Les rencontres entre trous noirs et étoiles ne sont pas des événements rares à l’échelle cosmique, et lorsqu’un tel événement se produit, les puissantes forces de marée gravitationnelle du trou noir sont à l’origine de l’émission d’un impressionnant jet de matière relativiste, tandis que l’étoile se retrouve inexorablement disloquée. Pour la première fois, des astrophysiciens ont pu observer la formation et l’évolution d’un tel jet.
Le phénomène a eu lieu au sein d’une paire de galaxies en collision, appelée Arp 299 et située à environ 150 millions d’années-lumières de la Terre, dans la constellation de la Grande Ourse. Elle est composée de deux galaxies barrées irrégulières nommées IC 694 et NGC 3690. Arp 299 est une région à sursauts de formation d’étoiles (région possédant un taux de formation stellaire rapide) et jusqu’à maintenant 8 supernovas y ont déjà été détectées. Comme dans la plupart des galaxies, IC 694 et NGC 3690 possèdent un trou noir supermassif central.
En utilisant des radiotélescopes et des télescopes à infrarouges, une équipe internationale d’astrophysiciens a pu observer une étoile deux fois plus massive que le Soleil passer à proximité d’un des trous noirs supermassifs d’une masse de 20 millions de masses solaires. À cette distance, l’étoile a subi de plein fouet l’effet de marée gravitationnelle du trou noir, et a été disloquée sous ces forces extrêmement violentes. Un tel processus est appelé « événement de rupture par effet de marée » (tidal disruption event, ou TDE, en anglais). Les résultats de l’observation ont été publiés dans la revue Science.
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Trou noir, étoile et jet relativiste : les événements de rupture par effet de marée
Un TDE apparaît lorsqu’une étoile passe sous la limite de Roche (distance sous laquelle un objet est disloqué par les forces de marée du corps gravitationnel qu’il orbite) d’un trou noir et se rapproche suffisamment de l’horizon pour subir une déformation puis un déchirement dus aux forces de marées du trou noir. Théorisés dès 1976 par les astrophysiciens Juan Frank et Martin F. Rees, 87 TDE ont été répertoriés en 2018. Cependant, ces phénomènes n’ont jamais été directement observés et jamais avec une grande précision. « Jamais auparavant nous n’avons été capables d’observer directement la formation et l’évolution d’un jet provenant d’un de ces événements » explique Miguel Perez-Torres, astrophysicien à l’Institut d’Astrophysique d’Andalousie (Espagne).
Au cours d’un TDE, l’étoile est tout d’abord déformée puis disloquée ; elle forme ensuite un disque d’accrétion autour de l’équateur du trou noir avant de tomber progressivement au delà de son horizon des événements. Au cours de la chute du matériau de l’étoile, les forces gravitationnelles et de friction produisent une augmentation considérable de la température de celui-ci, amenant la périphérie du trou noir à briller de manière spectaculaire. Une partie de la matière de l’étoile est expulsée vers les pôles du trou noir via les lignes de champ magnétique puis éjectée sous la forme d’un jet de particules relativistes.
Arp 299-B At1 : première observation de la formation et de l’évolution d’un jet relativiste provenant d’un TDE
L’observation de ce phénomène, baptisé « Arp 299-B AT1 », a commencé le 30 janvier 2005 lorsque le télescope William Herschel basé aux Îles Canaries a observé un sursaut infrarouge en provenance du centre d’Arp 299. Le 17 juillet de la même année, le Very Long Baseline Array (VLBA) — réseau américain de radiotélescopes faisant de l’interférométrie à très longue base — détecte un autre événement du même type. Cependant, les télescopes opérant dans le spectre visible, eux, n’ont pas pu repérer ces phénomènes, impliquant qu’Arp 299 soit entouré de poussières bloquant la lumière visible.
« Au fil du temps, le nouvel objet est resté lumineux dans les domaines radio et infrarouge, mais pas dans le domaine visible. L’explication la plus probable est que des concentrations de gaz interstellaire et de poussières en périphérie du centre galactique ont absorbé les rayons X et la lumière visible pour les réémettre sous forme d’infrarouges » explique Seppo Mattila, astrophysicien à l’université de Turku (Finlande).
Au cours des dix dernières années, les astrophysiciens ont continué d’observer le phénomène grâce à plusieurs télescopes, dont le VLBA et des radiotélescopes européens, afin de mieux le comprendre. Ces observations ont fini par montrer la présence d’une émission unidirectionnelle de matière, depuis les abords du trou noir, se déplaçant à environ 1/4 de la vitesse de la lumière et confirmant donc sa nature de jet relativiste.
Les scientifiques pensent que les TDE ne sont pas des événements rares mais que beaucoup pourraient être cachés par les nuages de poussières en périphérie des centres galactiques abritant des trous noirs supermassifs, comme Sgr A* au centre de la Voie lactée. Arp 299-B AT1 est ainsi une fabuleuse opportunité d’en apprendre plus sur la formation et l’évolution des jets relativistes ainsi que sur la croissance des trous noirs. « À cause de la poussière absorbant la lumière visible, ce TDE particulier pourrait n’être en réalité que la partie émergée de l’iceberg et pourrait être la signature d’un phénomène plus important. En observant ces événements dans les domaines radio et infrarouge, nous pourrions en découvrir bien plus » conclut Mattila.