Au cours de son cycle, le Soleil peut être le siège d’éruptions solaires caractérisées par l’éjection de plasma et l’émission d’un important rayonnement électromagnétique (rayons gamma, rayons X, radio, etc). Certaines éjections de plasma solaire peuvent atteindre la Terre en provoquant des orages magnétiques ou encore être à l’origine d’aurores polaires en interagissant avec la haute atmosphère et le champ magnétique terrestre. Des astrophysiciens ont récemment montré comment ce dernier dissipe de tels éruptions solaires.
Lancée le 13 mars 2015 par la NASA, la mission spatiale Magnetospheric Multiscale Mission (MMS) est chargée d’étudier la magnétosphère terrestre grâce à quatre satellites placés en orbite haute. Plus précisément, MMS analyse l’accélération des particules chargées et des turbulences dans les régions où le vent solaire frappe le champ magnétique terrestre ainsi que dans la queue de la magnétosphère. Grâce aux différentes données recueillies, les astrophysiciens ont pu répondre à la question suivante : que devient l’énergie des vents solaires lorsqu’ils se heurtent à notre planète ? Les résultats ont été publiés dans la revue Nature.
Les données montrent qu’à l’échelle subatomique apparaissent des modifications de configuration des électrons magnétosphériques permettant la dissipation de l’énergie en provenance des tempêtes solaires. Ces changements ont lieu dans la magnétogaine, une zone de très forte activité magnétique située entre la magnétopause (limite entre la magnétosphère et le milieu interplanétaire) et l’arc de choc (frontière de la magnétosphère où la vitesse du vent solaire baisse brusquement).
Les astrophysiciens étudient les zones les plus calmes de la magnétosphère depuis plusieurs dizaines d’années et ont une bonne compréhension de la manière dont les lignes de champ magnétique dévient les particules chargées. Ce n’est cependant pas le cas pour les zones de « chaos magnétique », trop turbulentes pour élaborer des modèles précis sur la façon dont elles canalisent l’énergie du plasma solaire.
« Nous savons que l’énergie magnétique au sein de systèmes turbulents cascade sur des échelles de plus en plus petites jusqu’à être totalement dissipée » explique James Drake, astrophysicien à l’université du Maryland. « La grande question est comment cela se produit, et quel est le rôle joué par les reconnexions à de si petites échelles ». Une reconnexion magnétique est un changement brutal de la topologie du champ magnétique, dans lequel des lignes se brisent puis se reconnectent à d’autres endroits ; une partie de l’énergie magnétique est alors convertie en particules accélérées de haute énergie.
De tels événements pourraient intervenir dans la dissipation de l’énergie du plasma solaire provenant de l’arc de choc. Les reconnexions magnétiques dans la magnétosphère sont étudiées via les jets ioniques qu’elles produisent, impliquant des particules massives comme le proton. La magnétogaine n’est pas seulement une zone chaotique, ses lignes de champ brisées sont également constamment « arrosées » d’électrons virtuellement impossibles à détecter depuis la surface, à cause de leur très courte portée.
La mission MMS permet de cartographier la densité électronique de la magnétogaine en temps réel, et ainsi d’élaborer des modèles de leur comportement. Les données ont montré une importante activité de reconnexion magnétique, laissant une empreinte visible dans la dynamique électronique. « MMS a découvert une reconnexion magnétique électronique, un tout nouveau processus différent de la reconnexion magnétique classique, ayant lieu dans les zones plus calmes de la magnétosphère » explique Tai Phan, astrophysicien à l’université de Berkeley.
Mettre en évidence ce phénomène ne permet pas seulement de mieux comprendre la dynamique magnétique de notre planète, de mieux protéger nos technologies et la santé des astronautes, mais ces résultant peuvent également s’appliquer à d’autres domaines de l’astrophysique. « Les turbulences sont présentes partout dans l’univers : dans le Soleil, dans les vents solaires, dans le milieu interstellaire, dans les disques d’accrétion stellaires, dans les émissions des noyaux actifs de galaxies, dans les ondes de choc des supernovas et dans bien d’autres phénomènes encore » précise Michael Shay, physicien à l’université du Delaware.
La couronne solaire est des milliers de fois plus chaude que la surface visible située en-dessous, et jusqu’à maintenant, aucune explication ne fait consensus. Une des hypothèses avancées implique l’existence de nano-éruptions. En apprendre plus sur la dynamique des reconnexions magnétiques coronales pourrait apporter une réponse définitive à cette énigme. En août 2018, le début de la mission de la sonde solaire Parker devrait fournir de précieuses données concernant la couronne solaire.