Cancer du sein : une thérapie CAR-T de nouvelle génération pourrait changer la donne

Développée à partir de dons de cellules souches sanguines, elle pourrait être facilement produite en masse et à moindre coût.

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Image microscopique montrant des cellules CAR-NKT modifiées à partir de cellules souches sanguines (bleues) attaquant une cellule tumorale solide humaine (magenta). | UCLA
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Des chercheurs ont développé une thérapie CAR-T à base de cellules tueuses naturelles (« natural killer », NK), qui s’est montrée plus efficace que les immunothérapies actuelles contre le cancer du sein triple négatif à un stade avancé – la forme la plus agressive de cancer du sein. La thérapie peut être produite en masse à partir de dons de cellules souches sanguines, ce qui réduirait considérablement son coût de développement. Sa polyvalence permettrait aussi de l’utiliser contre d’autres types de tumeurs solides.

Les thérapies CAR-T (« Chimeric antigen receptor-engineered T ») ont transformé la recherche thérapeutique contre le cancer, se montrant notamment remarquablement efficaces contre certains cancers du sang. Elles consistent à reprogrammer les cellules immunitaires (les cellules T) des patients pour les « armer » efficacement contre les cellules cancéreuses.

Cependant, malgré ce succès, leur efficacité est limitée pour les tumeurs solides comme le cancer du sein, en raison de la complexité de leur environnement tumoral. Le cancer du sein constitue actuellement le cancer le plus fréquent chez les femmes et l’une des principales causes de décès par cancer chez cette population dans le monde. Représentant 15 à 20 % des cancers du sein, le cancer du sein triple négatif (CSTN) est la forme la plus agressive, caractérisée par une évolution très rapide et des options thérapeutiques limitées au stade avancé.

Comme leur nom l’indique, les CSTN sont dépourvus des trois cibles principales sur lesquelles la plupart des thérapies anticancéreuses s’appuient, ce qui leur confère une forte résistance aux médicaments. Les tumeurs évoluent également rapidement et se manifestent de manière hétérogène chez les patients. Ces contraintes se traduisent par un taux de survie de seulement 18 à 24 mois en cas de métastase.

Pour surmonter ces défis, une équipe de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) propose d’adapter la thérapie CAR-T à des cellules hybrides T/NK, dites cellules TNK, qui combinent des caractéristiques des lymphocytes T et des cellules NK (« natural killer »). Cette approche présenterait non seulement une efficacité accrue pour cibler les tumeurs solides résistantes, mais serait aussi plus simple et nettement moins coûteuse à développer que la CAR-T standard.

Une attaque coordonnée sur plusieurs fronts

Disposant d’un récepteur chimérique (CAR) spécialisé, les cellules CAR-TNK reconnaissent et détruisent le cancer par le biais de trois mécanismes distincts. Le premier repose sur la reprogrammation du CAR afin de cibler la mésothéline, une protéine associée aux tumeurs agressives et métastatiques, présente à la surface des cellules du CSTN.

Le deuxième mécanisme mobilise les récepteurs polyvalents des cellules TNK, capables de reconnaître plus de vingt marqueurs moléculaires, rendant ainsi quasi impossible l’échappement des cellules tumorales. Le troisième s’appuie sur un récepteur spécifique des lymphocytes T, qui permet de remodeler le microenvironnement tumoral en éliminant les cellules immunosuppressives.

« Nous ne ciblons pas un seul marqueur moléculaire sur les cellules cancéreuses, mais des dizaines simultanément », explique dans un article de blog de l’UCLA Yan Ruide (Charlie) Li, auteur principal de l’étude et chercheur postdoctoral au programme de formation du Centre de recherche Broad sur les cellules souches de l’UCLA. « C’est comme attaquer une forteresse de tous côtés à la fois. Le cancer ne peut tout simplement pas s’adapter assez vite pour s’échapper », ajoute-t-il.

Pour tester leur approche, les chercheurs ont prélevé des échantillons de cellules tumorales chez des patientes atteintes de CSTN. D’après les résultats détaillés dans le Journal of Hematology & Oncology, la thérapie est parvenue à éliminer les cellules cancéreuses dans l’ensemble des échantillons testés. Les cellules immunosuppressives recrutées par les tumeurs ont également été détruites.

« Les patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif attendent depuis bien trop longtemps de meilleures options de traitement », souligne Lili Yang, coauteure principale de l’étude et professeure de microbiologie, d’immunologie et de génétique moléculaire, membre du Centre Eli et Edythe Broad de médecine régénérative et de recherche sur les cellules souches à l’UCLA. « Avoir enfin une thérapie qui démontre une efficacité supérieure contre le cancer – et être à un pas des essais cliniques – est incroyablement enthousiasmant », estime-t-elle.

Vers une immunothérapie plus accessible et industrialisable

Un autre avantage notable de la thérapie CAR-TNK réside dans sa simplicité et son coût de développement réduit. Les thérapies CAR-T standards consistent à prélever les cellules immunitaires du patient, puis à les envoyer dans un laboratoire spécialisé pour une reprogrammation génétique, avant de les réinjecter. L’ensemble du processus peut durer plusieurs semaines et coûter des centaines de milliers de dollars, un délai et un montant peu compatibles avec la prise en charge de tumeurs agressives, en particulier chez les patients aux revenus modestes.

À l’inverse, les cellules TNK interagissent naturellement avec tous les systèmes immunitaires et peuvent donc être produites en masse à partir de cellules souches sanguines issues de dons. Un seul don permettrait de générer suffisamment de cellules TNK pour des milliers de traitements, ce qui ramènerait le coût de développement, selon une estimation préclinique des chercheurs, à environ 5 000 dollars par dose – un montant certes encore élevé, mais sans commune mesure avec celui des CAR-T classiques.

Par ailleurs, cette thérapie pourrait être adaptée à d’autres types de tumeurs solides, la mésothéline étant également fortement exprimée, par exemple, dans les cancers de l’ovaire, du pancréas et du poumon. « Il s’agit véritablement d’une technologie de plateforme », affirme Lili Yang.

Les études précliniques étant achevées pour le CSTN et le cancer de l’ovaire, les chercheurs prévoient de soumettre prochainement des demandes à la Food and Drug Administration (FDA) américaine afin de lancer les essais cliniques. « Nous avons franchi 99 étapes pour en arriver là. Il ne nous manque plus qu’une dernière étape pour commencer les essais cliniques et démontrer ce que cette thérapie prometteuse peut réellement apporter aux patients », conclut-elle.

Source : Journal of Hematology & Oncology
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