Au regard de l’augmentation croissante du taux de CO2 atmosphérique, les scientifiques se sont lancés dans une course pour réduire efficacement la concentration de ce gaz à effet de serre. Plusieurs techniques ont été proposées au cours des dernières années, mais toutes se sont révélées relativement coûteuses et sans réelle contrepartie. Récemment, des chercheurs ont proposé une méthode visant à piéger le CO2 dans des hydrates de méthane ; le méthane ainsi chassé pourrait être brûlé pour produire de l’électricité en retour.
Une méthode explorée au cours de la dernière décennie pourrait constituer un pas en avant, selon une nouvelle simulation informatique. Le processus impliquerait le pompage de CO2 atmosphérique dans des hydrates de méthane — d’importants gisements d’eau glacée et de méthane sous le plancher maritime, sous l’eau à une profondeur de 500 à 1000 mètres — où le gaz serait stocké ou séquestré de manière permanente.
Le CO2 entrant rejetterait le méthane, lequel serait canalisé à la surface et brûlé pour produire de l’électricité. Cela permettrait d’alimenter l’opération de séquestration ou générer des revenus pour la payer. Il existe de nombreux gisements d’hydrate de méthane le long du littoral du golfe du Mexique et d’autres côtes. Les grandes centrales électriques et les installations industrielles émettrices de CO2 bordent également la côte du golfe.
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Une option serait donc de capturer le gaz directement à partir des cheminées avoisinantes, l’empêchant d’atteindre l’atmosphère. Et les usines et les industries elles-mêmes pourraient fournir un marché direct concernant l’électricité produite.
Piéger le CO2 atmosphérique dans des hydrates de méthane
Un hydrate de méthane est un dépôt de molécules d’eau gelées, semblable à un réseau cristallin. Le réseau instable comprend de nombreux pores vides de taille moléculaire, ou « cages », qui peuvent piéger les molécules de méthane remontant à travers des fissures dans la roche située en dessous. La simulation informatique montre que l’extraction du méthane avec du CO2 est grandement améliorée si une forte concentration d’azote est également injectée et que l’échange de gaz est un processus en deux étapes.
En une étape, l’azote pénètre dans les cages ; cela déstabilise le méthane emprisonné, qui s’échappe de ces dernières. Dans une étape séparée, l’azote aide le CO2 à cristalliser dans les cages vides. Le système perturbé « cherche à atteindre un nouvel équilibre ; le solde va à plus de CO2 et moins de méthane » explique Kris Darnell, auteur principal de l’étude publiée dans la revue Water Resources Research.
Un groupe de laboratoires, d’universités et d’entreprises ont testé la technique lors d’un essai de faisabilité limité en 2012 sur le versant nord de l’Alaska, où des hydrates de méthane se forment dans du grès sous un pergélisol profond. Ils ont envoyé du CO2 et de l’azote par un tuyau dans l’hydrate. Une partie du CO2 a fini par être stockée et du méthane a été libéré dans le même tuyau. « C’est bien que Kris Darnell puisse faire des progrès » déclare Ray Boswell, du Laboratoire national de la technologie de l’énergie du département américain de l’Énergie.
La saumure : une alternative aux hydrates de méthane
La nouvelle simulation a également montré que l’échange de CO2 contre le méthane serait probablement beaucoup plus étendu et plus rapide si le CO2 pénétrait à l’une des extrémités d’un gisement d’hydrates et que le méthane était collecté à une extrémité éloignée. Le concept de la technique est assez similaire à celui de Steven Bryant et d’autres chercheurs de l’Université du Texas, présenté au début des années 2010.
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En plus de nombreux gisements d’hydrates de méthane, la côte du golfe du Mexique comprend de grandes flaques de saumure chaude et salée dans des roches sédimentaires situées sous la côte. Dans ce système, les pompes enverraient du CO2 par le bas dans une extrémité du gisement, ce qui forcerait la saumure dans un tuyau placé à l’autre extrémité et remontant à la surface. Là, la saumure chaude circulerait dans un échangeur de chaleur, où la chaleur pourrait être extraite et utilisée pour des processus industriels ou pour générer de l’électricité.
La saumure en amont contient également du méthane qui pourrait être siphonné et brûlé. Le CO2 se dissout dans la saumure souterraine, devient dense et coule plus loin sous terre, où il reste théoriquement piégé.
Des méthodes intéressantes encore trop peu viables économiquement
Les deux systèmes sont confrontés à de grands défis pratiques. On crée un flux concentré de CO2 ; le gaz ne représente que 0.04% de l’air et environ 10% des émissions des cheminées d’une centrale électrique ou d’une installation industrielle. Si un système efficace utilisant l’hydrate de méthane ou la saumure nécessite un apport de 90% de CO2, par exemple, la concentration du gaz nécessitera une énorme quantité d’énergie, ce qui rend le processus très coûteux. « Mais si vous n’avez besoin que d’une concentration de 50%, cela pourrait être plus intéressant » déclare Bryant. « Vous devez réduire le coût de captage du CO2 ».
Un autre défi majeur pour l’approche concernant l’hydrate de méthane consiste à collecter le méthane libéré, qui pourrait simplement s’échapper du gisement par de nombreuses fissures, et dans toutes les directions.
Compte tenu de ces réalités, il n’y a guère de motivation économique à utiliser les hydrates de méthane pour séquestrer le CO2. Mais avec l’augmentation des concentrations dans l’atmosphère et le réchauffement de la planète, des systèmes capables de capter le gaz tout en fournissant l’énergie ou les revenus nécessaires à son fonctionnement pourraient devenir plus viables que des techniques qui extraient simplement le CO2 de l’air et le piègent sans rien offrir en retour.