En 1935, les physiciens Albert Einstein et Nathan Rosen publient leurs travaux sur des configurations spécifiques de l’espace-temps dans le cadre de la relativité générale, prenant la forme de tunnels hypothétiques dans l’espace-temps reliant deux régions de l’espace. En 1957, Wheeler et Misner baptisent ces solutions des trous de ver. Réputés instables, une équipe de physiciens théoriciens de l’université de Californie a récemment démontré qu’il était néanmoins théoriquement possible de les stabiliser suffisamment longtemps pour les traverser.
Comme les trous noirs, les trous de ver sont des solutions aux équations de la relativité générale. Cependant, contrairement aux premiers, ils demeurent encore purement théoriques. Il s’agirait de tunnels spatio-temporels reliant un trou noir et un trou blanc. Ces objets hypothétiques souffrent d’un défaut majeur : ils sont fortement instables ; un seul photon les traversant ferait s’effondrer toute la structure. Pour maintenir un trou de ver stable, une masse négative est requise. Le problème ? Masse négative et trous blancs n’existent pas.
Un pont entre deux trous noirs chargés
Les mathématiques offrent une solution théorique possible : un trou noir chargé. Les trous noirs peuvent transporter une charge électrique. L’intérieur d’un trou noir chargé est un endroit étrange ; la singularité centrale est étirée et déformée, lui permettant de créer un pont avec un autre trou noir chargé de manière opposée.
Toutefois, un trou de ver reliant deux trous noirs chargés présente deux problèmes. Premièrement, il reste instable et si quelque chose ou quelqu’un essaie de l’utiliser, il s’effondre. L’autre problème est que les deux trous noirs de charges opposées seront attirés l’un par l’autre — à la fois par des forces gravitationnelles et électriques — et que s’ils fusionnent ensemble, il en résulte un trou noir électriquement neutre et inutilisable.
Séparer les trous noirs à l’aide de cordes cosmiques
Donc, pour tenir les deux trous noirs éloignés l’un de l’autre et maintenir la stabilité du trou de ver, un autre élément est nécessaire : les cordes cosmiques (attention, ces cordes sont différentes des cordes de la théorie des cordes). Les cordes cosmiques sont des défauts topologiques théoriques, semblables aux fissures qui se forment lorsque la glace gèle, dans la structure de l’espace-temps. Ces restes cosmiques se seraient formés une fraction de seconde après le Big Bang.
Bien qu’elles n’aient jamais été observées, aucune physique n’interdit leur formation et leur existence. Elles possèdent une propriété très utile en ce qui concerne les trous de ver : une tension phénoménale. Les deux extrémités d’une corde cosmique agissent comme deux équipes jouant au jeu du tir à la corde. Ainsi, si la surface de chaque trou noir chargé est traversée par l’extrémité d’une corde cosmique, ils seront tenus éloignés l’un de l’autre.
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Boucles et énergie négative : stabiliser le trou de ver
La corde cosmique résout l’un des problèmes (maintenir les extrémités ouvertes), mais elle n’empêche pas le trou de ver de s’effondrer s’il est utilisé. La solution revient à faire boucler une seconde corde cosmique autour du trou de ver. Lorsque les cordes cosmiques forment une boucle, elles génèrent de puissantes vibrations dans l’espace-temps ; et les fluctuations quantiques peuvent transformer l’énergie alentour en énergie négative, stabilisant alors le trou de ver.
Cela semble complexe, mais dans leur article publié sur le serveur de pré-publication arXiv, les physiciens donnent des instructions précises, pas à pas, pour la construction d’un tel trou de ver. Ce n’est pas une solution parfaite : finalement, les vibrations inhérentes aux cordes cosmiques — les mêmes qui pourraient maintenir le trou de ver ouvert — entraînent l’énergie, et donc la masse, loin de la corde, la rendant de plus en plus petite.
Progressivement, les cordes cosmiques finissent par s’amenuiser en rayonnant de l’énergie, entraînant inexorablement l’effondrement du trou de ver. Cependant, une telle méthode pourrait maintenir le trou de ver stable suffisamment longtemps pour y faire passer un message, voire même des objets.