Les cellules leucémiques « piratent » leurs mitochondries pour résister aux traitements, révèle une étude

Elles surexpriment une protéine qui modifie la forme des mitochondries de sorte à entraver l’apoptose.

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Des chercheurs ont découvert que les cellules leucémiques résistent aux traitements anticancéreux en remodelant leurs mitochondries. En étant exposées de manière prolongée au vénétoclax, le traitement standard pour ce type de cancer, elles surexpriment une protéine qui modifie la forme des mitochondries de manière à entraver l’apoptose. Cela pourrait en partie expliquer pourquoi le taux de survie et de rémission reste faible malgré l’efficacité initiale du traitement.

La leucémie myéloïde aiguë (LAM) est l’une des formes les plus fréquentes et les plus mortelles chez les adultes. Elle représente près de 1 % de l’ensemble des cancers et plus de 31 % des formes de leucémies chez les adultes de plus de 20 ans. Le taux de survie à cinq ans ne dépasse généralement pas les 30 %.

Les cellules de la LAM surexpriment des protéines appartenant à la famille des BCL-2, qui empêchent l’apoptose — ou mort cellulaire programmée —, les rendant ainsi résistantes aux chimiothérapies. Le vénétoclax, qui se lie au domaine BH3 des protéines pro-apoptotiques pour inhiber BCL-2, est devenu le traitement standard de la maladie. Cependant, une résistance au médicament se développe après un traitement prolongé, et les cellules leucémiques finissent par échapper à l’apoptose.

La compréhension des mécanismes de cette résistance pourrait permettre d’identifier de nouvelles pistes pour améliorer les traitements. Dans cette optique, une équipe codirigée par l’Université Rutgers a identifié une voie spécifique impliquée dans la résistance des cellules de LAM au vénétoclax. « Nous avons découvert que les mitochondries changent de forme pour empêcher l’apoptose, un type de suicide cellulaire induit par ces médicaments », explique dans un communiqué de l’université Christina Glytsou, auteure principale de l’étude, professeure adjointe à la Ernest Mario School of Pharmacy et à la Robert Wood Johnson Medical School de Rutgers.

Des mitochondries modifiée pour résister à la mort cellulaire

Les mitochondries sont des organites cellulaires flexibles capables de s’adapter aux besoins spécifiques de chaque cellule. Pour ce faire, elles modifient activement leur structure ou interagissent avec d’autres organites. Les transformations morphologiques incluent, par exemple, la fusion des organites ou l’augmentation de la densité et de l’étanchéité des crêtes. Des études antérieures ont montré que ces changements stimulent la respiration cellulaire et leur confèrent une résistance à l’apoptose.

En utilisant la microscopie électronique avancée et la technique de criblage génétique CRISPRi pour examiner les cellules de patients atteints de LAM, l’équipe de Glytsou a identifié des adaptations mitochondriales spécifiques chez les cellules leucémiques résistantes au vénétoclax. Les mitochondries présentaient des crêtes plus serrées et plus nombreuses au niveau de leurs membranes, piégeant ainsi davantage le cytochrome c, une molécule dont la libération déclenche l’apoptose.

Ces adaptations sont généralement médiées par une protéine appelée OPA1, qui contrôle la structure interne des mitochondries. Les cellules des patients résistants au traitement affichaient des taux élevés de cette protéine. « Les cellules de LAM résistantes régulent positivement OPA1 pour modifier leur structure mitochondriale et échapper à l’apoptose », expliquent les chercheurs dans leur étude publiée dans la revue Science Advances.

En examinant plus en détail les cellules des patients, les scientifiques ont constaté que ceux ayant rechuté après un traitement au vénétoclax présentaient des mitochondries aux crêtes nettement plus serrées que celles observées chez les patients récemment diagnostiqués.

Vers de nouvelles stratégies thérapeutiques

La prochaine étape de l’étude visait à déterminer si l’inhibition de cette modification mitochondriale pouvait restaurer l’efficacité du vénétoclax. L’équipe a donc utilisé deux inhibiteurs expérimentaux d’OPA1 sur des souris chez lesquelles on a transplanté des cellules leucémiques humaines. Les animaux ont été traités soit avec le vénétoclax seul, soit avec une combinaison du médicament et des inhibiteurs d’OPA1.

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L’inhibition pharmacologique d’OPA1 altère la morphologie des crêtes et favorise l’apoptose de la leucémie myéloïde aiguë (LMA). © La Vecchia et al.

Combiné aux inhibiteurs, le traitement a doublé la survie des souris par rapport à celles recevant uniquement le vénétoclax. Cette association s’est révélée efficace contre différents sous-types de leucémie, y compris ceux portant une mutation du gène p53, étroitement associée à la résistance au traitement et à un faible taux de survie.

Outre la restauration de la voie apoptotique, les inhibiteurs d’OPA1 semblent agir sur d’autres mécanismes : les expériences de l’équipe ont montré que les cellules dépourvues d’OPA1 deviennent fortement dépendantes de la glutamine et plus vulnérables à la ferroptose, une forme distincte de mort cellulaire induite par des dommages causés au fer et aux lipides.

Par ailleurs, les essais sur les souris ont montré que les composés n’altéraient pas la production normale de cellules sanguines. Bien que l’étude en soit encore à ses débuts, ces résultats ouvrent des perspectives prometteuses pour améliorer les traitements de la leucémie et potentiellement d’autres cancers. La protéine OPA1 est en effet surexprimée dans de nombreux autres types de cancers résistants aux traitements, tels que le cancer du sein et du poumon.

Source : Science Advances
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