Plus les scientifiques veulent étudier les premiers instants de l’Univers, plus les contraintes technologiques et énergétiques sont élevées. Mais il est possible de sonder l’Univers primitif ailleurs que dans les accélérateurs de particules, et en se passant de télescopes. Des scientifiques ont en effet mis en évidence de nouvelles structures quantiques au sein de l’hélium-3 superfluide, mimant certaines structures réputées être apparues à l’issue du Big Bang.
Pour la première fois, des chercheurs ont mis en évidence le phénomène de « murs liés par des cordes » dans l’hélium-3 superfluide. L’existence d’un tel objet, prévu à l’origine par les cosmologistes, peut aider à expliquer comment l’Univers s’est refroidi après le Big Bang. Grâce à la nouvelle possibilité de recréer ces structures en laboratoire, les scientifiques disposent enfin d’un moyen d’étudier de plus près certains des scénarios possibles qui auraient pu se produire dans l’univers primitif.
Les résultats, publiés dans la revue Nature Communications, montrent que deux transitions de phase briseuses de symétrie sont intervenues au laboratoire à basse température de l’Université Aalto (Finlande). Non seulement l’hélium reste fluide aux températures cryogéniques, mais il devient un superfluide à une température suffisamment basse. Un matériau superfluide a essentiellement une viscosité nulle, ce qui signifie qu’il s’écoule indéfiniment, sans perte d’énergie.
Lorsqu’ils sont confinés dans des volumes au sein de structures nanométriques, les chercheurs peuvent utiliser les phases superfluides de l’isotope hélium-3 pour étudier des effets tels que les tourbillons demi-quantiques — des tourbillons dans le superfluide où la quantité d’hélium s’écoulant est strictement contrôlée par les règles de la physique quantique.
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« Nous pensions initialement que les vortex demi-quantiques disparaîtraient lorsque nous abaisserions la température. Il s’avère qu’ils sont restés stables même lorsque l’hélium-3 a été refroidit à une température inférieure à -273.149 °C — un mur non-topologique est alors apparu » explique Jere Mäkinen, physicien à l’université Aalto.
Bien que ce ne soient pas des murs physiques, qui bloqueraient l’écoulement de l’hélium-3, les murs non-topologiques modifient les propriétés magnétiques de l’hélium. Les chercheurs ont pu détecter les changements en utilisant la résonance magnétique nucléaire.
Certains cosmologistes pensent qu’au cours des premières microsecondes suivant le Big Bang, tout l’univers aurait connu des transitions de phase, ressemblant à un superfluide dans un volume nanostructuré lorsqu’il est refroidi.
Selon les modèles théoriques, les fluctuations quantiques ou les défauts topologiques, tels que les murs de domaine et les tourbillons quantiques dans l’univers ultra-condensé, ont été gelés au cours de l’expansion de l’univers. Avec le temps, ces fluctuations gelées sont devenues les galaxies que nous voyons aujourd’hui.
De plus, la structure de ces défauts semblables aux ouragans, créés par Mäkinen en laboratoire, constitue également un modèle potentiel pour l’étude de l’informatique quantique topologique. « Alors que l’hélium-3 liquide serait trop difficile et coûteux à maintenir en tant que matériau pour un ordinateur en état de marche, il nous fournit un modèle de travail permettant d’étudier des phénomènes pouvant être utilisés dans des matériaux plus accessibles à l’avenir » conclut-il.