Parmi les missions assignées aux agences spatiales se trouve la protection planétaire. Il s’agit de la mise en place de protocoles destinés à détecter les potentielles menaces concernant la Terre et, dans la mesure du possible, les éviter. Dans ce cadre, la NASA vient de présenter « HAMMER », son projet visant à dévier la trajectoire de l’astéroïde potentiellement dangereux nommé Bénou.
(101955) Bénou (Bennu dans la désignation internationale) est un astéroïde géocroiseur Apollo découvert en 1999, d’un diamètre d’environ 500 mètres et décrivant une orbite de 1.2 an autour du Soleil. Il s’agit donc d’un objet potentiellement dangereux (OPD) et plus particulièrement d’un astéroïde potentiellement dangereux (APD). Une étude publiée en 2010 et dirigée par l’astronome Andrea Milani montre que Bénou a 1 chance sur 2700 d’entrer en collision avec la Terre entre 2100 et 2199.
Afin de prévenir cette menace, un groupe d’institutions gouvernementales sous la direction de la NASA, a récemment présenté dans la revue Acta Astronautica, un nouveau protocole de déviation d’astéroïde baptisé « HAMMER », pour Hypervelocity Asteroid Mitigation Mission for Emergency Response vehicle. L’objectif de ce dispositif est soit d’agir comme un bélier pour détourner Bénou de sa trajectoire, soit d’embarquer une tête nucléaire pour souffler une partie de l’astéroïde.
Le géocroiseur possède un score de -1.72 sur l’échelle de Palerme (échelle évaluant le risque d’impact d’un astéroïde géocroiseur), indiquant un risque non négligeable et nécessitant un suivi attentif. En effet, en cas de collision, il frapperait la Terre avec une énergie cinétique de 1200 mégatonnes, soit environ 80’000 bombes d’Hiroshima. Actuellement, la date d’impact potentiel la plus probable est fixée au 25 septembre 2135.
« Les chances d’impact paraissent minces pour le moment, mais les conséquences d’une collision seraient terribles » explique Kirsten Howley, astrophysicienne au Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL), l’une des institutions participant au programme national de défense planétaire. « Cette étude a pour objectif de réduire les temps de réponse dans le cas où nous constaterions un danger réel et imminent, et ainsi de nous offrir plus d’options de déviation. Le but ultime est d’être totalement prêts pour protéger la vie sur Terre ».
Encore à l’état de concept, HAMMER aurait une masse de 8 tonnes pour une hauteur de 9 mètres. Par comparaison, Bénou possède un diamètre de 492 mètres pour une masse de 79 millions de tonnes (l’équivalent de 1664 Titanic). Le dispositif serait embarqué en direction du géocroiseur à bord d’une fusée Delta IV Heavy ; le second lanceur le plus performant du monde après le Falcon Heavy de SpaceX. Un autre paramètre important est le timing : si HAMMER percute l’astéroïde trop tôt, ce dernier risque de présenter un comportement aléatoire, et s’il le percute trop tard, la déviation risque de ne pas être assez importante.
Howley et son équipe ont déterminé que si nous attendions 25 ans avant la collision, il faudrait entre 7 et 11 HAMMER pour détourner Bénou. Et si nous attendions 10 ans avant la collision, ce nombre passerait à 53. Toutefois, augmenter le nombre de lancements augmente parallèlement le risque d’échec. « Lorsque plusieurs lancements sont nécessaires pour réussir la déviation, le succès de la mission devient moins probable à cause du taux d’échec associé à chaque lancement » explique Megan Bruck Syal, physicienne au LLNL.
Selon l’étude, un impacteur cinétique (autrement dit un bélier) ne serait pas suffisant pour s’acquitter correctement de cette mission de détournement. Les auteurs préconisent ainsi d’embarquer une ogive nucléaire dans le but d’expulser le géocroiseur dans une direction différente. L’idée serait de faire détonner la bombe à une certaine distance de l’objet. L’onde de choc et le flux de rayons X vaporiseraient une face de celui-ci, fournissant la propulsion nécessaire.
Cependant, avant de donner plus de détails sur la mission HAMMER, la NASA souhaite récolter de nombreuses autres informations. Ce recueil de données est facilité par la trajectoire de l’astéroïde passant à proximité de la Terre tous les 6 ans. En outre, l’agence spatiale américaine a lancé, en septembre 2016, la mission OSIRIS-REX. Il s’agit d’une sonde dont la rencontre avec Bénou est prévue pour cette année et dont l’objectif est de ramener, en 2023, des échantillons de roches et de poussières de l’astéroïde.
Plus de 10’000 objets géocroiseurs (NEO en anglais, pour Near-Earth Objects) ont été détectés jusqu’à maintenant et un peu plus de 2500 d’entre eux ont des dimensions similaires à Bénou. Si un objet de cette taille frappait notre planète, les pertes humaines pourraient être très élevées. Selon les scientifiques, un astéroïde doit au moins posséder un diamètre d’1 km pour provoquer une extinction de masse. Celui ayant participé à l’extinction des dinosaures possédait un diamètre de 10 km.
« Le délai d’action est le véritable ennemi d’une mission de déviation d’astéroïde. C’est pourquoi il y a une véritable urgence à mettre en place des procédures de déviation viables dès aujourd’hui » conclut Howley. Actuellement, les scientifiques affirment qu’un délai d’un mois seulement suffirait déjà à réduire quelque peu les dommages d’un impact imminent.