Théorisé en 1962 par le physicien britannique Tony Skyrme, le skyrmion est une quasi-particule consistant en une configuration de spins liés entre eux. Il représente un important sujet d’étude dans la compréhension et la description des phénomènes quantiques régissant l’électromagnétisme. Pour la première fois, des chercheurs ont réussi à créer et observer un skyrmion en 3D au sein d’un gaz quantique.
« Un skyrmion n’est pas une particule élémentaire comme un quark ou un muon » explique David Hall, physicien au Amherst College, Massachusetts. Il s’agit d’une excitation localisée dans l’espace au sein d’un champ de spins, résultant en une configuration en « nœud de spins ». Plus stables que les électrons, les skyrmions trouvent des applications directes en électronique et dans le développement de futurs systèmes de stockage de données ultra-rapides.
Mais ces quasi-particules constituent également des modèles d’étude idéaux concernant les phénomènes de « foudre en boule ». Ces objets sphériques électriques parfois formés lors de violents orages ne sont pas encore bien compris par les scientifiques. Une des théories actuellement proposée avance que les boules de foudre seraient, comme les skyrmions, stabilisées par des champs électromagnétiques emmêlés.
Afin de créer un skyrmion en 3 dimensions, les chercheurs ont dû mettre au point un mode opératoire particulier. « L’expérience est conceptuellement simple, mais le phénomène est la fois beau et à la fois très complexe » précise Hall. « Notre propre compréhension des skyrmions a évolué ces dernières années, et cela nous a pris un temps pratiquement aussi long pour trouver un moyen accessible pour communiquer nos résultats à la communauté scientifique ». La découverte a été publiée le 2 mars dans la revue Science Advances.
Pour ce faire, Hall et son équipe ont refroidit un gaz d’atomes de rubidium à une dizaine de milliardième de degré au-dessus du zéro absolu à l’intérieur d’une chambre à vide. « Lorsqu’ils sont ultra-refroidis, les atomes du gaz se trouvent dans leur état de plus basse énergie » explique le physicien. « Le système ne se comporte alors plus comme un gaz ordinaire, mais comme un unique atome géant ».
Par l’intermédiaire de bobines particulières, les physiciens ont ensuite appliqué un champ magnétique précisément dimensionné au gaz ultra-froid dans le but d’influencer l’orientation des spins de chaque atome. La structure en nœud caractéristique du skyrmion a émergé moins d’un millième de seconde après l’apparition du champ magnétique.
« De manière inattendue, le skyrmion était accompagné d’un champ magnétique synthétique lié qui influençait fortement le gaz quantique » explique Hall. Un tel champ magnétique emmêlé est la caractéristique centrale d’une théorie topologique des boules de foudre, décrivant un plasma de gaz chaud confiné magnétiquement par un champ emmêlé. Selon ces théories, les boules de foudre sont aussi stables que les éclairs classiques car il est extrêmement difficile de « dénouer » le champ magnétique confinant le plasma.
« C’est remarquable que nous ayons réussi à créer ce champ magnétique synthétique noué – et donc une boule de foudre – avec simplement deux courants électriques opposés » confie Mikko Möttönen, l’un des théoriciens principaux à l’université d’Aalto. « Ces résultats montrent qu’une boule de foudre peut naturellement émerger d’un coup de foudre ».
Hall explique que même si le plasma d’une boule de foudre est des millions de fois plus chaud que le gaz ultra-froid utilisé par son équipe, les caractéristiques communes que partagent ces deux phénomènes, demeurant différents, offrent de précieuses informations. « Les phénomènes physiques étudiés au sein des réacteurs à fusion actuels pourraient tout aussi bien être étudiés au travers de ce type d’expériences ».