La réalisation de la fusion nucléaire est l’un des objectifs ultimes actuels de la physique. Pour ce faire, les scientifiques doivent disposer de puissants réacteurs aux matériaux ultra-résistants. Une nouvelle technique combinant deux méthodes d’imagerie a été mise au point par une équipe internationale de physiciens, et permet désormais d’optimiser l’efficacité et la résistance des différentes parties constituant les réacteurs à fusion.
Des scientifiques de l’Université de Swansea, du Centre Culham pour l’énergie de fusion, d’ITER en France et de l’Institut Max-Planck de physique des plasmas en Allemagne, ont combiné l’imagerie par rayons X et l’imagerie par neutrons pour tester la robustesse des pièces d’un prototype de réacteur à fusion. Ils ont constaté que les deux méthodes produisaient des données précieuses pouvant être utilisées pour développer des composants. Les résultats des tests ont été publiés dans la revue Fusion Engineering and Design.
Le Soleil est un brillant exemple de fusion en action. Aux températures et pressions extrêmes régnant en son coeur, les atomes se déplacent suffisamment vite pour se souder et libérer de grandes quantités d’énergie. Pendant des décennies, les scientifiques ont cherché comment exploiter cette source d’énergie sûre, sans émissions de carbone et pratiquement sans limite.
Un obstacle majeur réside dans les températures stupéfiantes que doivent supporter les composants des dispositifs de fusion : jusqu’à 10 fois la chaleur du coeur du soleil.
L’une des principales approches de la fusion, le confinement magnétique, nécessite des réacteurs présentant les plus hauts gradients de température sur la planète, et potentiellement dans l’univers : des plasmas atteignant des températures maximales de 150 millions de °C et la cryopompe, d’un diamètre de seulement quelques mètres, doit supporter une température de -269 °C.
Il est essentiel que les chercheurs puissent tester — de manière non destructive — la robustesse de composants techniques devant fonctionner dans un environnement aussi extrême. L’équipe de recherche s’est concentrée sur un composant essentiel appelé monobloc, un tuyau chargé d’acheminer un fluide de refroidissement. C’était la première fois que la nouvelle conception monobloc en tungstène était imagée par tomographie informatisée. Ils ont utilisé IMAT, l’instrument d’imagerie neutronique d’ISIS (une source de neutrons et muons).
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« Chaque technique a ses avantages et ses inconvénients. L’avantage de l’imagerie neutronique par rapport à l’imagerie par rayons X est que les neutrons sont nettement plus pénétrants à travers le tungstène. Ainsi, il est possible d’imager des échantillons contenant de plus grands volumes de tungstène. La tomographie à neutrons nous permet également d’examiner le monobloc complet de manière non destructive, éliminant ainsi la nécessité de produire des échantillons spécifiques » explique Triestino Minniti, physicien et auteur principal de l’étude.
« Ce travail est une preuve de concept que ces deux méthodes de tomographie peuvent produire des données précieuses. À l’avenir, ces techniques complémentaires pourront être utilisées pour le cycle de recherche et développement de la conception de composants de fusion ou pour l’assurance qualité de la fabrication » indique Llion Evans, physicien à l’université de Swansea.
L’étape suivante consistera à convertir les images 3D produites par cette technique puissante, en simulations d’ingénierie, avec une résolution à l’échelle micrométrique. Cette technique, connue sous le nom de méthode par éléments finis à base d’images (IBFEM), permet d’évaluer les performances de chaque pièce individuellement et de prendre en compte les déviations mineures par rapport à la conception, causées par les processus de fabrication.