Une équipe de biologistes a réussi à développer une plante pouvant capturer et modifier certains composés volatils toxiques, et les utiliser pour son propre métabolisme.
Pour atténuer la présence de polluants, de nombreuses personnes installent chez elles des filtres à air capables de capturer toutes sortes de particules, comme des poussières ou des allergènes.
Mais face à des petites molécules comme le benzène, qui est relâché dans la maison lorsqu’on bouillit de l’eau, pendant une douche chaude ou encore lorsqu’on gare sa voiture au garage, ainsi que le chloroforme (présent dans l’eau chlorée), les filtres sont inefficaces, alors que ces deux composés sont considérés comme cancérigènes.
Des scientifiques de l’Université de Washington ont publié cette semaine leur dernière recherche qui avait pour objectif la modification génétique d’une plante, la lierre du diable (Epipremnum aureum), pour l’utiliser comme dépolluant d’intérieur naturel.
Le choix de cette plante provient du fait qu’elle est très résistante, et qu’elle pousse bien même lors de faible présence lumineuse. De plus, elle ne fleurit pas dans les zones à climat tempéré comme en Amérique et en Europe, ce qui évite sa propagation et le risque de transmission des gènes modifiés.
En effet, les chercheurs lui ont intégré un gène codant une protéine nommée « cytochrome P450 2E1 » (ou plus simplement « 2E1 »), capable de transformer le chloroforme et le benzène en composés pouvant être utilisés par la plante, pour sa croissance.
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Les cytochromes P450 sont un groupe de protéines qui peuvent jouer un rôle dans le métabolisme, mais ils sont surtout connus pour capturer certaines molécules nocives pour les détoxifier. Ils sont présents chez la quasi-totalité des êtres vivants.
Le cytochrome P450 2E1 est présent uniquement chez les mammifères et peut transformer le chloroforme en CO2 et en chlorure, ainsi que le benzène en phénol. Ces composés sont par la suite métabolisés. Cependant, 2E1 est exprimé dans le foie et agit donc en grande partie contre des molécules ingérées, comme l’alcool ou certains médicaments. Il ne joue pas de rôle contre les polluants de l’air.
« Nous avons décidé de faire en sorte que cette réaction se produise hors du corps dans une plante », explique Stuart Strand, un des auteurs de la recherche. « Et le 2E1 peut aussi être bénéfique pour la plante, qui utilise du CO2 et des ions de chlorure pour fabriquer ses aliments, et du phénol pour fabriquer les composants de ses parois cellulaires ».
Les scientifiques se sont basés sur la séquence du gène 2E1 chez le lapin pour le synthétiser, et l’ont intégré dans le génome de la plante, afin que chaque cellule soit capable de l’exprimer. Ils les ont ensuite introduits dans des tubes de verre, où ils injectaient du gaz de benzène et de chloroforme pour analyser leur capacité à diminuer le taux des 2 polluants, comparé aux lierres du diable non génétiquement modifiées.
Ils ont ensuite mesuré cela durant 11 jours, et ont constaté chez les plantes modifiées que la concentration de chloroforme avait diminué de 82% en 3 jours, et celle du benzène de 75% en 8 jours. Aucune diminution de concentration des deux polluants n’a été enregistrée chez les plantes non modifiées.
Cependant, il faut préciser que les concentrations injectées par les chercheurs étaient nettement supérieures à celles dans les maisons, un choix nécessaire pour pouvoir mesurer les changements. Mais ils présument des diminutions identiques dans les habitations, voire plus rapides.
Strand précise également que si leur plante modifiée est placée dans une maison, elle devrait être installée dans une enceinte permettant le passage de l’air au-dessus des feuilles.
« Si vous avez une plante qui pousse dans le coin d’une pièce, cela aura un effet dans cette pièce. Mais sans flux d’air, il faudra beaucoup de temps pour qu’une molécule à l’autre bout de la maison atteigne la plante ».
Strand est satisfait des nombreux avantages de leur découverte, qui permet d’éviter l’emploi de méthodes moins naturelles et moins économiques énergétiquement pour se débarrasser de ces polluants difficiles à décomposer.
Son groupe cherche à présent à permettre à la lierre du diable d’absorber également un autre composé volatil toxique, le formaldéhyde, présent dans la colle, des revêtements de sol, ou encore dans la fumée du tabac.