La dynamique des électrons au sein d’un matériau est ce qui définit majoritairement les propriétés physiques de celui-ci. Pouvoir étudier le comportement des électrons et les interactions énergétiques de ceux-ci avec leur environnement est donc primordial pour comprendre les processus physiques mis en jeu. Grâce à l’une des caméras les plus rapides du monde, des physiciens allemands ont réussi à observer ces phénomènes en temps réel dans le graphite.
Lors de la conversion de la lumière en électricité, comme dans les cellules solaires, une grande partie de l’énergie lumineuse absorbée est perdue. Cela est dû au comportement des électrons à l’intérieur des matériaux. Si la lumière frappe un matériau, elle stimule énergiquement les électrons pendant une fraction de seconde, avant qu’ils restituent leur énergie à l’environnement. En raison de leur durée extrêmement courte, de quelques femtosecondes (1 femtoseconde = 10−15 seconde), ces processus n’ont été que très peu explorés à ce jour.
Une équipe de l’Institut de physique expérimentale et appliquée de l’Université de Kiel (Allemagne), dirigée par les professeurs Michael Bauer et Kai Roßnagel, a réussi à étudier l’échange d’énergie des électrons avec leur environnement en temps réel, permettant ainsi d’en distinguer les phases individuelles.
Étudier la dynamique des électrons grâce à la lumière
Dans leur expérience, ils ont irradié du graphite avec une impulsion lumineuse intense et ultracourte, et ont filmé l’impact sur le comportement des électrons. Une compréhension globale des processus fondamentaux impliqués pourrait s’avérer importante à l’avenir pour les applications des composants optoélectroniques ultra-rapides. L’équipe de recherche a publié ses résultats dans la revue Physical Review Letters.
Les propriétés d’un matériau dépendent du comportement de ses électrons et de ses atomes. Un modèle de base pour décrire le comportement des électrons est le concept du gaz de Fermi, nommé d’après Enrico Fermi. Dans ce modèle, les électrons du matériau sont considérés comme un système gazeux. De cette façon, il est possible de décrire leurs interactions les uns avec les autres.
Afin de suivre le comportement des électrons sur la base de cette description en temps réel, l’équipe de recherche de Kiel a développé une expérience d’investigation avec une résolution temporelle extrême : si un échantillon de matériau est irradié avec une impulsion de lumière ultra-rapide, les électrons sont stimulés une courte période.
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Une seconde impulsion lumineuse retardée libère certains de ces électrons du solide. Une analyse détaillée permet ensuite de tirer des conclusions sur les propriétés électroniques du matériau après la première stimulation par la lumière. Une caméra spéciale filme la distribution de l’énergie lumineuse introduite à travers le système électronique.
L’une des caméras les plus rapides au monde
La particularité du système de Kiel est sa résolution temporelle extrêmement élevée de 13 femtosecondes. Cela en fait l’une des caméras à électrons les plus rapides au monde. « Grâce à la durée extrêmement courte des impulsions lumineuses utilisées, nous sommes en mesure de filmer en direct des processus ultra-rapides. Nos observations ont montré qu’il se produisait une quantité surprenante de choses ici » explique Michael Bauer, professeur de dynamique ultra-rapide.
Dans leur expérience actuelle, l’équipe de recherche a irradié un échantillon de graphite avec une impulsion lumineuse intense et brève d’une durée de sept femtosecondes seulement. Le graphite est caractérisé par une structure électronique simple. Ainsi, les processus fondamentaux peuvent être observés particulièrement clairement.
Dans l’expérience, les photons ont perturbé l’équilibre thermique des électrons. Cet équilibre décrit une condition dans laquelle règne une température pouvant être définie avec précision parmi les électrons. L’équipe de recherche de Kiel a ensuite filmé le comportement des électrons jusqu’à ce qu’une balance soit rétablie après environ 50 femtosecondes.
De multiples interactions en un temps extrêmement court
Ce faisant, les scientifiques ont observé de nombreux processus d’interaction d’électrons excités avec les photons, ainsi que d’atomes et d’autres électrons dans le matériau. Sur la base des séquences filmées, ils ont même pu distinguer différentes phases au sein de cette période ultracourte.
Tout d’abord, les électrons irradiés ont absorbé l’énergie lumineuse des photons dans le graphite et l’ont ainsi transformée en énergie électrique. Ensuite, l’énergie a été distribuée à d’autres électrons avant qu’ils ne soient transmis aux atomes environnants. Dans ce dernier processus, l’énergie électrique est finalement convertie de manière permanente en chaleur ; le graphite se réchauffe.
Les expériences de l’équipe de recherche de Kiel confirment également pour la première fois les prévisions théoriques. Elles offrent une nouvelle perspective sur un sujet de recherche encore très peu étudié. Cette approche pourrait également être appliquée à l’avenir pour étudier et optimiser les mouvements ultra-rapides d’électrons légèrement agités dans des matériaux aux propriétés optiques prometteuses.