Des scientifiques ont réussi à reproduire en laboratoire des souriceaux en employant une méthode peu conventionnelle : la « fécondation » des gènes entre deux souris femelles. Cette technique pourrait également à l’avenir, permettre une meilleure compréhension de certaines maladies génétiques.
Les cellules souches embryonnaires nous dévoilent à nouveau leur potentiel. Obtenues à partir de souris femelles, elles ont permis à des biologistes de l’Académie Chinoise des Sciences de donner naissance à une flopée de souriceaux, sans l’aide de mâles pour féconder les ovules.
Chez certains animaux, les femelles sont capables de se reproduire asexuellement, c’est-à-dire de donner naissance à des petits sans partenaires. Ce phénomène est appelé la parthénogenèse. Les individus générés sont alors des clones, car il n’y aucun mélange génétique avec un mâle.
L’objectif principal de cette recherche était de comprendre pourquoi les mammifères ne peuvent pas en faire autant.
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Les chercheurs ont utilisé des cellules souches embryonnaires haploïdes (qui ne contiennent qu’une copie de chaque chromosome de l’espèce, comme les ovules et les spermatozoïdes), et ont procédé à des manipulations d’édition des gènes, pour modifier la régulation de l’expression de certains gènes spécifiques.
La souris, comme de nombreux animaux, est un organisme diploïde, ce qui signifie qu’elle possède deux copies de chaque chromosome, l’une provenant du père et l’autre de la mère. Mais il est connu depuis longtemps que certains gènes sont uniquement exprimés par la copie maternelle, ou paternelle. L’autre copie devient silencieuse grâce à des mécanismes épigénétiques complexes.
Ce phénomène, nommé « empreinte génomique », est étudié depuis les années 80. À présent, de nombreux gènes ont été identifiés comme étant toujours exprimés par le chromosome du même sexe.
L’empreinte génomique explique également pour quelle raison la combinaison naturelle des chromosomes provenant de deux individus au sexe identique, produirait une descendance non viable : des gènes seraient silencieux dans les deux copies, ce qui occasionnerait inévitablement de graves maladies génétiques chez le nouveau-né.
Un projet identique à celui-ci avait déjà vu le jour en 2004, où des chercheurs japonais avaient collecté des ovules immatures (ovocytes) contenant des chromosomes ayant peu d’empreintes génomiques (en raison d’une mutation sur un gène impliqué dans leur formation), donnant à ces ovules des caractéristiques génétiques proches des spermatozoïdes. Ils avaient ensuite fécondé ces derniers avec des ovules normaux. Une souris a fini par naître, mais elle présentait de nombreux « défauts », et les techniques employées à l’époque étaient peu pratiques.
Aujourd’hui, les progrès effectués dans le domaine de l’édition génétique permettent de modifier, directement dans les cellules souches embryonnaires, les régions de l’ADN avec des empreintes.
« Nous avons découvert dans le cadre de cette étude que les cellules souches embryonnaires haploïdes ressemblaient davantage aux cellules germinales primordiales (les précurseurs des ovules et du sperme) » déclare Baoyang Hu, co-auteur de la recherche.
Les scientifiques ont supprimé trois régions spécifiques des chromosomes maternels avec des empreintes. Le génome modifié a été implanté dans des ovocytes provenant d’autres femelles pour obtenir un embryon diploïde, qui a finalement été transplanté dans l’utérus d’une souris porteuse.
Malgré les améliorations effectuées sur le protocole, comparé au projet des japonais en 2004, le procédé est loin d’être parfait. Seulement 29 souris des 210 embryons sont nées, mais cette fois-ci, elles ont pu grandir sans anomalies, et une fois arrivées à maturité, elles ont même donné naissance à des petits.
Les chercheurs ont ensuite tenté la même expérience, mais en injectant des cellules souches embryonnaires mâles (avec cette fois sept empreintes génomiques supprimées) dans des ovules où tous les chromosomes maternels avaient été retirés. Ces derniers ont finalement été fécondés avec des spermatozoïdes non modifiés, et les embryons obtenus ont été implantés dans des mères porteuses.
Le résultat fut beaucoup moins satisfaisant : seulement 12 souriceaux sont nés, et ils n’ont pas vécu plus de 48 heures.
« Si la recherche est reproductible et fonctionne également chez l’Homme, il faudra encore démontrer qu’elle est sans danger » explique Bob Williamson, président du conseil d’administration de Stem Cells Australia, mais qui n’était pas impliqué dans la recherche. « Les expériences sont toutefois importantes, car elles peuvent mettre en lumière certaines causes de handicaps graves chez les enfants ».
Bien qu’il y ait encore de nombreux inconvénients à corriger, le groupe reste très optimiste et espère réussir un jour l’expérience avec deux cellules d’origine paternelle, malgré les résultats décevants de cette partie du projet.
« Nous avons vu que les défauts chez les souris bimaternelles peuvent être éliminés et que les barrières de reproduction bipaternelles chez les mammifères peuvent également être franchies par modification de l’empreinte », déclare le co-autheur Wei Li.