Le VIH est un rétrovirus s’intégrant au génome des cellules cibles dans le but de se multiplier et d’entraîner, à terme, une infection généralisée menant au SIDA. Il dispose en outre de la capacité de se camoufler aux yeux du système immunitaire. Les traitements actuels reposent sur l’utilisation d’antirétroviraux dont le but est de diminuer la charge virale dans l’organisme, sans pour autant éliminer le virus lui-même. Cependant, une nouvelle étude, combinant anti-rétroviraux modifiés et la technique d’édition génétique CRISPR, a permis d’éliminer totalement le virus chez des souris.
Les antirétroviraux fonctionnent mieux sur les virus qui se multiplient activement et infectent des cellules saines. Le VIH a évolué pour « apprendre » cela et peut muter pour devenir résistant aux antirétroviraux, de sorte que dès que la molécule antivirale s’estompe, les virus se répliquent à nouveau en grande quantité. Le VIH peut également se préserver en se cachant, en restant au repos et en ne se reproduisant pas, dans la lymphe et dans d’autres tissus du corps.
Lorsque le système immunitaire baisse sa garde, ces virus latents peuvent recommencer à se répliquer. Cela signifie qu’une fois qu’une personne est infectée, ces virus restent dans le corps, attendant pour submerger le système immunitaire de millions de virus, des années, voire des décennies, après que le VIH ait infecté sa première cellule. Trouver et éliminer toutes les traces du virus serait une solution bien meilleure que les antiviraux. Mais jusqu’à présent, les chercheurs n’ont pas été en mesure d’y parvenir.
Dans une étude publié dans la revue Nature Communications, des chercheurs rapportent un nouveau moyen possible d’éliminer le VIH du génome d’un animal infecté. Dans le cadre d’une étude portant sur 29 souris, l’équipe a utilisé une combinaison d’un traitement antirétroviral modifié pour maintenir le virus à un niveau d’activité faible et d’une puissante technique d’édition des gènes permettant d’extraire les gènes du VIH des cellules infectées.
Des antirétroviraux plus efficaces grâce à la technique LASER ART
Lors de divers tests, les scientifiques n’ont trouvé aucune trace du virus chez 30% des animaux. « Cette observation est la première étape pour montrer pour la première fois, à ma connaissance, que le VIH est une maladie curable » déclare l’un des auteurs principaux de l’étude, Kamel Khalili, directeur du centre de neurovirologie à l’University’s Lewis Katz School of Medicine.
Premièrement, les chercheurs ont réduit le taux de réplication active du virus dans le sang à l’aide de médicaments antirétroviraux conventionnels modifiés par un processus appelé LASER ART. Le processus a été mis au point par le Dr Howard Gendelman, titulaire de la chaire de pharmacologie et de neurosciences expérimentales du centre médical de l’Université du Nebraska, et le deuxième auteur principal de l’étude.
Avec LASER ART, les médicaments anti-VIH traditionnels sont peaufinés afin de développer une structure cristalline, puis sont enfermés dans des particules liposolubles. Cela leur permet de glisser à travers les membranes des cellules dans des endroits où le VIH a tendance à se cacher, comme le foie, les tissus lymphatiques et la rate. Une fois à l’intérieur, les enzymes des cellules commencent à libérer le médicament.
Une combinaison antirétroviraux/CRISPR pour éliminer efficacement le VIH
La structure cristalline libère les médicaments plus lentement, ce qui leur permet de continuer à éliminer les virus en dormance au fur et à mesure de leur apparition et de leur réplication pendant des mois plutôt que des jours ou des semaines, comme les formes conventionnelles de médicaments. La deuxième étape consistait à utiliser l’outil d’édition de gènes CRISPR-cas9 pour dissocier le VIH de toutes les cellules en circulation infectées par des gènes viraux, des cellules que les médicaments anti-VIH ont ratées.
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Khalili avait précédemment utilisé CRISPR pour extraire avec succès les gènes du VIH de cellules humaines en laboratoire, ainsi que celles d’animaux. Mais, utilisé seul, CRISPR ne suffit pas ; une fois que le VIH se réplique, il en sort tellement de copies qu’il n’est pas possible pour CRISPR de toutes les éditer. En fait, certaines des souris ont été traitées avec CRISPR seul, et certaines avec LASER ART seul ; dans les deux groupes, les niveaux de VIH ont finalement rebondi au cours de la période d’étude de cinq à huit semaines.
Cependant, lorsqu’ils sont combinés au traitement au laser, les deux traitements ont efficacement éliminé le VIH des animaux dans les essais.
La puissance de la thérapie génétique contre le VIH
« Au fil des ans, nous avons considéré le VIH comme une maladie infectieuse. Mais une fois qu’il pénètre dans la cellule, il ne s’agit plus d’une maladie infectieuse, mais devient une maladie génétique car le génome viral est incorporé dans le génome de l’hôte » explique Khalili. « Afin de soigner la maladie, nous avons besoin d’une stratégie génétique. L’édition de gènes nous donne l’opportunité d’éliminer l’ADN viral des chromosomes de l’hôte sans nuire au génome de celui-ci ».
La technologie CRISPR-cas9 était remarquablement précise dans les tests sur les animaux, épurant uniquement les gènes du VIH sans effectuer de coupures non désirées ailleurs dans l’ADN des souris. De plus, les chercheurs ont également pris des cellules immunitaires, ciblées par le VIH en tant qu’hôtes, provenant d’animaux traités au LASER ART et au CRISPR, puis les ont transférées à des animaux en bonne santé afin de déterminer s’ils développaient une infection par le VIH qui aurait pu persister. Aucune infection ne s’est produite.
« Nous sommes assez confiants du résultat et ravis de constater que chez les petits animaux, en utilisant la technologie et la méthode que nous avons développées, nous pouvons obtenir ce que nous appelons un traitement stérilisant ou l’élimination du virus » déclare Khalili.
L’équipe teste déjà la thérapie chez des primates non humains et espère confirmer les mêmes résultats. Si les essais sont concluants, cela ouvrirait la voie à des tests sur l’Homme.
En 2015, Khalili a cofondé la société Excision Biotherapeutics, basée à Philadelphie, dans le but de mener de futurs essais sur l’humain en utilisant cette méthode de traitement, et il est optimiste quant à cette approche. « Il semble que CRISPR pourrait être le moyen d’éliminer définitivement le VIH, c’est ce que nous espérons » conclut-il.