Obésité : des odeurs d’aliments gras pendant la grossesse suffiraient à modifier le métabolisme de l’enfant

Un effet observé indépendamment de la qualité nutritionnelle du régime maternel.

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Une expérience sur les souris révèle que l’exposition in utero aux odeurs d’aliments gras augmente le risque de surpoids et d’obésité à l’âge adulte. Même avec un régime alimentaire pauvre en graisses mais contenant des effluves de nourriture grasse, les composants sensoriels de l’alimentation des mères influençaient le métabolisme de leurs progénitures. Ces observations mettent en lumière un aspect encore peu exploré de la manière dont l’alimentation maternelle peut influencer celle des enfants.

La consommation maternelle d’aliments hypercaloriques et riches en graisses est depuis longtemps connue pour être un facteur de risque majeur d’obésité et d’autres maladies métaboliques (comme le diabète de type 2) chez l’enfant. L’obésité maternelle prédispose en outre les enfants à de nombreux troubles métaboliques et comportementaux. Des études ont montré que la prise de poids excessive pendant la grossesse expose les enfants à risque accru de développer une résistance à l’insuline et d’avoir des préférences pour la nourriture hypercalorique – une forme de programmation métabolique.

Cependant, les effets de la programmation métabolique peuvent aussi se manifester chez les enfants dont les mères avaient un poids normal pendant leur grossesse mais qui consommaient des aliments riches en graisses. Autrement dit, la programmation se manifestait indépendamment de leurs niveaux d’adiposité et de résistance à l’insuline. Cela suggère que le risque de syndrome métabolique n’est pas uniquement lié à l’obésité maternelle ou à la composition nutritionnelle des régimes maternels.

Les chercheurs soupçonnent que mis à part les composants nutritionnels, d’autres composants, comme les odeurs, pourraient être impliqués dans la programmation métabolique des enfants. Les aliments ne sont en effet pas composés uniquement de nutriments mais également de composants sensoriels tels que les odeurs volatiles. Leur implication réelle dans le développement métabolique in utero n’était cependant jusqu’ici pas claire.

Dans une étude publiée hier (1 décembre) dans la revue Nature Metabolism, des chercheurs de l’Institut Max Planck et de l’Université de Cologne, en Allemagne, mettent en évidence un lien entre les odeurs alimentaires et la programmation métabolique précoce. « Nos découvertes modifient notre compréhension de l’influence de l’alimentation maternelle sur la santé des enfants », explique dans un communiqué, Sophie Steculorum, qui est affiliée aux deux instituts et qui a dirigé l’étude.

Un effet indépendant de la santé maternelle

Au cours de leur développement, les fœtus et les nouveau-nés sont exposés à de nombreux signaux sensoriels alimentaires à la fois nutritifs et non nutritifs. Les odeurs provenant de l’alimentation de la mère sont directement transférées soit dans le liquide amniotique, soit dans le lait maternel. Des études ont montré que l’exposition périnatale à différentes odeurs favorise la formation de souvenirs sensoriels sur lesquels on s’appuie pour effectuer des choix en matière d’alimentation jusqu’à l’âge adulte.

Cela suggère que la perception sensorielle des aliments pourrait constituer un régulateur des circuits neuronaux impliqués dans le contrôle alimentaire et le métabolisme global jusqu’à l’âge adulte. Mais, « à ce jour, les conséquences de l’exposition développementale à des signaux alimentaires sensoriels non nutritifs d’un régime riche en graisses sur la régulation à vie de la représentation centrale, de la préférence, de l’apport et de la réponse métabolique à ce régime restent difficiles à cerner », expliquent Steculorum et ses collègues dans leur article.

Pour explorer la question, l’équipe de recherche a sélectionné des souris gestantes pour les exposer à différents régimes alimentaires. Plus précisément, les deux groupes ont été nourris avec un régime dont la valeur nutritionnelle était équivalente à celle d’une alimentation standard, mais l’un des régimes était aromatisé avec une odeur de bacon, tandis que l’autre non.

Après la mise bas des mères, les chercheurs ont constaté que les poids corporels des mères et des progénitures étaient identiques pour les deux régimes. La santé des mères et la composition de leur lait étaient également restés les mêmes chez les deux groupes. Cependant, les petits de celles qui étaient nourries avec un régime aromatisé au bacon présentaient une accumulation plus importante de graisses corporelles et une résistance à l’insuline lorsqu’ils étaient nourris avec un régime riche en graisse une fois à l’âge adulte.

« Jusqu’à présent, l’attention s’était surtout portée sur la santé maternelle et les effets néfastes d’une alimentation riche en graisses, comme le risque de prise de poids excessive. Or, nos résultats suggèrent que les odeurs auxquelles les fœtus et les nouveau-nés sont exposés pourraient influencer leur santé ultérieure, indépendamment de celle de leur mère », indique Steculorum.

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L’exposition développementale aux signaux sensoriels liés aux graisses est suffisante pour exacerber les réponses obésogènes au saindoux HFD. a) Modèle d’exposition développementale aux signaux sensoriels liés aux lipides induits par l’alimentation des mères avec un régime normal (NCD, groupe témoin) ou un régime riche en graisses (BFD). b) Classification hiérarchique des profils de composés volatils des régimes NCD, BFD, HFD à base de beurre (HFD beurre) et HFD à base de saindoux (HFD saindoux). c , d) Analyse en composantes principales des composantes hydrophobes (lipides) (c) et polaires (métabolites) (d) des régimes. © Laura Casanueva Reimon et al.

Altération des circuits de récompense et du contrôle de la faim

Ces données suggèrent que les souris nées de mères exposées à l’odeur de bacon ont développé une préférence marquée pour les aliments gras une fois adultes. Elles présentaient également de faibles dépenses énergétiques ainsi qu’une activité cérébrale altérée au niveau des circuits de récompense et du contrôle de la faim. D’après l’équipe, ces réponses sont similaires à celles observées chez les animaux obèses.

Les chercheurs ont également testé divers arômes couramment utilisés comme additifs alimentaires dans les régimes des souris gestantes. Leurs résultats ont montré que malgré la qualité nutritionnelle de l’alimentation, les additifs suffisaient à eux seuls à provoquer les mêmes effets (comme l’appétit ou l’attrait pour un aliment en particulier) chez les petits.

« Ces résultats indiquent qu’il serait utile de poursuivre les recherches afin de comprendre comment la consommation de ces substances pendant la grossesse ou l’allaitement pourrait affecter le développement et la santé métabolique des bébés [humains] plus tard dans leur vie », conclut Steculorum.

Source : Nature Metabolism
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