Bien qu’il soit le plus connu des fermions élémentaires, l’électron n’a toutefois pas fini de révéler tous ses secrets aux scientifiques. Après avoir étudié ses propriétés physiques, longtemps les physiciens ont tenté d’identifier sa forme. Et récemment, grâce à une méthode impliquant des atomes artificiels, des chercheurs ont enfin réussi à déterminer la forme de l’électron. Un résultat essentiel qui pourrait ouvrir la voie au développement de futurs ordinateurs quantiques.
Des physiciens de l’Université de Bâle ont montré pour la première fois à quoi ressemble un électron dans un atome artificiel. Une méthode récemment développée leur permet de déterminer la probabilité qu’un électron soit présent dans un espace. Cela permet un meilleur contrôle des spins d’électrons, qui pourraient constituer la plus petite unité d’informations dans un futur ordinateur quantique. Les résultats des expériences ont été publiés dans la revue Physical Review Letters et la théorie correspondante dans la revue Physical Review B.
Le spin d’un électron est un bon candidat pour servir de bit quantique (qubit) au sein d’un ordinateur quantique. Contrôler et commuter ce spin ou le coupler avec d’autres est un défi sur lequel travaillent de nombreux groupes de recherche du monde entier. La stabilité d’un spin unique et l’intrication de différents spins dépendent, entre autres, de la géométrie des électrons, impossible auparavant à déterminer expérimentalement.
Des électrons évoluant au sein d’atomes artificiels
Les chercheurs des équipes dirigées par les professeurs Dominik Zumbühl et Daniel Loss du département de physique et du Swiss Nanoscience Institute de l’Université de Bâle ont mis au point une méthode leur permettant de déterminer spatialement la géométrie des électrons au sein de points quantiques.
Un point quantique est un piège de potentiel qui permet de confiner des électrons libres dans une zone environ 1000 fois plus grande qu’un atome naturel. Comme les électrons piégés se comportent de la même façon que les électrons liés à un atome, les points quantiques sont également appelés « atomes artificiels ». L’électron est maintenu dans le point quantique par des champs électriques. Cependant, il se déplace dans l’espace et, avec des probabilités différentes correspondant à une fonction d’onde, évolue dans des zones spécifiques dans son espace de confinement.
Les scientifiques utilisent des mesures spectroscopiques pour déterminer les niveaux d’énergie dans le point quantique et étudient le comportement de ces niveaux dans des champs magnétiques de force et d’orientation variables. Sur la base de leur modèle théorique, il est possible de déterminer la densité de probabilité de l’électron et donc sa fonction d’onde avec une précision à l’échelle nanométrique. « En termes simples, nous pouvons utiliser cette méthode pour montrer à quoi ressemble un électron pour la première fois » explique Loss.
Une meilleure compréhension des propriétés spatiales de l’électron
Les chercheurs, qui travaillent en étroite collaboration avec des collègues au Japon, en Slovaquie et aux États-Unis, ont ainsi une meilleure compréhension de la corrélation entre la géométrie des électrons et le spin de l’électron, qui devrait être stable le plus longtemps possible et rapidement commutable pour une utilisation en tant que qubit.
Sur le même sujet : La forme de l’électron à l’origine du déséquilibre matière-antimatière ?
« Nous pouvons non seulement cartographier la forme et l’orientation de l’électron, mais également contrôler la fonction d’onde en fonction de la configuration des champs électriques appliqués. Cela nous donne l’occasion d’optimiser le contrôle des spins de manière très ciblée » déclare Zumbühl.
L’orientation spatiale des électrons joue également un rôle dans l’intrication de plusieurs spins. De manière similaire à la liaison de deux atomes à une molécule, les fonctions d’onde de deux électrons doivent être placées sur un seul plan pour que l’intrication soit réussie. À l’aide de la méthode développée, de nombreuses études antérieures peuvent être mieux comprises et les performances des spin qubits pourront être encore optimisées à l’avenir.