La majorité des circuits électroniques composant actuellement les objets du quotidien (télévisions, smartphones, ordinateurs, etc.) sont constitués de silicium. Si jusqu’à présent ce matériau s’est montré d’une grande efficacité, il révèle aujourd’hui des limites intrinsèques lorsqu’il s’agit d’atteindre une plus grande puissance et rapidité. Récemment, une équipe d’ingénieurs et de physiciens a mis au point un microprocesseur fonctionnel uniquement composé de nanotubes de carbone. Ce dernier pourrait être un remplaçant extrêmement prometteur pour les futurs circuits électroniques.
Pendant de nombreuses années, le silicium a très bien fonctionné en tant que matériau destiné à l’électronique, mais aujourd’hui il commence à atteindre ses limites. Il existe maintenant un nouveau candidat pour le remplacer : les nanotubes de carbone. Des ingénieurs et physiciens viennent de fabriquer la plus grande puce informatique fonctionnelle à ce jour à partir de ce matériau prometteur. Et cela pourrait représenter le début d’une toute nouvelle révolution informatique.
Alors que les transistors au silicium commencent à se heurter aux limites de la physique en termes de taille et de densité, les données montrent que les nanotubes de carbone sont une option plus rapide et plus économe en énergie. Des processeurs (des groupes de transistors) fabriqués à partir de nanotubes de carbone pourraient aider l’informatique à faire un bond en avant.
Un microprocesseur fonctionnel composé de 14’000 transistors en nanotubes de carbone
Dans cette nouvelle étude publiée dans la revue Nature, les chercheurs ont utilisé des feuilles de carbone enroulées, chacune faisant un atome d’épaisseur, pour former 14’000 transistors à effet de champ en nanotubes de carbone (CNFET), contre une tentative antérieure en 2013 d’assembler 178 transistors.
« Il s’agit de loin de la puce la plus avancée issue des nanotechnologies émergentes qui soit prometteuse pour l’informatique haute performance et écoénergétique » déclare l’informaticien Max Shulaker, du Massachusetts Institute of Technology (MIT). « Il existe des limites au silicium. Si nous voulons continuer à gagner en puissance, les nanotubes de carbone représentent l’un des moyens les plus prometteurs de surmonter ces limites. Cette étude réinvente complètement la manière dont nous construisons des puces avec des nanotubes de carbone ».
Le processeur de 16 bits était même assez fonctionnel pour exécuter un programme de base, produisant les mots « Bonjour tout le monde ! Je suis un RV16XNano, fabriqué à partir de CNT ». (transistors à nanotubes de carbone). Ce qui est encore plus impressionnant, c’est que la précédente tentative de mise au point d’une telle puce ne comportait qu’un seul bit.
Un processus de fabrication fortement optimisé
Bien que les nanotubes de carbone aient beaucoup de potentiel, leur transformation en transistors est un véritable défi. Cela est dû à des défauts dans le matériau qui font que certains CNFET ne conservent pas leurs propriétés de semi-conducteurs (la capacité de conduire un courant lorsque la tension est appliquée), tandis que d’autres s’assemblent et gênent le fonctionnement du processeur.
Les chercheurs ont surmonté ces deux problèmes. L’un des correctifs impliquait de concevoir des circuits qui ne seraient pas affectés par les CNFET non semi-conducteurs comme ils le devraient, ce qui laisse un peu plus de place à l’erreur dans les processus de fabrication. Actuellement, le matériau utilisé dans ces puces requiert une pureté de 99.999999%, ce qui est pratiquement impossible. La nouvelle technique nécessite seulement une pureté de 99,99%, ce qui paraît toujours haut, mais est en réalité 10’000 fois moins compliqué.
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Bien que l’équipe ait peaufiné diverses étapes du processus de fabrication, y compris l’ajout d’une couche de composé d’oxyde, la majeure partie du processus de construction du processeur est identique à celle du silicium, ce qui est de bon augure pour le remplacement éventuel du silicium par des nanotubes de carbone.
Une commercialisation d’ici les 5 prochaines années ?
« Ce travail est un grand pas en avant et se rapproche beaucoup d’une puce commerciale » déclare le physicien Yanan Sun de l’Université de Shanghai Jiao Tong en Chine, non impliqué dans les recherches. C’est une époque prometteuse pour les informaticiens qui cherchent à explorer un monde de machines qui dépasse les limites du silicium. Trouver un produit de remplacement du silicium constitue également un élément important du développement de l’informatique quantique.
Toutefois, un long travail est encore attendu : le prototype présenté est une preuve de concept qui n’a pas encore été jugée plus rapide ni plus économe en énergie qu’un processeur sur silicium comparable. L’équipe admet qu’il y a encore beaucoup à faire. Cependant, 14’000 transistors représentent une avancée majeure par rapport aux 178 transistors précédents et, avec les améliorations apportées au processus de fabrication, les chercheurs estiment que ces puces pourraient être viables dans les cinq prochaines années.