Des chercheurs ont élucidé le mystère de la transition de plantes, ayant des ancêtres fécondées par des insectes, vers l’usage du vent pour leur pollinisation, cette dernière méthode étant pourtant moins récente évolutivement.
L’innovation de la pollinisation par le vent date d’il y a plus de 100 millions d’années, peu avant la période de grande diversification des plantes à fleurs. Ces dernières ont par la suite élaboré des structures ainsi que des molécules permettant d’attirer des insectes qui, après s’être posés sur des plantes mâles, vont transporter et déposer leurs pollens sur des plantes femelles, un mécanisme plus précis que le transport par le vent.
Cependant, certaines espèces de plantes à fleurs ont évolué pour à nouveau utiliser le vent comme méthode de pollinisation. Un mystère que les scientifiques n’ont jamais réussi à éclaircir. Pourquoi renoncer à une méthode plus efficace et revenir en arrière ?
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Des chercheurs de l’université de Toronto se sont penchés sur cette question, et ont publié ce mois-ci leurs découvertes. Ils ont étudié la structure des étamines, l’appareil reproducteur mâle chez les plantes à fleur contenant le pollen.
David Timerman, doctorant de l’Université canadienne et principal auteur du papier, explique : « Nous avons constaté que les plantes dans lesquelles les étamines vibrent plus fortement dans le vent, dispersent plus facilement le pollen par le vent, et que cette caractéristique des étamines est favorisée dans des conditions où les plantes reçoivent peu de visites de pollinisateurs ».
La compréhension de l’importance des vibrations des étamines leur a permis d’expliquer les origines de la pollinisation par le vent, pratiquée par environ 10% des plantes à fleurs.
Il existe un nombre impressionant de variations de structures et de formes d’appareils reproducteurs chez les fleurs, ces critères étant influencés par leur mode de reproduction. Cependant, les espèces pollinisées par le vent partagent de nombreux traits typiques, comme les étamines qui sont plus longues que chez les espèces dépendantes des animaux, favorisant ainsi leur vibration par le vent. Mais cela n’explique pas entièrement le retour de cette méthode de dispersion du pollen pour certaines espèces.
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« Nous avons adopté une approche novatrice de ce problème en appliquant la biomécanique pour comprendre les processus clés impliqués dans les premières étapes de cette transition, et les travaux ont fourni plusieurs informations novatrices », déclare Timerman.
En effet, afin de comprendre les mécanismes de l’évolution vers une structure adaptée au vent, Timerman et Spence Barrett, biologiste de l’évolution également de l’Université de Toronto, ont travaillé sur Thalictrum pubescens, une espèce employant les deux méthodes de reproduction (vent et insectes), et qui possède une structure reproductrice mixte, semblant représenter cette transition vers une pollinisation par le vent.
Pour mesurer la fréquence naturelle des vibrations, ils ont effectué une agitation électrodynamique contrôlée des étamines, et ont utilisé une sorte de tunnel à vent pour déterminer l’influence de ces fréquences naturelles sur le relâchement du pollen.
Une expérimentation sur le terrain a également été réalisée pour déterminer si, lors de la présence ou l’absence d’insectes pollinisateurs, la sélection naturelle agit différemment sur les propriétés des étamines. Ils ont mesuré les variations de fréquences naturelles durant les saisons consécutives de croissance de la plante, et ont ensuite analysé l’effet de ce facteur sur la libération du pollen dans le tunnel à vent, ainsi que le succès de reproduction par les plantes mâles avec ou sans pollinisateurs.
« La reproduction réussie était maximale pour les plantes dont les étamines vibraient à une fréquence plus basse, lorsque les pollinisateurs étaient absents, mais cet avantage diminuait lorsque les pollinisateurs étaient présents », explique Timerman.
Lorsque les insectes pollinisateurs n’effectuent pas leur tâche convenablement (population insuffisante par exemple) la sélection naturelle avantage les espèces possédant des étamines vibrant très facilement, relâchant ainsi plus efficacement leur pollen dans l’air.
Timerman explique que le vent semble donc être un acteur plus fiable pour la reproduction que les animaux, dont la population fluctue constamment dans le temps et l’espace. De plus, il a été démontré que les nombreux changements environnementaux perturbent la fécondation par les insectes, causant ce qu’on appelle « la crise de la pollinisation ».
Il est donc possible que les plantes se préparent à faire face à une réduction de l’aide des insectes pollinisateurs à cause de l’effondrement mondial de la population de ces derniers.
« Ces situations pourraient potentiellement favoriser l’évolution de la pollinisation par le vent, grâce au mécanisme que nous avons découvert ».