Des chercheurs ont clarifié une confusion concernant l’identification d’une espèce de grenouille venimeuse péruvienne appartenant à la collection d’un Musée d’histoire naturelle. Initialement identifiée pendant plusieurs décennies comme une espèce spécifique, elle s’avère appartenir à une espèce déjà répertoriée. Ces nouveaux résultats mettent en évidence la nécessité de recourir à davantage d’éléments que les seules données photographiques pour l’identification taxonomique des espèces.
Les biologistes s’appuient généralement sur l’holotype pour identifier des espèces. Il s’agit d’un spécimen unique choisi comme référence afin de décrire et de nommer pour la première fois un taxon donné. Autrement dit, c’est à partir de l’holotype que les caractéristiques morphologiques d’une espèce sont décrites et répertoriées.
En règle générale, l’holotype ne représente pas nécessairement l’espèce la plus connue ou le fossile le plus complet, mais plutôt le premier découvert et qui ne correspond pas à un taxon déjà décrit. L’holotype qui a, par exemple, permis de décrire l’espèce Australopithecus afarensis est le spécimen LH 4, découvert à Laetoli en 1975, et non Lucy ou d’autres fossiles plus complets.
Mais si les holotypes étaient initialement des spécimens entiers ou partiels collectés sur le terrain, les biologistes s’appuient parfois aujourd’hui sur des informations associées telles que des photographies, des données génétiques ou encore des témoignages de communautés autochtones. L’ensemble de ces informations est parfois considéré, dans une approche récente et encore discutée, comme faisant partie intégrante de l’holotype.
« Lorsqu’on décrit une espèce, on lui attribue un spécimen de référence qui porte son nom », explique dans un communiqué Ana Motta, professeure d’herpétologie à l’Institut de la biodiversité de l’Université du Kansas. « Si je découvre par la suite un spécimen ressemblant à cette espèce, je dois me référer à l’holotype et effectuer une comparaison afin de déterminer si cette nouvelle population appartient à l’espèce ou s’il s’agit d’une autre. L’holotype est donc le spécimen représentatif de l’espèce. »
Cette méthodologie peut cependant conduire à des erreurs d’identification. Motta et ses collègues ont ainsi identifié, dans la collection du Musée d’histoire naturelle de l’Université du Kansas, un holotype de grenouille venimeuse du Pérou qui appartenait en réalité déjà à une autre espèce. D’après leurs résultats, détaillés dans la revue spécialisée Zootaxa, la grenouille Dendrobates duellmani relève en fait d’une autre espèce de grenouille venimeuse amazonienne : Ranitomeya ventrimaculata.
Une confusion née d’un numéro de catalogue
La grenouille a été décrite pour la première fois en 1999 à partir d’une photographie prise dans la forêt tropicale péruvienne, près de la frontière avec l’Équateur — une pratique exceptionnelle et controversée au regard du Code international de nomenclature zoologique. Incapable d’identifier l’espèce avec certitude, le chercheur qui l’étudiait la décrivit formellement à partir de cette seule image. La photographie du spécimen avait déjà été déposée dans la collection d’herpétologie de l’Université du Kansas sous la référence KU 221832 et sous le nom scientifique Dendrobates duellmani.
« Chaque spécimen reçoit un numéro de catalogue. C’est comme un code-barres », explique Ana Motta. « Toutes les photos, données génétiques, enregistrements d’appels — bref, tout ce qui est associé à ce spécimen — est lié à ce numéro. Lorsque le chercheur a vu la photo, au lieu de demander le spécimen, il a uniquement demandé le numéro de catalogue, et un numéro erroné lui a été communiqué, celui d’un autre spécimen. Il a donc associé le mauvais spécimen à la description de la nouvelle espèce. Le véritable spécimen existait bel et bien, mais il portait un autre numéro de catalogue. »
L’erreur n’a été découverte que plusieurs années plus tard, lorsque des herpétologues ont demandé à examiner l’holotype afin d’étudier l’espèce et celles qui lui sont apparentées. En recevant le spécimen référencé, ils se sont rendu compte qu’il différait de celui décrit à l’origine : la grenouille étudiée était très colorée, tandis que celle numérotée présentait une teinte brune.
Les avancées en matière d’identification taxonomique ont permis de distinguer de nombreuses espèces qui semblent morphologiquement similaires, mais qui appartiennent en fait à des espèces distinctes. « L’inverse est également vrai : des individus morphologiquement différents peuvent appartenir à la même espèce. C’est le cas ici », précise Motta. Les deux grenouilles, bien que de couleurs différentes, relèveraient ainsi d’une seule et même espèce et partageraient une large part de leur patrimoine génétique.



Les limites d’une description fondée sur l’image
Selon la chercheuse, ces résultats mettent en évidence l’importance des collections muséales et soulignent la nécessité de repenser la définition même de l’holotype. Si ce terme désigne traditionnellement un objet physique, il pourrait, selon certains chercheurs, inclure également d’autres éléments d’information — données génomiques, chants et cris d’animaux, entre autres — formant ce qu’ils qualifient de « spécimen étendu ».
Par ailleurs, cette étude montre que se fonder uniquement sur une photographie pour établir un holotype ne constitue pas une approche optimale pour décrire une espèce. De telles erreurs dans les descriptions taxonomiques pourraient notamment être reproduites au fil des décennies de recherche. « Il est essentiel de travailler directement avec le spécimen, car c’est à partir de lui que l’on peut confirmer les observations. La recherche devient alors reproductible », conclut Ana Motta.
Source : Zootaxa


