Certaines structures antiques sont si difficiles d’accès ou fragiles qu’il est nécessaire de développer des méthodes d’exploration indirectes ou non-invasives. L’une de ces techniques consiste à utiliser les muons pour effectuer une radiographie des structures. La radiographie muonique a ainsi été utilisée pour modéliser l’une des structures les plus mystérieuses du patrimoine de l’UNESCO : une construction souterraine en forme de croix dont la fonction est toujours inconnue, et qui pourrait être l’une des églises chrétiennes les plus anciennes du monde.
En utilisant un phénomène astrophysique courant, les archéologues ont commencé à explorer une mystérieuse structure enfouie sous terre en Russie. Selon une nouvelle étude, cette structure pourrait être l’une des plus anciennes églises chrétiennes du monde. La structure inconnue se trouve dans la partie nord-ouest de la forteresse de Naryn-Kala, une fortification située à Derbent datant d’environ 300 apr. J.-C.
La structure en forme de croix, d’une profondeur de 11 mètres, est presque complètement dissimulée par un dôme à moitié détruit. Mais comme il s’agit d’un site du patrimoine culturel de l’UNESCO, la structure est protégée et ne peut être excavée — et sa fonction reste largement débattue. La structure pourrait avoir servi de réservoir, d’église chrétienne ou de temple du feu zoroastrien, selon une déclaration de l’Université nationale des sciences et de la technologie MISIS (Russie).
Les rayons cosmiques pour modéliser la structure souterraine
Ainsi, un groupe de chercheurs a décidé d’exploiter les rayons cosmiques pour les aider à brosser un tableau de la structure, semblable à la façon dont des archéologues ont découvert un espace vide dans la Grande Pyramide de Gizeh en 2017. Cette méthode est appelée « radiographie à muons ». Les détails ont été publiés dans la revue Applied Sciences.
Les rayons cosmiques sont une forme de rayonnement de haute énergie provenant du Soleil ou d’autres phénomènes astrophysiques extérieurs au Système solaire (voire à la Voie lactée). Ils balaient constamment la Terre. Même si la plupart de ces rayonnements interagissent avec la haute atmosphère et n’arrivent jamais jusqu’à la surface, certaines particules, appelées muons, atteignent la surface de la Terre.
Les muons traversent la matière à des vitesses relativistes. Mais lorsqu’ils voyagent à travers des objets plus denses, ils perdent de l’énergie et se décomposent. Ainsi, en calculant le nombre de muons traversant diverses parties souterraines, les chercheurs peuvent brosser un tableau de la densité d’un objet. Mais pour que cette méthode fonctionne, la structure et le sol environnant doivent présenter une différence de densité d’au moins 5 %.
Les chercheurs ont placé des détecteurs de muons à environ 10 m de la mystérieuse structure et pris des mesures pendant deux mois. Ils ont constaté que la structure et le sol environnant présentaient suffisamment de différence de densité pour pouvoir utiliser cette méthode afin de déterminer la forme 3D de la structure.
Une construction à la fonction inconnue
Les chercheurs ne pensent pas que la structure soit un réservoir d’eau souterrain, même si de nombreuses sources historiques le décrivent comme tel. Selon le communiqué, il aurait plutôt été utilisé pour stocker de l’eau aux 17e et 18e siècles. « Cela me semble très étrange d’interpréter ce bâtiment comme une citerne à eau » déclare Natalia Polukhina, physicienne et auteure de l’article.
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Dans la même structure, les chercheurs ont identifié une autre structure souterraine qui est en réalité un réservoir de forme rectangulaire. De plus, pendant la construction, la structure n’était pas enterrée mais à la surface, et a été érigée sur le point le plus élevé de la forteresse. « Pourquoi mettre le réservoir à la surface, et même sur la plus haute montagne ? Actuellement, il y a plus de questions que de réponses ».
Radiographie muonique : une méthode de modélisation efficace
Cette étude ne visait initialement pas à faire une nouvelle découverte mais plutôt à confirmer l’efficacité de la radiographie muonique pour révéler la configuration de la structure. Ensuite, les chercheurs espèrent mener une analyse encore plus détaillée pour créer une image 3D complète du bâtiment, les aidant ainsi à comprendre son objectif.
« La technique est très efficace » déclare Christopher Morris, membre du Los Alamos National Laboratory. Mais le seul accès à la structure semble provenir du vide au centre. Les chercheurs ne peuvent donc la modéliser qu’avec un ensemble de données limitées à un seul point de vue. « Je pense qu’il est possible de reconstruire la structure enterrée, si le groupe implémentait plus de détecteurs et collectait de meilleures données. Mais je ne sais pas si cela peut révéler si la structure est une église » conclut-il.