Théia, la protoplanète à l’origine de la Lune, serait née plus près de la Terre qu’on ne le pensait

Les données isotopiques semblent indiquer qu’elle était plus proche du Soleil que la Terre.

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Illustration artistique de la collision entre la Terre primitive et Théia. Théia serait originaire du système solaire interne et le Soleil est visible en arrière-plan. | MPS/Mark A. Garlick
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Théia, le corps planétaire à l’origine du « Grand impact » qui a formé la Lune, serait né dans le système solaire interne, probablement plus près du Soleil que la Terre, d’après de nouvelles données. Contrairement à ce que l’on supposait initialement, l’analyse comparative de rapports isotopiques d’échantillons lunaires et terrestres ne correspond pas à une origine provenant du système solaire externe. Ces données apportent de nouveaux éléments permettant de mieux comprendre l’histoire géologique de la Terre et de la Lune.

Il y a environ 4,5 milliards d’années, un objet à peu près de la taille de Mars serait entré en collision avec la Terre alors qu’elle était encore une jeune planète en formation (protoplanète). En effet, au cours des 100 premiers millions d’années qui ont suivi la formation du Soleil, le système solaire interne était encombré de dizaines, voire de centaines, de protoplanètes allant de la taille de la Lune à celle de Mars.

Ces protoplanètes entraient fréquemment en collision et fusionnaient pour former des corps plus massifs ou étaient éjectées de leurs orbites par la force gravitationnelle de planètes plus grandes. Baptisée Théia, la protoplanète qui a impacté la Terre serait à l’origine de la formation de la Lune. Cette dernière serait née des débris arrachés de la Terre par la force de la collision.

Mais si cette théorie de formation de la Lune est largement acceptée, l’origine et la composition de Théia demeurent un mystère. Ce qui est certain est que la taille, la composition et l’orbite de la Terre ont été modifiées. Les échantillons lunaires rapportés par les missions Apollo ont révélé que la Terre et la Lune sont chimiquement presque identiques. Cependant, cette similitude rend difficile la détermination des origines de Théia, qui a complètement été détruite suite à la collision.

Il a été suggéré que Théia pourrait provenir du système solaire externe. Une récente étude de l’Institut Max Planck de recherche sur le système solaire, en Allemagne, remet en question cette hypothèse et suggère plutôt qu’elle s’est formée dans le système solaire interne. « Théia et la proto-Terre proviennent d’une région similaire du système solaire interne », a déclaré l’auteur principal de l’étude, Timo Hopp, géoscientifique à l’Institut Max Planck de recherche sur le système solaire, à Live Science.

« Nos résultats ne révèlent aucune nouveauté dans le mécanisme. Ils concordent parfaitement avec les prévisions de la théorie classique de la formation des planètes telluriques », a-t-il ajouté. Les résultats de la recherche ont été publiés le 20 novembre dans la revue Science.

Terre et Lune : des rapports isotopiques quasi similaires

Les proportions de certains isotopes métalliques dans un objet constituent d’excellents révélateurs de son histoire et de sa composition. Dans le système solaire primitif, ces isotopes n’étaient probablement pas répartis uniformément. L’origine de composants initiaux d’un objet du Système solaire pourrait ainsi être retracée dans sa proportion isotopique. « La composition d’un corps retrace toute son histoire de formation, y compris son lieu d’origine », explique dans un communiqué, Thorsten Kleine, Directeur de l’Institut Max Planck de recherche sur le système solaire et coauteur de l’étude.

Pour détecter des traces de Théia sur Terre et sur la Lune, l’équipe de Kleine a mené une analyse comparative du rapport de différents isotopes du fer dans des échantillons rocheux. Les échantillons incluaient 15 roches terrestres, dont des roches provenant du volcan Kilauea à Hawaï et des météorites collectées en Antarctique. Six échantillons lunaires ont été collectés lors des missions Apollo 12 et 17.

Les résultats ont confirmé que la Terre et la Lune sont chimiquement très proches, ce qui correspond aux mesures antérieures des rapports isotopiques du chrome, du calcium, du titane et du zirconium. Cette similitude ne permet cependant pas de tirer des conclusions en ce qui concerne Théia car il existe tout simplement trop de scénarios de collision possibles.

Bien que certains modèles supposent que la Lune s’est formée presque exclusivement à partir de matériaux provenant de Théia, il est également possible qu’elle soit principalement composée de matériaux issus du manteau primitif de la Terre. Il est aussi possible que les roches terrestres et théiaises se soient mélangées.

Pour obtenir des indices sur Théia, les chercheurs ont alors utilisé une technique de rétro-ingénierie planétaire. Cela consiste à s’appuyer sur la correspondance des rapports isotopiques dans les roches terrestres et lunaires actuelles, pour explorer différentes compositions et tailles possibles de Théia, ainsi que la composition de la Terre primitive, qui auraient pu conduire à cet état final.

Mis à part les isotopes du fer, l’équipe a également analysé les isotopes du chrome, du molybdène et du zirconium. « Ces éléments ont des affinités différentes pour les métaux et se répartissent donc en proportions variables dans les manteaux planétaires ; c’est pourquoi l’or est si rare et précieux », explique dans le communiqué, Nicolas Dauphas, de l’Université de Chicago et de l’Université de Hong Kong, qui a également participé à la recherche. « Ils nous permettent d’accéder aux différentes phases de la formation planétaire », ajoute-t-il.

Une origine proche de la Terre : le scénario le plus probable ?

Les résultats ont montré qu’une origine proche de la Terre est le scénario le plus probable. « Le scénario le plus plausible est que la plupart des éléments constitutifs de la Terre et de Théia proviennent du système solaire interne. La Terre et Théia étaient probablement voisines », indique Hopp. Il se pourrait même que son orbite soit plus proche du Soleil que celle de la Terre, ce qui n’est pas contradictoire : les deux corps auraient alors émergé d’une même région interne du disque protoplanétaire.

En effet, un processus de différenciation se serait produit bien avant la collision de Théia avec la Terre. Lors de la formation du noyau de fer, certains éléments, comme le fer et le molybdène, s’y sont accumulés et sont par la suite devenus largement absents du manteau rocheux. Mais le fer est aujourd’hui présent dans le manteau terrestre, ce qui implique qu’une partie du fer du manteau a dû être apportée après la différenciation du noyau, notamment via l’impact de Théia.

D’autre part, la composition de la Terre primitive peut être représentée principalement par un mélange de classes de météorites connues. Certaines de ces météorites proviennent de différentes régions du système solaire externe. Cependant, ce n’est pas le cas pour Théia, ce qui suggère alors que des matériaux jusqu’alors inconnus pourraient également avoir contribué à sa formation. Les chercheurs estiment que ces matériaux pourraient provenir d’une région plus proche du Soleil que de la Terre.

Source : Science
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