La NASA est connue pour être une institution ambitieuse, initiant de nombreux projets dans le cadre de l’exploration spatiale. Toutefois, cette ambition ne se solde pas toujours par des réussites, certains projets étant finalement abandonnés ou retardés de plusieurs années, augmentant les coûts initiaux et engendrant des retards de mission. Pour repartir sur des objectifs plus réalistes, quatre concepts de télescopes ont été proposés, et seul l’un d’eux obtiendra le feu vert de la commission pour un lancement prévu en 2030.
En juin, un comité de révision a constaté que le télescope spatial James Webb (JWST), déjà trop en retard et considérablement au-delà du budget initialement prévu, devrait encore patienter une année avant son lancement. La prochaine grande mission d’astrophysique, le Wide Field Infrared Survey Telescope (WFIRST), également en difficulté, visait à déterminer la nature de l’énergie sombre en explorant de larges pans du ciel.
Un autre comité d’examen a constaté que, même en dehors des travaux d’élaboration, WFIRST allait dépasser son budget initial de 3.2 milliards de dollars, de 400 millions de dollars, ce qui n’est pas un avantage pour une mission que l’administration du président Donald Trump envisageait déjà d’annuler.
L’enquête décennale en astrophysique, qui définit les priorités des futures missions de la NASA a débuté le mois dernier. Des dizaines d’astronomes, répartis en comités, identifieront des objectifs scientifiques et dresseront une liste de concepts de télescopes, sur Terre et dans l’espace, qui pourraient les aider à les atteindre.
L’une des tâches les plus difficiles sera de décider lequel des quatre successeurs proposés au JWST et au WFIRST, le cas échéant, occupera la place principale. Ce successeur serait lancé dans les années 2030 vers le point L2, un endroit gravitationnellement équilibré situé au-delà de l’orbite terrestre, de l’autre côté de la Terre par rapport au Soleil.
Quatre concepts de télescopes pour 2030
Quatre candidats ont ainsi été proposés. Le Large UV Optical Infrared Surveyor (LUVOIR), un géant de 15 mètres de large doté d’un pouvoir de collection de la lumière 40 fois plus élevé que le télescope spatial Hubble, étudierait les premières galaxies de l’Univers et tenterait de répondre à la question suivante : la vie existe-t-elle ailleurs dans l’Univers ?
L’Habitable Exoplanet Observatory (HabEx) s’intéresserait également à cette question, mais avec un miroir plus petit. HabEx volerait en tandem avec un vaisseau spatial séparé, portant un occulteur de la taille d’un terrain de football. En bloquant l’éclat d’une étoile, l’occulteur révélerait des exoplanètes ressemblant à la Terre, permettant ainsi à HabEx de scruter leur faible lumière, à la recherche de signatures de la vie.
Le Lynx Xray Observatory observerait les rayons X des premiers trous noirs de l’Univers pour apprendre comment ils aident les galaxies à se former et à évoluer.
Et le télescope spatial Origins, avec un dispositif de refroidissement lui permettant de maintenir une température seulement 4 °C au-dessus du zéro absolu, étudierait un type de rayonnement infrarouge peu exploré émanant des gaz froids et des poussières froides qui alimentent la formation d’étoiles et de planètes.
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Suite aux aléas du James Webb et du WFIRST, la NASA souhaite que ces quatre concepts reposent sur des bases plus solides. Non seulement l’agence a commencé à y réfléchir au début de l’année 2015, mais elle a depuis financé des équipes pour élaborer des concepts approximatifs pour chacun.
En juin 2019, les équipes remettront à la NASA un rapport comprenant deux concepts : l’un coûteux et de grande envergure, l’autre contraint et relativement abordable, avec moins de 5 milliards de dollars dans la plupart des cas.
« Cette préparation permettra une meilleure évaluation des possibilités lors des auditions » déclare Fiona Harrison, astrophysicienne des hautes énergies à l’Institut de technologie de Californie à Pasadena, qui a été nommée coprésidente du sondage le mois dernier, avec Robert Kennicutt. Le produit de l’enquête décennale — une liste priorisée de missions fournies en 2020 — est censé être consensuel, en partie pour que les agences et les scientifiques puissent faire pression sur le Congrès pour obtenir un financement d’une voix unifiée.
Quatre candidats pour une seule place
Mais la concurrence entre les quatre projets sera féroce. Les partisans de LUVOIR vantent son large attrait comme observatoire polyvalent dans le moule de Hubble. Les instruments de LUVOIR couvrent les parties du spectre où l’Univers est le plus brillant, et l’énorme taille de son miroir lui permet de scruter les objets les plus éloignés, les objets les plus faiblement lumineux, avec la vision la plus nette.
« Il transcende l’astrophysique » déclare Jason Kalirai de l’Institut des sciences du télescope spatial (STScI) à Baltimore. Les critiques soutiennent que l’immense miroir de LUVOIR entraînera des coûts énormes et des retards inévitables, comme le miroir de 6.5 mètres du JWST l’a déjà fait.
Les partisans de HabEx, moins coûteux, espèrent qu’il suscitera un enthousiasme grandissant pour les exoplanètes et un souci de simplicité et d’économie. Mais voler en formation avec un occulteur distant est une technique non testée. Et bien que HabEx puisse étudier en détail quelques planètes à proximité, son miroir plus petit (4 mètres contre 15 mètres pour LUVOIR) signifie que des mondes plus lointains seront hors de portée.
Origins regarderait dans le temps pour voir comment la poussière et les molécules ont fusionné pour créer les premières galaxies et trous noirs. Il s’agit aussi de déterminer comment les disques entourant les jeunes étoiles conduisent à la formation des exoplanètes. Mais le JWST et l’ALMA peuvent capturer certaines des mêmes longueurs d’onde, restreignant ainsi l’espace de découverte d’Origins.
Lynx prendrait le relais de l’observatoire vieillissant Chandra X de la NASA, zoomant sur le gaz chaud tourbillonnant autour d’un trou noir ou propulsé du centre d’une galaxie. Quelle que soit la mission qui gagne les faveurs de la commission, les investisseurs se demanderont : Comment savons-nous que ce ne sera pas un autre JWST ?
Le directeur de l’étude, Dwayne Day, qui organise l’enquête décennale, indique que l’enquête adopte une méthode sophistiquée d’estimation des coûts, dans l’espoir d’éviter les mauvaises surprises. Selon Day, les équipes de projet estiment généralement les coûts en tenant compte de la main-d’œuvre, des matériaux et des tests. En outre, chaque proposition de la NASA est passée au crible de CATE (Cost And Technical Evaluation), un puissant modèle d’évaluation des coûts et performance des projets soumis.