leur distance. L’expérience des chercheurs danois consistait à utiliser cette caractéristique pour effectuer les mesures nécessaires pour caractériser un système quantique.
Pour ce faire, l’équipe a utilisé des composants optiques fonctionnant aux longueurs d’ondes couramment utilisées dans la télécommunication. Plus précisément, le système est constitué d’un canal optique au sein duquel plusieurs impulsions lumineuses partagent le même motif de bruits. Deux faisceaux lumineux ont ensuite été isolés pour être comprimés de sorte à s’enchevêtrer. L’un sert à sonder le système, tandis que l’autre sert de référence. Une mesure conjointe permet de les comparer en une seule fois, ce qui élimine une grande partie des erreurs de mesure et d’extraire plus d’informations que ce qui pourrait être obtenu avec une approche classique.



Avec la nouvelle méthode de mesure, les chercheurs ont caractérisé le comportement du système quantique en 15 minutes, une opération qui, selon eux, prendrait environ 20 millions d’années avec une approche classique. D’après Andersen, « c’est le premier avantage quantique prouvé pour un système photonique. » D’après les chercheurs, le système de mesure fonctionnerait même avec des pertes ordinaires dans le dispositif. Cela signifierait que le gain de mesure proviendrait de la méthode avec laquelle celle-ci est effectuée, plutôt que de la capacité de l’appareil avec lequel elle est réalisée.
Il faut toutefois noter que l’approche n’a pas ciblé de système quantique spécifique, précisent les chercheurs. Néanmoins, les résultats confirment un objectif longtemps recherché en matière de technologie quantique. « Ce qui nous satisfait avant tout, c’est d’avoir enfin découvert un système de mécanique quantique capable de réaliser quelque chose qu’aucun système classique ne pourra jamais faire », conclut Jonas Schou Neergaard-Nielsen, co-auteur de l’étude et professeur associé à la faculté de physique de la DTU.