Une nouvelle étude révèle que le processus de développement et de maturation cérébrale se poursuit jusqu’à la trentaine, suggérant ainsi que l’idée largement répandue selon laquelle cela cesse à 25 ans est erronée. Les données indiquent notamment que la construction et la stabilisation des principaux réseaux neuronaux ne semblent se finaliser qu’au début de la trentaine. Ces résultats pourraient avoir des implications sur notre compréhension biologique et psychologique de ce qu’est véritablement « l’âge adulte ».
Il existe une idée largement répandue selon laquelle le lobe frontal, une région cérébrale jouant un rôle clé dans les fonctions complexes telles que la prise de décision, n’achève son développement qu’à l’âge de 25 ans. Cela a donné lieu à une croyance répandue selon laquelle l’on est véritablement considéré comme « adulte » qu’à partir de cet âge et que les erreurs et les décisions impulsives caractérisant l’adolescence et la vingtaine ont une explication biologique.
« Il est facile de se rassurer en pensant qu’il existe une explication biologique à notre sentiment d’instabilité, d’impulsivité ou d’être en plein développement », explique dans un article publié dans The Conversation, Taylor Snowden, boursier postdoctoral en neurosciences à l’Université de Montréal. « La vie entre 20 et 30 ans est imprévisible, et l’idée que notre cerveau n’a pas encore fini de se développer peut être étrangement rassurante », ajoute-t-elle.
Un mythe populaire aux origines profondes
De nombreux neuroscientifiques admettent aujourd’hui que le mythe du lobe frontal qui cesse de se développer à 25 ans est erroné. Il tient néanmoins ses origines de véritables recherches scientifiques. « Comme beaucoup de mythes, cette notion de « fin à 25 ans » repose sur des données scientifiques réelles, mais elle simplifie à l’extrême un processus bien plus long et complexe », explique Snowden.
Ces recherches ont débuté vers la fin des années 1990 et ont permis de suivre le développement cérébral de milliers d’enfants et d’adolescents pendant plusieurs années. Ces travaux ont permis de découvrir que la matière grise subit un processus d’élagage neuronal, éliminant les connexions neuronales les moins utilisées et renforçant celles plus utilisées. Cela signifie que la croissance cérébrale durant l’enfance et la perte de volume au cours de l’adolescence sont essentielles au développement et au processus de maturation du cerveau.
Une étude de suivi majeure du cerveau d’enfants dès l’âge de quatre ans a également permis de découvrir que les régions cérébrales les plus primitives (telles que celles impliquées dans les mouvements musculaires volontaires) mûrissent en premier, tandis que celles plus avancées (telles que celles impliquées dans la prise de décision) n’étaient pas encore pleinement développées lorsque les enfants ont atteint l’âge de 20 ans.
Ces observations n’ont cependant pas permis de déterminer avec précision l’âge de la fin du développement cérébral, car les suivis se limitaient soit à quelques années spécifiques, soit à l’âge de 20 ans au maximum pour les études à long terme. D’après Snowden, « l’âge de 25 ans est devenu la meilleure estimation pour ce point final supposé, et a fini par s’ancrer dans la conscience collective ».
Un modèle « adulte » de réseaux cérébraux au début de la trentaine
Une récente étude menée par des chercheurs de l’Université de Cambridge ajoute cependant aux preuves croissantes suggérant un développement cérébral qui se poursuit bien au-delà de l’âge de 25 ans. En particulier, la recherche visait à évaluer l’efficacité des réseaux cérébraux en analysant la topologie de la substance blanche. Cette dernière est composée de longues fibres nerveuses connectant différentes parties du cerveau et de la moelle épinière, permettant ainsi la transmission des signaux électriques.
Pour effectuer leurs analyses, les chercheurs ont évalué les scanners de plus de 4 200 personnes, de la petite enfance à l’âge de 90 ans. Les données ont indiqué plusieurs périodes clés de développement, dont une allant de 9 à 32 ans, qu’ils ont baptisée la période « adolescente » et caractérisée par des changements majeurs.
Ces changements se manifestent par l’équilibrage de deux principaux processus : la ségrégation et l’intégration. Au cours de la phase de ségrégation, les réseaux de fonctions apparentées se développent, tandis que des voies de connexion entre ces réseaux s’établissent au cours de la phase d’intégration. D’après les chercheurs, cette construction ne commence à se stabiliser en un modèle « adulte » qu’au début de la trentaine.
L’efficacité de ce réseau serait un facteur prédictif important de l’âge cérébral. Cette dynamique de maturation se réorienterait cependant nettement vers l’âge de 32 ans. À partir de cet âge, le cerveau développerait moins de nouvelles connexions, au profit du renforcement de celles déjà existantes, et semblerait revenir à une phase de ségrégation plus simplifiée où les voies neuronales les plus utilisées sont consolidées.
D’après ces résultats, l’adolescence et la vingtaine seraient donc consacrées au développement des connexions neuronales, tandis que la trentaine serait axée sur la stabilisation et l’entretien des réseaux neuronaux les plus sollicités. « Cette nouvelle compréhension modifie notre vision de l’âge adulte et laisse entendre que 25 ans n’a jamais été censé être un aboutissement », estime Snowden, qui n’a pas participé à la recherche — détaillée dans la revue Nature Communications.
L’experte préconise par ailleurs que le meilleur moyen d’obtenir une structure cérébrale optimale serait de stimuler la neuroplasticité tout au long de la vingtaine, par exemple en effectuant des exercices physiques réguliers, en apprenant de nouvelles langues et en minimisant le stress chronique à l’aide d’exercices de méditation, etc.


