Un débat qui passionne les biologistes du microscopique depuis 15 ans pourrait enfin avoir trouvé son « chaînon manquant ». C’est parmi les plantes qui filtrent les boues de l’usine de traitement des eaux usées de Klosterneuburg, en Autriche, que vivaient paisiblement des virus géants qui ont été découverts par une équipe de recherche internationale. Les chercheurs les ont repêchés, étudiés et décrits dans la revue Science.
Ces grands virus, découverts dans une station d’épuration autrichienne, disposent d’une machinerie génétique complexe, ce qui soulève une fois encore, la question de leur origine. C’est en 2003 que la découverte d’un virus jusque-là inconnu lançait le débat : le mimivirus se démarquait de ses congénères par sa taille anormalement grande pour un virus, ainsi que par un nombre plus élevé de gènes que ce qui est normalement nécessaire pour un virus.
À l’époque, certains chercheurs ont même émis l’hypothèse qu’il serait capable de vivre de façon autonome, (soit hors d’un être vivant). Mais si c’était le cas, alors il ne s’agirait techniquement plus d’un virus. En effet, l’une des différences fondamentales entre la bactérie et le virus, est que la bactérie est un être vivant autonome, tandis que le virus ne l’est pas. Afin qu’un virus puisse survivre, il doit s’inviter dans un autre être vivant.
Alors, est-ce que le mimivirus pourrait être une bactérie plus petite que la normale, plutôt qu’une forme de vie intermédiaire entre le virus et la bactérie ? Voici la question qui divise la communauté scientifique depuis maintenant 15 ans.
Et l’étude publiée dans Science, ne réponds pas vraiment à la question. Elle ne fait qu’alimenter le débat. Heureusement, le mimivirus est inoffensif. Il n’est associé à aucune maladie infectieuse inquiétante. En revanche, ce qui est intéressant quant au mimivirus est la perspective très large qu’il propose sur l’évolution de la vie. Si le mimivirus (tout comme les autres « virus géants » découverts depuis) sont réellement « quelque chose d’autre », cela ouvre en effet la porte à l’existence d’un « quatrième domaine du vivant ». Soit l’ajout d’une quatrième branche à l’arbre qui regroupe toutes les espèces vivant sur Terre depuis au moins 3 milliards d’années.
L’étude consiste en une analyse du génome du virus géant. Celui-ci, appelé Klosneuvirus, a été découvert par accident dans l’analyse d’échantillons d’une usine d’épuration des eaux en Autriche. Frederik Schulz du Département de l’énergie de Walnut Creek en Californie et ses collègues chercheurs, n’ont pas directement observé au microscope ces klosneuvirus : dans un premier temps, Ils ont utilisé une méthode qui consiste à séquencer tout l’ADN d’un échantillon pour identifier les empreintes génomiques de nouveaux organismes, plutôt que d’isoler directement des cellules ou des virus.
Des fragments d’ADN viral, continuaient à apparaître dans leurs résultats. Lorsque l’équipe a assemblé certains de ces fragments dans un génome, ils ont conclu qu’il appartenait à un tout nouveau type de virus géant (le Klosneuvirus). En appliquant les mêmes techniques à des échantillons provenant d’autres régions, l’équipe a reconstitué les génomes de trois virus apparentés : Catovirus, Hokovirus et Indivirus.
La comparaison des gènes a révélé une capacité du virus à produire des protéines (ce qui normalement est réservé aux bactéries). En effet, les Klosneuvirus se sont distingués car leurs génomes sont plus semblables à ceux des cellules à proprement parler, qu’à ceux de n’importe quel autre virus géant jamais découvert précédemment. Par exemple, les cellules assemblent des protéines provenant de 20 types d’acides aminés, et chacune possède une enzyme différente qui l’associe à une molécule porteuse pour être délivrée aux sites de synthèse des protéines. D’autres virus géants portent des gènes pour sept variétés d’enzymes, mais les Klosneuvirus ont des gènes pour chacun des 20 types d’acides aminés.
Les résultats de la comparaison des gènes a également démontré suffisamment de différences et de parentés avec les gènes des autres « virus géants ». Les chercheurs y voient des gènes « empruntés » un à un à d’autres êtres vivants, sur une période qui selon eux, s’étendrait sur des centaines de millions d’années. « J’ai trouvé ce travail très convaincant. Au vu des données disponibles à présent, je ne parierai pas sur l’hypothèse de la quatrième branche », explique Matthias Fischer, virologue environnemental de l’Institut Max Planck pour la recherche médicale, à Heidelberg (Allemagne).
Pour poursuivre leurs recherches, les scientifiques ont alors comparé les séquences des différents gènes d’attachement à travers une gamme de virus et d’organismes vivants. Leurs analyses ont indiqué que les virus géants avaient progressivement récupéré les gènes de l’enzyme d’attachement provenant de différents hôtes.
D’autres scientifiques, tels que le biologiste évolutionniste Eugene Koonin du Centre national d’information sur la biotechnologie à Bethesda, au Maryland (USA), ne voyaient pas la nécessité d’ajouter un quatrième domaine. « Il est plus que clair que ces virus géants appartiennent à un groupe de virus qui comprend des virus beaucoup plus petits », explique-t-il. En effet, le biologiste est certain qu’ils ont évolué lorsque certains de ces petits virus ont incorporé plus d’éléments d’ADN, provenant des hôtes, et sont par conséquent devenus plus massifs.
Cependant, certains scientifiques soutiennent que les gènes d’attachement aux enzymes constituent un fondement fragile concernant des conclusions évolutives, car ils échangent souvent des séquences, ou subissent d’autres changements qui ne permettent pas de déterminer avec précision leur origine première.