La structure et la dynamique de l’Univers sont des phénomènes éminemment complexes à reproduire, tant et si bien que les simulations actuelles les plus puissantes nécessitent plusieurs minutes pour calculer un rendu qui sacrifie obligatoirement une grande part de précision. Mais récemment, grâce à l’intelligence artificielle, des astrophysiciens américains ont développé un nouveau modèle capable de simuler l’Univers et son évolution en quelques millisecondes seulement, tout en conservant une précision spectaculaire.
Pour la première fois, des chercheurs américains ont utilisé l’intelligence artificielle pour créer une simulation complexe en trois dimensions de l’Univers. Appelée Deep Density Displacement Model, ou D3M, elle est tellement rapide et précise que les astrophysiciens qui l’ont conçue ne comprennent pas précisément la totalité du mécanisme qui la sous-tend. L’étude a été publiée dans la revue PNAS.
Le modèle simule avec précision la façon dont la gravité façonne l’Univers sur des milliards d’années. Chaque simulation ne prend que 30 millisecondes — comparée aux minutes qui sont en général nécessaires aux autres simulations. En outre, D3M a tiré les leçons des 8000 simulations d’entraînement que l’équipe lui a fournies — en les extrapolant et en les surpassant, capable d’ajuster des paramètres sur lesquels elle n’avait même pas été formée.
« C’est comme entraîner un logiciel de reconnaissance d’images avec beaucoup d’images de chats et de chiens, et qu’ensuite il devient capable de reconnaître des éléphants » déclare l’astrophysicienne Shirley Ho de l’institut Flatiron et de l’université Carnegie Mellon. « Personne ne sait comment cela se passe, et c’est un mystère qu’il nous faudra résoudre ».
Simuler l’Univers : un compromis entre vitesse et précision
Les simulations sont cruciales pour compléter les observations que nous faisons de l’Univers. En effectuant des simulations qui produisent des résultats qui correspondent à nos observations, ainsi que des simulations qui ne le font pas, les cosmologistes peuvent déterminer les scénarios les plus susceptibles d’avoir produit l’Univers dans lequel nous vivons.
Mais la complexité de l’histoire de notre Univers rend de telles simulations plutôt fastidieuses, ce qui signifie qu’elles prennent du temps. Une seule étude pourrait nécessiter des milliers de simulations pour obtenir des données statistiques utiles. C’est là qu’intervient D3M, développé par une équipe internationale d’astrophysiciens. Il calcule comment, sur 13.8 milliards d’années (l’âge de l’Univers), la gravité déplace des milliards de particules dans l’espace.
Avec un logiciel non géré par l’IA, cela pourrait prendre jusqu’à 300 heures de calcul pour une seule simulation extrêmement précise ; cela est également possible en quelques minutes à peine, mais la précision en souffrirait grandement. Pour résoudre ce problème, l’équipe de recherche a décidé de développer un réseau de neurones pour exécuter les simulations et a entraîné D3M en lui fournissant 8000 simulations différentes, à partir d’un modèle extrêmement précis.
D3M : un simulation rapide, précise et capable de s’adapter
Une fois que l’entraînement de D3M était terminé et que l’IA fonctionnait correctement, le modèle était prêt pour les essais. Les chercheurs lui ont demandé de simuler un cube d’Univers d’environ 600 millions d’années-lumière de côté.
Pour évaluer ses résultats, l’équipe a également exécuté la même simulation avec une méthode extrêmement lente de plusieurs centaines d’heures et une méthode ne prenant que quelques minutes. Comme prévu, la méthode lente a produit le résultat le plus précis, tandis que la méthode rapide a généré une erreur relative de 9.3%.
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D3M a surpassé toutes les méthodes rapides précédentes. Sa simulation a été effectuée en à peine 30 millisecondes et, comparativement au modèle lent mais super précis, elle n’avait qu’une erreur relative de 2.8%. Encore plus impressionnant, même s’il n’avait été formé qu’à un seul ensemble de paramètres, le réseau de neurones pouvait prédire la formation de la structure de l’Univers simulé sur la base d’autres paramètres pour lesquels il n’avait même pas été entraîné — par exemple, si la quantité de matière noire était variable.
Cela signifie que l’IA peut disposer d’une flexibilité lui permettant de s’adapter à une gamme de tâches de simulation — bien qu’avant cela, l’équipe espère comprendre comment elle a réussi à faire exactement ce qu’elle fait.