Contrôler l’ADN à distance : une nouvelle plateforme relève le défi grâce à des champs électriques

Des analyses moléculaires rapides et approfondies pour des applications potentielles en diagnostics et en cartographie génomique.

ADN champ electrique
| Pixabay
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Des chercheurs ont développé un dispositif utilisant des champs électriques pour manipuler les brins d’ADN sans contact direct, offrant ainsi un contrôle précis et sans les endommager. Le système exploiterait les propriétés électriques inhérentes aux molécules d’ADN et permettrait de les confiner ou de les libérer sans risquer de les briser. Les résultats pourraient faciliter des analyses moléculaires plus rapides et plus détaillées, utiles tant pour le diagnostic que pour la cartographie génomique.

Le nanoconfinement de brins d’ADN permet depuis plusieurs années d’étudier en profondeur des molécules individuelles ou de procéder à des manipulations telles que l’étirement macromoléculaire pour la cartographie génomique. Pour ce faire, les biologistes moléculaires utilisent des dispositifs nanofluidiques confinant les brins à l’aide de structures pré-gravées, qui assurent le contrôle de la position géométrique des molécules.

Ces dispositifs demeurent toutefois limités par le manque de flexibilité imposé par ces gravures de nanoconfinement. Ces structures statiques limitent la capacité à ajuster ou à moduler le confinement in situ. Par ailleurs, les brins d’ADN peuvent se rompre lorsque de nouvelles molécules sont introduites dans l’environnement de confinement. Ces manipulations délicates et chronophages restreignent le nombre de molécules pouvant être analysées.

Les approches de confinement actif ont été envisagées pour surmonter ces obstacles. Elles consistent principalement à intégrer des systèmes de modulation du confinement, tels que des poussoirs à lentille à commande piézoélectrique (effet de polarisation électrique sous contrainte mécanique) ou des contrôleurs à pression pneumatique. Leur mise en œuvre demeure toutefois complexe et risque d’endommager les brins d’ADN, sans compter la nécessité d’une configuration technique spécialisée.

Vers un confinement de l’ADN sans contact mécanique

« Les modèles précédents nécessitaient un contrôle mécanique des molécules pour les piéger. Il fallait confiner les molécules dans une rainure pour pouvoir les étudier, puis actionner mécaniquement une plaque, ou un couvercle, pour les pousser à l’intérieur d’un puits », explique, dans un billet de blog de l’Université McGill, Matheus Azevedo Silva Pessôa, doctorant et chercheur en nanofluides au département de physique. « Mais il arrive qu’elles se brisent, et le contrôle sur leur position est extrêmement limité », précise-t-il.

Dans le cadre d’une étude récente, Pessôa et ses collègues proposent une nouvelle approche de nanoconfinement reposant sur l’usage de champs électriques, sans recours à un contrôle mécanique. « De cette façon, nous pouvons observer la dynamique spécifique de l’ADN, car nous pouvons confiner les molécules aussi longtemps que nous le souhaitons sans les casser, et étudier les effets des variations du champ électrique utilisé pour les piéger », explique le chercheur.

Un confinement électrocinétique à distance

Des études antérieures ont montré que les champs électriques peuvent servir à contrôler les microenvironnements des molécules d’ADN en solution, en exerçant une combinaison de forces électrocinétiques (telles que l’électrophorèse et l’électro-osmose). La réponse des molécules à ces champs se produit à des échelles de temps extrêmement brèves — généralement inférieures à la microseconde selon la littérature scientifique. L’application d’une polarisation externe offrirait ainsi un contrôle rapide et précis de l’environnement moléculaire.

Les précédentes techniques étaient cependant limitées par les contraintes de haute tension, réduisant la maîtrise du mouvement des molécules. L’équipe de la nouvelle étude propose un réseau de nanoélectrodes permettant d’ajuster la tension électrique à une fréquence spécifique, à la manière du réglage d’une radio AM. Ce contrôle fin permettrait de confiner les molécules d’ADN sans les endommager.

confinement adn
Les molécules d’ADN, initialement libres en solution (A), sont piégées dans des nanocavités sous l’effet du champ électrique (B), puis libérées par la mise à zéro du champ (C). © Matheus AS Pessôa etl al.

« Nous démontrons ici qu’il est possible de relever les principaux défis liés à la mise en œuvre d’un confinement basé sur un champ électrique modulé dans le temps via un déclenchement dynamique de réseaux d’électrodes nanométriques », précisent les chercheurs dans leur étude publiée dans la revue Science Advances.

Plus précisément, l’approche, baptisée « confinement électrocinétique », repose sur un ensemble de plaques parallèles. Les surfaces conductrices supérieures sont positionnées verticalement sur une surface inférieure comportant des réseaux de puits de nanoélectrodes. Ces derniers sont créés par gravure nanométrique d’une couche de nitrure de silicium recouvrant une couche conductrice sous-jacente.

En appliquant une tension de polarisation au système d’électrodes, un champ électrique est généré dans l’espace, les lignes de champ se concentrant à l’intérieur et autour des puits. Cela crée un champ électrique en forme d’entonnoir, confinant les molécules chargées électriquement à l’intérieur de ces cavités. D’après les chercheurs, outre le confinement, la plateforme permettrait également de libérer les molécules à volonté.

D’autre part, elle permettrait de contrôler le degré de confinement des molécules d’ADN et d’observer leur comportement en temps réel. La manipulation de l’ADN à l’échelle nanométrique pourrait aussi permettre de moduler certaines réactions chimiques spécifiques, telles que l’activation de liposomes — des vésicules lipidiques couramment utilisées pour l’administration de médicaments.

Les chercheurs estiment enfin que cette technologie pourrait servir à simuler des environnements cellulaires, faisant de ce dispositif un outil potentiel pour le diagnostic des maladies génétiques et l’étude des comportements de l’ADN au niveau moléculaire.

Source : Science Advances
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