Un groupe d’astronomes italiens ont fait deux découvertes intéressantes et probablement révolutionnaires. Premièrement, ils ont trouvé les « ancêtres » de tous les trous noirs. Deuxièmement, ils ont découvert que les trous noirs supermassifs naissent déjà « grands ».
Il existe une génération plus ancienne des trous noirs, celle qui appartient à la plupart des anciens objets célestes dans le ciel, qui est venue à la vie juste après le Big Bang. Oui, mais comment alors ? Jusqu’à présent, les scientifiques n’avaient pas été en mesure de répondre à cette question. Du moins, jusqu’à aujourd’hui.
Il y a peu, une équipe d’astronomes italiens a fourni la première preuve d’existence de ce que l’on pourrait appeler « graines de trous noirs ». Celles-ci concernent les trous noirs les plus âgés de l’univers. Les chercheurs de l’École Normale de Pise, de l’Institut national d’astrophysique (INAF) et du Science Data Center de l’Agence spatiale italienne (ASDC-ASI), ont en effet identifié deux trous noirs supermassifs qui possèdent toutes les caractéristiques nécessaires afin d’être identifiés comme étant les ancêtres de tous les autres trous noirs formés ensuite au sein de l’espace. Ils seraient en d’autres termes, les premiers monstres cosmiques nés dans l’Univers primordial. Selon les astronomes, ceux-ci se distinguent principalement par leur couleur.
Des trous noirs très, très anciens
L’équipe de recherche italienne a mis au point un nouveau modèle informatique en se basant sur les données de trois observatoires spatiaux : Chandra, Hubble et Spitzer. Ces véritables observatoires spatiaux leur ont permis de trouver et d’analyser les deux trous noirs, qui d’ailleurs existaient déjà un milliard d’années seulement après le Big Bang ! C’est très peu, à l’échelle astronomique. D’ailleurs, selon les théories communément admises sur la formation de trous noirs, techniquement, ils n’auraient pas eu le temps de naître. Et bien, aussi surprenant que cela puisse paraitre, selon les nouvelles données et les récentes études, ils étaient bel et bien déjà là, dans l’Univers, avec une masse d’environ 100’000 fois celle de notre Soleil.
Des géants dès la naissance…
Voici maintenant le second fait surprenant : non seulement ces trous noirs ont été formés dans un court laps de temps, mais ils sont également nés géants. Ceci exclut donc le fait qu’ils soient issus de l’effondrement d’une étoile. En fait toute étoile, peu importe sa masse, n’aurait eu assez de matière pour créer des trous noirs aussi titanesques que ceux observés par l’équipe de recherche.
Mais alors, de où est-ce qu’émergent ces ancêtres des trous noirs ? La réponse vient justement du nouveau modèle développé à partir des données de Chandra, Hubble et Spitzer.
Une naissance d’origine gazeuse
« Si elle est confirmée, notre découverte pourrait expliquer comment ces trous noirs supermassifs sont nés », explique Fabio Pacucci, de l’École Normale de Pise, auteur principal de l’étude qui apparaîtra d’ailleurs dans le Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. La réponse est relativement simple, mais il pourrait révolutionner notre compréhension de l’évolution des trous noirs : les deux ancêtres supermassifs se seraient formés par « effondrement direct » du gaz primordial présent dans le cosmos.
Explication plus
détaillée :
Un immense nuage de matière intergalactique, qui n’est autre celle
dégagée par l’explosion du Big Bang, commence à retomber sur
elle-même de manière continue. Ce phénomène d’effondrement à très
grande échelle finit par donner naissance à un trou noir faisant des centaines de
milliers de masses solaires. Tel est le scénario suggéré par
Pacucci et ses collègues, qui expliquerait donc pourquoi ces trous
noirs anciens sont nés aussi massifs. Cette solution, qui met en
accord les données expérimentales et un nouveau modèle théorique
développé par les scientifiques, reviendrait à fournir une
solution élégante au problème du temps de croissance des bébés
trous noirs monstrueux : en naissant aussi massifs, un milliard
d’années seraient donc plus que suffisantes pour atteindre
des tailles telles qu’observées aujourd’hui.
Nous avons été chanceux !
En allant un peu au-delà de l’imagination, nous pouvons dire que nous avons couru un grand risque : si ce processus qui a donné naissance aux premiers trous noirs avait duré un peu plus longtemps, il n’y aurait peut-être pas eu d’étoiles ou de planètes. L’univers serait devenu un immense trou noir, qui aurait incorporé toute la matière primordiale produite pour ensuite s’effondrer sur lui-même… Et ce sans jamais donner naissance à la vie.
« Certes, dans ce domaine, nous en sommes seulement aux débuts. Dans les années à venir, nous aurons à disposition un équipement qui nous permettra de chercher ces trous noirs à effondrement direct (Collapse Direct Black Hole, DCBH) de manière plus efficace », déclare Fabrizio Fiore, de l’INAF Rome, un des co-auteurs de l’étude.
« Sans aucun doute, nous ferons une percée grâce aux futures observations de JWST (le télescope spatiale James Webb) avant la fin de cette décennie. En effet, JWST va chercher des ‘candidats’ DCBH dans l’infrarouge proche avec une sensibilité entre dix et cent fois supérieure de ce qui se fait à l’heure actuelle. Plus tard, avec le lancement d’Athéna en 2028, nous aurons également l’occasion d’observer le rayonnement X émis par ces objets rares et insaisissables, et donc de «confirmer» leur nature de trous noirs en croissance, ceci notamment grâce à la capacité à effectuer des relevés en profondeur du ciel X avec une efficacité à nouveau 10 à 100 fois supérieure que celle atteignable aujourd’hui avec Chandra et XMM ».