L’étude de l’exposition du graphite à une espèce de bactérie a montré que cette dernière est capable de convertir cette matière en graphène. L’application au niveau industrielle de cette découverte pourrait permettre des économies substantielles dans la production de ce matériau.
Produit et extrait pour la première fois il y a seulement 15 ans, le graphène est un matériau constitué d’une unique couche de carbone, et qui est dans la nature le composant principal du graphite. Il est particulièrement employé pour son poids très léger et sa résistance, ainsi pour ses propriétés conductrices dans l’électronique. Mais il aurait pu être utilisé dans davantage de domaines si son coût de production n’avait pas été un important frein (environ 100 euros le gramme).
Depuis 2004, les scientifiques tentent d’élaborer de nouvelles méthodes afin de rendre sa production moins chère. La première méthode employée était très rudimentaire, car il s’agissait de coller du ruban adhésif à la surface du graphite pour l’extraire. Des méthodes chimiques ont ensuite vu le jour, mais la dernière en date, expliquée dans un papier publié ce mois-ci, fait appel à des procédés biologiques et pourrait abaisser significativement le coût de production.
Des chercheurs de l’Université de technologie de Delft aux Pays-Bas et de Rochester dans l’État de New York ont démontré que la bactérie Shewanella oneidensis est capable de produire du graphène lorsqu’elle est mélangée avec de l’oxyde de graphite, et ce grâce une réaction appelée en chimie « réduction », où les molécules d’oxygène sont retirées de ce dernier, ne laissant que du graphène conducteur. Cette méthode naturelle à l’avantage d’éviter l’usage de produits chimiques employés actuellement par les industries, et est moins onéreuse. Son développement à une plus grande échelle (que le laboratoire) pourrait permettre son application dans davantage d’appareils informatiques ou médicaux.
« La production d’une quantité importante est difficile et donne généralement du graphène plus épais et moins pur. C’est là que notre travail intervient », déclare Anne Meyer, biologiste de l’Université de Rochester.
En effet, non seulement les chercheurs ont découvert une nouvelle manière d’obtenir le matériau, mais le produit final est également plus fin, plus stable, et a une meilleure longévité que le graphène produit chimiquement.
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La production de graphène par la bactérie possède également l’avantage de ne pas retirer tous les groupes d’oxygène, qui pourraient être exploités pour leurs propriétés à s’attacher à certaines molécules. Ceci ouvre de nouvelles voies dans la conception de dispositifs biomédicaux tels que des biocapteurs à transistors à effet de champ, qui sont des appareils détectant des molécules biologiques spécifiques, l’un des plus connus étant le glucomètre (mesurant le taux de glucose chez les diabétiques).
De nombreuses analyses doivent encore être réalisées avant de songer à l’utilisation à plus grande échelle de cette technique, qui pourrait significativement réduire le prix de nombreux appareils électroniques. Mais au vu de la qualité du graphène obtenu et de l’absence de composés chimiques, la production de ce matériau promet de s’accroître à l’avenir.
« Notre graphène produit par des bactéries améliorera considérablement le développement global de ce produit », ajoute Meyer.